Le hasard prend une place importante dans un système de simulation. Il sert à représenter autant la fatalité du destin que les milliers de petits détails que nous préférons ne pas tenir en compte afin de ne pas trop alourdir le jeu. Par delà la simple simulation, le hasard sert aussi à amener un certain élément de suspense, de tension: le joueur ne saura jamais si son personnage sera capable ou non de réussir son action; il restera toujours une certaine part de risque. Toutefois, trop de hasard peut aussi nuire au scénario et il est parfois préférable (et même plus réaliste) de diminuer la part du hasard dans l'issue d'une action. Le MJ devrait être capable de jouer à la fois sur le stress et l'héroïsme des personnages tout en gardant un système cohérent.
Pour les Harmonies, un système qui s'adaptait directement à l'échelle de valeurs et qui permettait de gérer adéquatement et sans "injustice" flagrante le niveau de hasard était nécessaire. De plus, la possibilité de jouer dans un environnement plus mobile qu'un salon ou une table de cuisine a été pris en compte et une alternative au jeu avec dés ainsi que des conseils pour jouer sans dés ont été inclus.
Les jets de dés dans Harmonies sont un peu différents de ce que vous pouvez avoir l'habitude. Premièrement il vous faut deux dés à dix faces. Vous pouvez habituellement vous procurer ces dés dans des magasins spécialisés dans les jeux de rôle et de simulation. Choisissez en deux de couleurs différentes, l'un sera le dé de chance, et l'autre le dé de malchance. Puis lancez les deux dés et soustrayez le résultat du dé de malchance de celui de chance. Vous voilà rendu avec un résultat entre -9 et +9. Plus c'est haut, plus vous avez de chance de réussir votre action. Ces jets sont indiqués par ±d10.
Parfois, les circonstances sont exceptionnelles et les personnages qui s'y retrouvent sont à même d'accomplir des actes de grandes envergures ou des maladresses désastreuses. Dans ces cas là, il est possible de lancer un jet ouvert. Ce jet n'est pas limité entre -9 et +9 et permet d'obtenir n'importe quel résultat que ce soit au-dessus ou en-dessous de zéro.
Le jet ouvert est comme un jet de différence excepté lorsque les dés tombent sur un 10. À ce moment, le joueur relance le dé et ajoute 10 points au résultat du nouveau jet. Si c'est encore un 10, le joueur conserve les 20 points accumulés pour ce dé et relance encore à nouveau. Ça continue ainsi jusqu'à l'obtention d'un résultat autre que 10. Les résultats des deux dés sont alors soustraits l'un à l'autre comme pour le jet de différence, pour donner un éventail de résultats permettant de réussir une action pratiquement impossible, ou d'échouer l'action la plus simple qui soit.
Il est possible de limiter le nombre de fois qu'on rejette le dé. Par exemple, un jet pourrait être ouvert 1 fois seulement, limitant les résultats entre -19 et +19. Un jet ouvert 2 fois donnera des résultats entre -29 et +29. On notera ces jets en ajoutant le nombre de jets supplémentaires possibles entre braquettes ([]), soit respectivement ±d10°[1] et ±d10°[2] pour nos exemples. Un jet ±d10°[0] est donc équivalent à un ±d10. Si le Meneur du Jeu désire un jeu plus réaliste, il est suggéré de faire des jets à ±d10°[1] lors de la majorité des actions, qui ne limitent pas trop les personnages mais ne permettent pas non plus des actions pratiquement inimaginables (Un enfant réussissant à pousser un rocher de 3 tonnes par exemple). Les ±d10 pourront être gardés pour les actions banales, sans stress, et les ±d10° pourront servir pour les scènes extraordinaires.
Vous ne trouverez pas de dés à 5 faces sur le marché. Bien qu'il soit possible d'en faire avec un dé à 10 faces dont on divise le résultat par deux, ce n'est pas celui qui nous intéresse. Le d5° est en fait un dé à 6 faces auquel on soustrait 1 pour obtenir un résultat entre 0 et 5. À chaque fois qu'on obtient 5, on rejette le dé et on l'ajoute au résultat précédent comme pour les ±d10°.
La principale différence est que, contrairement au ±d10°, le résultat du lancer d'un seul dé est continu; il n'y a pas de saut entre 9 et 11 ou entre 19 et 21. On peut donc ne lancer qu'un seul dé et obtenir un résultat toujours positif ce qui peut s'avérer pratique dans certaines situations.
Ces jets peuvent aussi être limités par l'ajout des braquettes [] de même que jouer en différence, représenté par ±d5°.
Le chifoumi est un bon moyen pour remplacer les dés et a l'avantage de ne nécessiter aucun matériel spécial et de pouvoir se faire à n'importe quel endroit. Ils se fait entre deux personnes qui, au compte de trois, présentent leurs mains avec les doigts repliés de façon à former un des trois signes suivants: La roche, le papier ou le ciseau. Chacun de ces signes l'emporte sur l'un, et est battu par l'autre. Deux signes identiques sont considérés comme un match nul. Le Tableau 1.2, « Chifoumi » décrit les signes et leurs effets.
Tableau 1.2. Chifoumi
Nom | Description | L'emporte sur... | Est battu par... |
---|---|---|---|
La roche | Poing fermé | le ciseau | le papier |
Le papier | Main ouverte | la roche | le ciseau |
Le ciseau | Index et majeur pointés en forme de V | le papier | la roche |
Dans les Harmonies, le chifoumi suit des règles particulières afin d'obtenir une valeur finale comme pour les dés. Un jet de chifoumi se déroule en plusieurs manches. Les deux adversaires (si un seul personnage participe, c'est le Meneur du Jeu qui jouera l'adversaire) se confronte dans une première manche. En cas d'égalité, le score final est 0 et le jet est terminé. Sinon, le gagnant prend 4 points et est appelé le meneur. On continue ensuite. Chaque manche gagnée d'affilée lui donne 4 nouveaux points qu'il accumule. Une manche nulle arrête le jet au dernier score obtenu. Une manche perdue par le meneur arrête le jet mais lui fait aussi perdre 2 points sur ceux qu'il a pu accumuler. Si le meneur est le joueur actif (celui qui lance les dés normalement), les points accumulés sont comptés dans le positif. Si c'est son adversaire le meneur, les points accumulés sont considérés comme négatifs. Lorsque les règles parlent d'obtenir un 10 naturel sur les dés, en chifoumi, ceci correspond à un score de 8 ou plus, dans le positif comme dans le négatif, ou d'avoir gagné au moins trois manches d'affilée.
Peut-être prendre une mise initiale de +2, +4 ensuite pour celle gagné et +2 pour une nulle, les nulles et perdues arrêtant les manches.
Exemple 1.3. Jet de chifoumi
Un joueur doit enfoncer une porte. Le Meneur du Jeu décide que le joueur doit faire un jet de chifoumi contre la porte. C'est le Meneur du Jeu qui sera l'adversaire du joueur. Au premier tour, le joueur fait roche et le Meneur du Jeu fait ciseau. Le joueur gagne donc 4 points et devient le meneur. Au deuxième tour, le joueur décide de faire ciseau et le Meneur du Jeu fait papier. Le joueur gagne encore 4 points et on continue. Au troisième tour, le joueur refait roche mais le Meneur du Jeu fait papier. Cette fois, le joueur perd 2 points sur son total et le jet s'arrête là. Le joueur a donc fait 4+4-2 = 6 points, et comme il était le meneur, le total est positif. Si la dernière manche était nulle, le jet se serait arrêté là mais le joueur aurait terminé avec un +8.
Le score de +4/-2 permet d'obtenir des résultats très similaires à celui d'un ±d10°. Vous pouvez modifier ces valeurs pour obtenir d'autres jets de dés. Par exemple, le d5° est bien représenté avec un chifoumi à +2/-1. Toutefois, bien que les règles de probabilités soient claires, le chifoumi contient une bonne part de psychologie et il faudra donc faire plus attention sur les conséquences d'une réussite ou d'un échec. De plus, de tenir le compte du résultat entre les manches permettra bien souvent de raccourcir les jets. Effectivement, il est très rare de rencontrer plus de trois manches gagnées d'affilée, ce qui donne un minimum de +10. Si vous aviez une difficulté de -8 à battre, vous pouvez donc vous arrêter tout de suite.
Il arrive souvent, pour le bien de l'histoire, que le Meneur du Jeu ignore les résultats des dés et choisit lui-même le résultat d'une action. Les joueurs ne sont pas dupes et connaissent très bien cet état de fait, alors pourquoi ne pas se passer de dés tout simplement, ou ne s'en servir que très rarement? Bien que très peu le mentionne directement dans leurs règles, la majorité des jeux de rôle permettent de jouer sans aucun dé ou presque et le système des Harmonies ne fait pas exception à la règle.
La façon suggérée est d'utiliser les mêmes règles mais de remplacer le résultat du jet de dés par un malus/bonus déterminé par le Meneur du Jeu et situé entre -5 et +5. Le bonus devrait rendre compte tant de l'originalité de l'idée, de la qualité du jeu d'acteur et de l'apport de l'idée pour le scénario. Le Meneur du Jeu devra aussi décider sur une base exceptionnel si le joueur mérite les avantages ou les désavantages liés à l'obtention d'un 10 naturel, sachant que ce dernier survient environ une fois sur 5.
De plus, pour laisser aux joueurs des chances d'influencer un peu plus les résultats, un certain nombre de points peuvent être attribués aux joueurs au début de chaque partie pour qu'ils puissent les dépenser comme bonus. Dépendant de la longueur de vos parties, de la fréquence des jets et du degré de liberté que vous désirez laisser aux joueurs, un nombre entre 5 et 20 points est suggéré. À la fin de chaque partie, les points restants peuvent être convertis en expérience.
Finalement, pour ceux qui désirent promouvoir un peu plus le jeu d'acteur sans pour autant abandonner les dés, faites jouer des ±d5° et limiter le bonus entre -5 et +5. Le jeu du joueur sera donc déterminant dans sa réussite mais une part de hasard viendra rajouter un peu de piquant à l'action.