Histoire/Expression

Qu'est-ce qu'une histoire? C'est parfois un conte merveilleux destiné à nous faire vivre des émotions fortes, découvrir un univers fantastique et assister à des aventures surprenantes. Cet aspect a toutefois été couvert par l'axe du Jouet. Ce peut être aussi l'occasion de suivre l'auteur dans un dédale de mystères et de tenter de découvrir, si possible avant les héros, la clé de l'énigme. Cet aspect ludique de la lecture a été elle aussi couverte par l'axe du Jeu. Que reste-t-il alors? Il reste l'histoire comme moyen d'expression, l'histoire qui fait réfléchir, qui pose des questions, présente des points de vue et exprime des opinions, des idées, l'histoire qui fait sourire, qui fait rire ou pleurer. C'est cet aspect de l'histoire qui est représenté sur cet axe.

L'univers fantastique, les héros, les situations deviennent donc ici l'occasion pour chacun d'exprimer ses idées sur différents points de vue. Ils sont une sorte de projection de notre propre monde, ou plutôt d'une certaine idée des auteurs. Que ce soit le concepteur (à travers le concept de l'univers, et les règles favorisant tels ou tels types d'actions), le scénariste (par le choix des situations et la résolution du scénario), ou les joueurs eux-mêmes (par les choix que prennent leurs personnages, et les objectifs qu'ils se posent), le jeu devient la projection de leurs valeurs, de leurs croyances, de leurs rêves ou de leurs cauchemars. On se rencontre que les mêmes personnages, les mêmes thèmes, les mêmes décisions reviennent souvent. Rêves déchus, révoltes, questionnements, on retrouve souvent l'axe de l'Histoire/Expression chez les joueurs qui recherchent toujours le même personnage, se déclarent déçus quand la fin n'est pas comme ils aimeraient qu'elle soit, ou font toujours la même chose, incluant chercher constamment à « butter du méchant » ou à « flirter toutes les filles ».

Même dans un cadre où les joueurs tentent de reproduire une histoire existante, de s'immerger dans une atmosphère particulière, le jeu de rôle devra laisser une certaine place à l'interprétation de ces éléments. Cette interprétation peut rendre hommage ou critiquer l'œuvre originale, mais elle reste l'expression d'une idée. Si aucune liberté d'interprétation n'est laissée, l'Histoire/Expression n'existe plus. Le joueur devient soit un acteur fortement dirigé, soit un spectateur de la partie et ne fait plus du jeu de rôle.

Pour vraiment favoriser cet axe, le jeu devra offrir un certain contrôle sur des éléments de l'Histoire, et ce, tant pour le MJ que pour les joueurs. La majorité des jeux n'offre de véritable contrôle qu'à travers les règles de combats, si bien qu'il ne faut pas s'étonner que la majorité de l'expressivité des joueurs passent à travers ces climax du jeu de rôle: tel joueur cherchera à maîtriser plutôt qu'à tuer, un autre fera preuve d'une cruauté extrême envers certaines créatures, un autre cherchera à défendre la veuve et l'orphelin et un autre à soigner tout ce beau monde.

Une autre partie de l'expressivité se situe dans le jeu d'acteur, car c'est à ce moment aussi que les joueurs ont beaucoup plus de contrôle sur leurs personnages et peuvent vraiment exprimer leurs pensées, leurs opinions. Des règles comme les points d'héroïsme, les cascades (ou schticks) comme dans Feng Shui™ ou les monologues de victoire comme introduit par The Pool™, qui offrent une chance aux joueurs d'influencer le cours de l'histoire, ou du moins d'accorder plus d'importance sur certaines actions, servent bien ce composant.