Articles de jeuderôlogie

Fabien Niñoles

Historique des versions
Version 1.1: 8 février, 2006

Ajout de la résolution DRI.

Version 1.0: 20 janvier, 2006

Assemblage des articles en livre.

Résumé

Voici quelques articles que j'ai écrit sur la conception et les théories du jeu de rôle. Présentement, les articles sont principalement spéculatifs car je ne crois pas trop à l'expérimentation sans théorie, pratiquement moins encore qu'au théorie sans expérimentation. Les objectifs de la plupart de ces articles est de fournir les outils nécessaires pour analyser et concevoir des jeux de rôle, que ce soit sous la forme du produit ou des activités. N'hésitez pas à les copier, tant que le contenu m'est attribué clairement sans modification de sens du contenu. J'aimerais toutefois être avisé si ces documents étaient publiés, que ce soit sous format électronique ou papier. Tous vos commentaires sont bien sûr les bienvenues.


Table des matières

Le Credo des Harmonies
Introduction historique
Le plaisir de l'aventure
Le maître harmoniste
Préparer son improvisation
Un pour tous et tous pour un
Je suis la loi
Le meneur ne joue pas aux dés
Des chiffres et des descriptions
Le joueur harmoniste
Jeu, Jouet et Histoire
Introduction
Les premiers modèles
Les origines: jeu, casse-tête, jouet et histoire
Définition du modèle
Jeu/Participation
Jouet/Exploration
Histoire/Expression
GNS et le modèle des Jouets
Le jeu gigogne
Le jeu de hasard (421)
le jeu d'énigme (Trivial Pursuit™)
Jeu de simulation (Simulateur de libre arbitre)
Jeu de relation (la veillée)
Jeu d'énigme (le jeu du sphinx)
Jeu de communication (la discussion)
Jeu de rhétorique (la marionnette des mots)
Jeu d'acteur (le théâtre)
Jeu d'auteur (le conte)
La diversité de la gigogne
Les couleurs du système
Introduction
Qu'est-ce qu'un jeu de rôle?
Le modèle des couleurs
Les degrés de liberté
La beauté du système
La visibilité des règlements
Brillance et transparence
La transparence
Le rouge
Le vert
Le bleu
Éléments méta-ludiques
Le modèle GDS et les couleurs
Les intérêts ludistes
Le dramatiste
Le simulationniste
Résumé
Un peu d'histoire
Remerciements
Définition, Résolution et Interprétation
Introduction
Œuvres précédentes
Qu'est-ce qu'un système de résolution?
Le modèle DRI
Définir les évènements
Éléments interpersonnels
Éléments narratifs
Éléments mondains
Utilisation de la hiérarchie
Résolution
La temps de résolution
Le nombre et la nature des protagonistes
Nature, qualité et nombre des résultats
Les combinaisons
Intégration des éléments mondains
Narration, simulation et système de résolution
Drame, Karma et Fortune
Interprétation
Contrôle du flot dans le DRI
Remerciements
Analyse de systèmes de jeux
Présentation
Systèmes à dés
Système matriciel
Système à traits
Système à dés variables
Système à adverbes
Système Harmonique

Le Credo des Harmonies

Lignes directrices pour la maîtrise d'une partie

Fabien Niñoles

Historique des versions
Version 0.1.1 :2004-02-11

Ajout de l'introduction (temporaire) du Credo du joueur harmoniste.

Version 0.1 :2003-11-22

Première version

Résumé

Le credo des harmonies se veut avant tout une ligne de conduite à suivre pour les meneurs de jeu et les joueurs qui le désirent, afin d'aller chercher plus de plaisirs dans leurs parties, tant pour eux que pour leurs amis. Il ne se veut pas ni un code de conduite rigide, ni même une prétention à une unique façon de jouer qui serait meilleure que les autres. Ce ne sont que des conseils avant tout, voire un credo que vous pourrez suivre si vous le voulez, en tout ou en partie.


Introduction historique

Le Credo des Harmonies a été au départ écrit pour la Confrérie de la Clef, un club de meneurs de jeu dont le but est de faire du jeu de rôle médiéval fantastique et d'en promouvoir l'imaginaire et le plaisir. Lors de sa publication sur la liste de discussion toutefois, le Credo des Gardiens de la Clef, comme il s'appelait alors, a reçu un accueil plutôt négatif. Pourtant, très peu en attaquèrent le contenu lui-même. Ce fut plutôt la forme et le principe même du credo qui fûrent critiqués, principalement sur des arguments religieux, la forme rappelant le credo judéo-chrétien, et le style autoritaire, absolu du Credo faisait dire à certains qu'on n'avait pas besoin de telles règles dans le jeu de rôle qui n'est, dans le fond, qu'un loisir.

Le Credo a donc connu une série de modification pour s'accommoder de ces remarques, incluant un changement de titre (il s'est alors appelé les principes des Gardiens de la Clef) et l'ajout d'éléments modérateurs et d'un ton plus neutre, afin de s'assurer que personne ne se sentira lésée dans sa religion, ni ne se sentira coupable s'il ne suit pas les commandements du Credo. Bien que j'aie effectué moi-même ces modifications, je les regrette avec assez d'amertumes pour la plupart. Pas que le Credo fut trahi dans son contenu, loin de là; tout ce qui était important y est encore et même il a gagné en maturité, en clarté. Mais il y a quand même eu une trahison: j'avais écrit le Credo non pas comme un ensemble de règles ou de conseils soutenus par une théorie indestructible, ou du moins solide, mais vraiment comme un acte de foi, en croyant que les éléments présentés par ce Credo étaient effectivement la meilleure façon de favoriser une expérience agréable lors d'une partie de jeu de rôle.

En fait, le Credo favorise un genre de partie bien précis, que certains qualifient de narrativiste, qui met l'accent sur la qualité narrative de l'histoire et l'entente et la complicité entre les joueurs, plutôt que sur le défi ou l'immersion complète des joueurs dans l'univers des personnages. C'est un choix totalement arbitraire de ma part et ne croyez nullement que je dénie l'intérêt de parties orientées vers le ludisme ou l'immersion, loin de là! En aucun endroit je ne prétends que ces règles doivent être suivies par chacun, ou que vous allez être punis et que vos dés seront maudits à jamais si vous ne suivez pas ces règles. Je suis certain qu'il est possible d'avoir bien du plaisir dans une partie de jeu de rôle sans avoir à les suivre et je suis moi-même maintes fois coupable de tels écarts et je ne m'en cache pas.

Le Credo des Harmonies est donc une reprise à mon compte du premier Credo des Gardiens de la Clef, incluant les améliorations qui lui ont été apportées par la suite mais en conservant la forme première. Rappelez vous que personne ne vous a demandé de suivre ce credo, ni même de l'accepter. Les remarques qui ont pour but de l'améliorer sont toutefois la bienvenue!

Le plaisir de l'aventure

Il y a un principe qui ne faisait pas partie du credo dans la première version de celui-ci mais qui a été ajouté dans la suivante. Il n'était pas présent car il constituait, à mon avis, un élément si évident, si propre à la nature du jeu de rôle, que de l'inclure aurait été comme de prétendre que l'on pouvait faire du jeu de rôle sans cet élément. D'ailleurs, toutes les autres affirmations du credo, et le credo lui-même, s'appuie sur celui-ci pour justifier leur existence. On me rappela toutefois que nombre de joueurs avaient tendance, en se laissant prendre par le jeu, à oublier ce principe existentiel du jeu de rôle qui va comme suit:

Le plaisir est le but de toute aventure.

Évident, n'est-ce pas? Comment un jeu de rôle, et l'on parle ici du loisir et non d'un quelconque jeu de rôle thérapeutique ou éducatif, pourrait-il exister sans plaisir? Ce principe du jeu de rôle est plus qu'important, il est essentiel! La raison même pour laquelle on joue est d'avoir du plaisir et s'il n'y en a plus, il vaut mieux pour les participants de s'arrêter et de changer de jeu. Le jeu de rôle n'a pas été construit pour être une tâche déplaisante ou un calvaire, mais bien pour procurer à tous quelques moments de détente et d'évasion fort appréciés.

Ce sont pour ces raisons que j'ai mis ce principe à part des autres, dans sa propre section. Il est trop important pour être lié au credo lui-même et s'il n'y a qu'un seul principe que vous devriez suivre en jouant, c'est celui-ci, par dessus tous les autres.

Le maître harmoniste

Le maître harmoniste est un meneur de jeu qui s'occupe principalement que lui et ses joueurs trouvent intérêts et plaisir dans ses parties. Par le pouvoir qu'on lui prête et le fait qu'il soit le seul à connaître tous les éléments de l'aventure, le meneur de jeu a une place centrale dans l'aventure qui peut faire complètement basculer dans le désagrément une partie qui aurait sinon eu toutes les qualités pour réussir. Le credo du maître harmoniste positionne donc le meneur de jeu comme un animateur, un conteur et un médiateur plutôt que comme un arbitre rigide ou un adversaire. Il se base donc principalement sur les qualités de préparation et d'écoute du meneur de jeu, ainsi que sur la qualité de son jugement. Voici donc le credo au complet:

Credo du maître harmoniste

  1. La préparation est le garant du succès.

  2. L'entente sera préférée à l'arbitrage.

  3. Les règles sont au service de l'aventure.

  4. Le hasard n'a que le pouvoir qu'on lui prête.

  5. Ce qui est assez important pour être chiffré l'est aussi pour être décrit.

Je vais maintenant reprendre chacun des éléments du credo et les commenter un à eux, en donnant, lorsque possible, un exemple où le plaisir n'a pas été présent dans la partie et où suivre le credo aurait pu aider la situation, et j'essayerai de voir aussi s'il est possible d'abuser du credo, c'est à dire de le suivre d'une façon si aveugle que le plaisir de la partie en est gâté.

Préparer son improvisation

La préparation est le garant du succès.

Même l'improvisation se prépare et le maître harmoniste expérimenté se distinguera plus par la qualité de sa préparation que par son talent d'improvisateur.

Il n'y a rien de plus énervant qu'un meneur de jeu qui n'arrête pas de chercher ses notes, prend trois heures pour régler des détails qui n'ont pas été prévus et qui changent d'idées à tout bout de champ. Et comme meneur de jeu, c'est aussi très désagréable d'être pris de cours. Je préfère bien souvent arrêter une partie plutôt que de me laisser prendre dans une section du scénario pour lequel je ne suis pas préparé. Bien qu'il puisse m'arriver d'être suffisamment en forme pour improviser, c'est plus souvent qu'autrement des lieux, personnages et situations qui me sont déjà familiers en tant que meneur de jeu et donc une forme de préparation permanente.

Ici, le plus gros risque, c'est de vouloir tout préparer. Qui ne s'est pas fait prendre à préparer dans tous les plus petits détails une partie, un monde, ou de créer des personnages tellement plus grands que nature qu'ils prennent toute la place au détriment des PJ? C'est à mon avis le risque inhérent à tout projet: oui, il faut être préparé, mais aussi, à un certain moment, il faut se lancer et laisser rouler. C'est un vieux blocage créatif, difficile à contourner et qui même dans le monde professionnel, ne connaît pas de solution universelle. Bref, c'est une question de jugement.

Toutefois, je pense que la plupart des gens, surtout quand on parle de jeu plutôt que de carrière, ont tendance à la paresse plutôt qu'au surcroît de travail et donc que le manque de préparation est plus fréquent qu'une préparation exagérée. À quelque part aussi, on peut dire que le credo, en parlant de se préparer à improviser admet les deux cotés de la médaille: « oui, vous devez être prêt, mais à improviser, pas à réciter! »

Quelques lignes directrices pourraient être les bienvenues à ce niveau.

Un pour tous et tous pour un

L'entente sera préférée à l'arbitrage.

Bien qu'il soit le juge ultime de la partie, le maître harmoniste sera à l'écoute de ses joueurs et tiendra compte de leurs intérêts dans ses décisions, afin que ces derniers participent eux aussi à la création.

La pire erreur qui soit à mes yeux est bien lorsqu'un MJ impose ses décisions au détriment de ses joueurs sous prétexte que « le MJ a toujours raison ». Le pouvoir du MJ ne lui appartient que par entente avec les joueurs. Un MJ sans joueur n'a rien à faire et n'a aucun pouvoir et, à moins d'avoir des tendances soumises, rares sont les joueurs qui aiment faire que ce qu'on leur dit de faire. Les joueurs ne font pas une pièce de théâtre où ils doivent tenter de trouver la bonne réplique pour ne pas être éliminés ou mis de coté temporairement. On joue plutôt de façon interactive et une grosse partie du plaisir du jeu de rôle est le degré de liberté des joueurs. Toute restriction à cette liberté doit être justifiée par le plaisir de jouer, et donc la bonne entente entre les joueurs.

Ici, le risque principal est de transformer une partie en table de négociation. À quelque part, le principe du MJ qui a toujours raison venait contre balancer cet effet de négociation, mais plutôt vis-à-vis des règles imprécises et floues que pour favoriser la bonne entente au sein de l'équipe. De plus, on peut parler d'entente, mais à quel prix? Comme le dit le credo, l'arbitrage n'est pas honni, mais n'intervient que lorsque rechercher une entente risquerait plus de nuire au plaisir du jeu (et non pas à l'histoire comme je l'ai déjà entendu dire). Je pense que dans une partie, il y aura toujours un certain niveau de négociation à faire, surtout au départ avec un nouveau groupe de joueurs. S'il fallait s'entendre sur toutes les règles, styles et principes dès le départ, on n'en finirait plus et la partie ne commencerait jamais. C'est d'ailleurs aussi une des utilités du credo de fournir une base à ce sujet, qui pourrait être approfondi dans un contrat social entre le MJ et les joueurs. Il y a aussi des situations où le MJ, qui connaît la trame scénaristique, peut considérer que l'arbitrage peut intervenir, en tenant compte des éléments que les joueurs ignorent actuellement. Cela demande toutefois une bonne connaissance de objectifs de ses joueurs et un certain jugement de la part du MJ.

Je suis la loi

Les règles sont au service de l'aventure.

Les règles sont là pour assurer le plaisir et la bonne entente entre les joueurs. Lorsqu'elles ne répondent plus à cet objectif, il est du devoir du maître harmoniste de les assouplir, les modifier ou les mettre de côté pour le plaisir des joueurs et de lui-même. Le maître harmoniste ne doit pas se laisser mener par les règles et doit toujours faire preuve de jugement dans leur application.

J'ai vu aussi très souvent des MJ justifier des résultats aberrants par le livre des règles: « C'est écrit, c'est donc ainsi que ça doit se passer. » En tant que créateurs de jeu de rôle, je sais très bien qu'il n'est pas possible de prévoir toutes les situations qui peuvent subvenir dans un jeu de rôle. Mon principe de base en tant que créateur de règles, c'est que les situations exceptionnelles sont laissées au jugement du meneur et des joueurs. Les règles n'ont qu'à adresser les situations les plus courantes dans le jeu de rôle. Je pense que c'est un point de vue partagé par la plupart des créateurs, résumé par la règle d'or de tout système de jeu: « Toute règle peut être ignorée. » que l'on retrouve dans la plupart des manuels. Donc, si un tel principe est présent dans tous les jeux de rôle, ne serait-ce pas une erreur pour un meneur de jeu de l'ignorer[1]?

Le bon meneur devra toutefois user de jugement avant d'ignorer une règle. Le principe dit bien que les règles sont au service de l'aventure, et si elles peuvent échouer à ce but, en quel cas le maître harmoniste est en droit de les assouplir, la majorité du temps elles sont là pour quelque chose, du moment où le jeu a été bien fait. Prétendre qu'il y a des règles et que le meneur peut les ignorer à loisir est une contradiction en soi, très injuste vis à vis des joueurs, qui se servent bien souvent des règles pour asseoir leur compréhension de l'univers, leurs stratégies, ou simplement la tournure qu'ils veulent donner à l'histoire. Ignorer une règle sans justification, c'est trahir vos joueurs et le maître harmoniste tentera toujours de garder à l'esprit pourquoi une règle particulière existe et qu'est-ce qui en coûtera, pour sa partie, de l'ignorer.

Le meneur ne joue pas aux dés

Le hasard n'a que le pouvoir qu'on lui prête.

Lorsqu'il permet un jet de dé, un maître harmoniste devrait toujours prévoir tous les résultats possibles et ne pas permettre de résultats aberrants, impossibles ou autrement indésirables. Puisqu'en tant que meneur de jeu le maître harmoniste possède une grande liberté dans l'interprétation des résultats, ces derniers devraient toujours servir l'aventure et le plaisir des joueurs. Une bonne histoire est celle où les héros éprouvent des difficultés et ne réussissent pas nécessairement tout ce qu'ils tentent.

Ce principe va plus loin que simplement ignorer les résultats aberrants. Il va même plus loin que la simple tricherie ou d'ignorer un résultat. Il rappelle au maître harmoniste que les dés ne sont que ces outils et qu'il s'en sert comme il veut. Le maître harmoniste choisira quand et sur quoi les dés seront jetés, évitant de le faire inutilement, particulièrement si la situation ne le commande guère. Il utilisera les dés non pas comme un producteur d'évènements aléatoires qu'il aura gré d'ignorer, mais bien comme source d'inspiration, et il usera d'imagination pour interpréter les résultats d'une façon intéressante et qui restera valide selon les règles.

L'erreur la plus courante qui justifie ce principe concerne les évènements aléatoires. Un joueur tente une action, obtient une maladresse, et le meneur lit bêtement les résultats dans une table. La majorité du temps, si la table est bien faites, le résultat sera effectivement un rebondissement ou une anecdote qui apportera quelque chose à l'histoire. Mais d'autres fois, particulièrement dans des moments importants de la partie, l'évènement risque d'être malvenu. Le maître harmoniste ne doit pas alors hésiter à choisir un évènement particulier, le plus évident, afin d'éviter une dégradation complète de l'atmosphère de jeu pour quelque chose qui serait inapproprié. De même, si la situation est pratiquement assurée, le maître harmoniste devrait en tenir compte, plutôt que de chercher une vague explication tirée à quatre épingles pour expliquer les résultats inattendus du hasard.

La pire façon d'abuser de ce principe est d'essayer de tout contrôler. Je ne parle pas ici des jeux sans hasard, comme Amber™, mais plutôt de ces meneurs qui ne cessent de truquer les résultats, que ce soit pour plaire aux joueurs, empêcher les PJ de mourir ou simplement diriger les évènements à leur guise. Il y a une certaine dose d'inattendu et d'inventivité dans le jeu de rôle, et le maître harmoniste devrait plutôt veiller à utiliser ses capacités d'improvisation lorsqu'une telle situation se présente, plutôt que de tenter d'ignorer le résultat. Le pouvoir de l'imagination dépasse largement tout ce qu'un système de génération aléatoire pourrait créer, et le résultat des dés ne devrait jamais être une excuse pour expliquer une mauvaise partie, ni une justification pour les ignorer.

Des chiffres et des descriptions

Ce qui est assez important pour être chiffré l'est aussi pour être décrit.

Bien que les chiffres soient utiles pour éviter les malentendus et permettre un rythme rapide lorsque nécessaire, ils ne remplaceront jamais une bonne description pour créer une ambiance et donner une juste impression des événements. De plus, chaque chiffre utilisé en cours de partie, que ce soit un attribut, une difficulté, un jet de dé ou un résultat, est une occasion rêvée pour ajouter de la couleur à l'histoire.

Les chiffres dans le jeu de rôle ne devraient jamais rester une abstraction. C'est au maître harmoniste de les habiller correctement, de faire sentir aux joueurs ce qu'ils représentent dans leur contexte. Le but ici n'est pas de bannir les chiffres de la narration rôlistique, mais bien de leur donner une saveur, une odeur. Le même chiffre, même s'il décrit le même élément, peut avoir une signification fort différente dépendant du contexte dans lequel il est utilisé.

Un des chiffres les plus souvent oubliés est le résultat du dé lui-même lors d'un jet de résolution. On se contente bien souvent de le comparer à une valeur cible et de l'interpréter en tant que succès ou échec, sans plus. C'est bien dommage, car il est une excellente occasion de s'en servir pour décrire la performance ou la qualité du résultat. Il est bon ici de se rappeler que les éléments d'une résolution d'action sont le contexte, le but, la performance et les résultats et que chacun de ses éléments méritent sa description.

Le joueur harmoniste

Le joueur harmoniste est un joueur qui partage avec le maître harmoniste le désir que chacun, les autres joueurs, le MJ ainsi que lui-même, aient du plaisir dans les parties auxquels ils participent. C'est avant tout un bon joueur qui sait travailler en équipe et fait preuve de ce qu'on appelle l'esprit sportif ou fair play. Toutefois, le joueur harmoniste va plus loin que ces quelques principes de savoir-vivre que toute personne devrait suivre.

Le joueur harmoniste est un joueur actif, qui ne se contente de suivre le jeu et les règles, mais y participe et même crée l'aventure. Par son jeu créatif, il offre de nouvelles possibilités tant pour le MJ que pour les autres joueurs. Il est attentif à ce qui se passe et favorise un jeu coopératif où tout le monde a la possibilité de participer plutôt que de chercher à tout pris la victoire ou le devant de la scène. Pour le joueur harmoniste, la victoire, c'est le plaisir de jouer. Il sait aussi qu'il est tout autant responsable du plaisir et de la cohésion de la partie que le MJ sans toutefois chercher à lui prendre son authorité.



[1] Voici bien l'exception qui confirme (d'ignorer) la règle!

Jeu, Jouet et Histoire

Caractérisation du jeu de rôle

Fabien Niñoles

Historique des versions
Version 0.5 :2006-03-18

Clarification, après la lecture de la série sur le GNS, de ma position par égard au GNS. Retrait de la définition du jeu de rôle traditionnel, qui est hors propos dans ce cadre.

Version 0.4 :2003-10-14

Ajout de l'analyse critique sur le modèle gigogne.

Version 0.3r1 :2003-10-13

Corrections diverses, mineures sur le plan du contenu.

Version 0.3 :2003-10-11

On raccourcit le texte, pour s'en tenir qu'à la seule définition des composants et à leur place historique et relative dans les théories similaires en jeuderôlogie.

Version 0.2 :2003-07-04

Deuxième version. Abandon du Casse-Tête comme axe principal et restructuration conséquente du texte.

Version 0.1 :2003-06-01

Première version

Résumé

Cet article tente de définir les caractéristiques divertissantes du jeu de rôle, à travers les similitudes de celui-ci avec trois divertissements populaires, soit les jeux de société, les jouets et les histoires. L'auteur y propose un modèle avec ces trois divertissements comme bases constitutives du jeu de rôle.


Introduction

À l'origine, ce modèle du jeu de rôle avait pour objectif de supplanter l'idée qu'il n'existait qu'une ou que quelques-unes bonnes façons de jouer, sans pour autant tomber dans la lapalissade que l'important est de s'amuser et rien d'autre. J'étais insatisfait des théories existantes sur le sujet, particulièrement du clivage existant dans ces modèles, et je voulais créer mon propre modèle qui représentait ma vision du jeu de rôle. On y oubliait, à mon avis, la richesse qu'est le jeu de rôle en le confinant à aussi peu de possibilités de s'amuser, ni la flexibilité que représentait ce loisir. De même, trop souvent, malgré les précautions prisent par les auteurs des différentes théorie, un certain élitisme ou une ségrégation entre les rôlistes se crée autour de ces catégories de jeux, le style de chacun étant rapidement classifié et la capacité de sortir de ce carcan demandant une véritable démonstration de flexibilité de la part du joueur, empêchant bien souvent un véritable échange.

Je considère aussi que s'amuser est lqa raison d'être du jeu de rôle, faisant du jeu de rôle un loisir et un divertissement, mais je pense que cette vérité est simpliste et insuffisante. Dans le fond, elle est bonne pour n'importe quel jeu ou divertissement, alors pourquoi distinguer le jeu de rôle des autres divertissements comme les échecs et le monopoly? Le jeu de rôle est un divertissement répondant à des intérêts particuliers des participants et qui s'attendent à voir ses intérêts répondus lors d'une partie de jeu de rôle. Le rôle de cet article est donc d'identifier ses intérêts particuliers, de voir comment ils sont répondus dans le jeu de rôle, tant au niveau des règles, des joueurs et de l'aventure elle-même, et de tenter de trouver une façon de gérer les conflits qui existent au sein même de cet intérêt.

Les premiers modèles

Il existe de nombreux modèles qui ont tenté de définir les intérêts des des rôlistes. Le groupe de discussions rec.games.frp.advocacy avait déjà développé le GDS, aussi nommé le modèle en trois partie (Three-Folded Model) qui fut repris et modifié par Ron Edwards sous le nom de GNS dans GNS and Other Matters of Role-playing Theory, et repris à nouveau par un dénommé Scarlet Jester, qui préféra le baptiser GENder. Les trois modèles sont presque tous des variations sur le même thème, avec quelques modifications au niveau du vocabulaire ou de leur utilisation ainsi que des théories qu'ils supportent. Ce modèle-ci s'en inspire fortement et était même perçu par son auteur, à l'origine, comme une variation de ces derniers.

Le modèle des Jouets diffèrent toutefois notablement des modèles précédents. Il met particulièrement l'accent sur l'aspect de la composition d'un jeu de rôle, et des raisons de leur mise en place plutôt que sur les objectifs individuels de chaque jeu, de chaque groupe. C'est donc bien plus un modèle de ce qui constitue le jeu de rôle qu'un modèle sur comment faire du jeu de rôle.

Cette façon de faire ne parle donc pas de ce qu'est un bon ou un mauvais jeu de rôle, contrairement aux modèles précédents. Toutefois, il permet d'identifier les raisons de l'existence des divers éléments qui constitue le jeu de rôle et, je l'espère, permettra de mieux identifier les sources des conflits existant et de trouver ainsi des compromis intéressant, voire une harmonisation de ces éléments afin d'obtenir un jeu de rôle et des parties plus cohérents.

De plus, le modèle des Jouets espère apporter un regard nouveau et clair sur le jeu de rôle en faisant appel à des divertissements apparentés bien connus de la population qui permettront par la suite d'adapter les règles de l'art de ces industries cousines à la conception de jeux de rôle.

Les origines: jeu, casse-tête, jouet et histoire

Dans un article intitulé I have no words & I most design, Greg Costikyan compare les jeux avec trois autres types de divertissements, soit les histoires, les casse-tête et les jouets. C'est en considérant le jeu de rôle et les modèles comme le GNS à travers cette optique que le modèle des Jouets s'est développé. Grosso modo, Greg Costikyan amènent les attributs suivants pour différencier les jeux (en général, incluant les jeux de société) des autres loisirs. Le casse-tête est passif, le jeu est interactif, le jeu a des objectifs, contrairement au jouet, l'histoire est linéaire mais pas le jeu, et, finalement, le jeu demande la participation. Bien qu'exactes, ces différenciations ont surtout pour but de trouver les attributs des jeux en général. Toutefois, lors de son argumentation, monsieur Costikyan explique ce qui rend ces divertissements intéressants et amusants pour ceux qui les pratiquent:

  • Les casse-tête représentent un défi pour le joueur, souvent renouvelable.

  • Le jouet est l'occasion d'explorer les possibilités d'un objet, de le regarder bouger, de l'utiliser de façon diversifiée.

  • L'histoire permet aux auteurs de démontrer leur point de vue, leur opinion sur un sujet, ou simplement de l'exprimer.

  • Finalement, le jeu est avant tout une question de participation, un terrain social déjà exploré permettant de passer du bon temps entre amis sans s'ennuyer.

Il est bien important ici de noter que ce sont des qualités distinctives des divertissements dont nous parlons ici. En effet, rien n'empêche un jeu de présenter un certain défi aux joueurs, un casse-tête d'être présenté dans un contexte intéressant, un jouet d'être utilisé pour raconter une histoire ou une histoire de faire participer tout le monde. Nous verrons plus loin qu'il en est de même pour le jeu de rôle et les éléments le composant.

Lors de l'élaboration de cet article, j'avais commencé en respectant ces quatre divertissements comme étant la source du jeu de rôle. Toutefois, en explorant plus à fond les interactions entre ces termes, je me suis aperçu qu'il était bien souvent difficile de différencier le casse-tête du jeu de société dans le jeu de rôle. En fait, les éléments du casse-tête dans le jeu de rôle se retrouvent aussi dans le jeu et ces deux éléments se retrouvent ainsi bien souvent liés entre eux. De plus, la présence d'un défi n'est pas obligatoire à une partie. J'ai donc inséré les éléments du casse-tête dans le jeu pour obtenir la division actuelle de Jeu, Jouet et Histoire.

Avant de continuer plus avant, il faut aussi mentionner l'existence d'un autre modèle similaire à ce dernier, soit le jeu gigogne, développé par Thierry Lahondes (). Le modèle en gigogne présente une façon intéressante de voir le jeu de rôle, qui n'est pas étrangère à celle de ce modèle. Nous tenterons donc d'y revenir un peu plus loin pour voir en quoi les deux modèles se rejoignent ou s'éloignent.

Définition du modèle

Le modèle des jouets se divisent en trois aspects correspondant aux divertissements énumérés ci-haut. Ces trois divertissements apportent chacun un des composant de ce qui constitue le jeu de rôle. Afin de bien discerner ce composant du divertissement lui-même, nous le nommerons à partir du besoin auquel il tente de répondre. Ainsi, le jeu sera apparié au besoin de participation, le jouet à celui d'exploration et l'histoire à celui de l'expression. Ces trois paires peuvent ainsi être décrites comme étant Jeu/Participation, Jouet/Exploration et Histoire/Expression, que nous considérons comme les trois composants du modèle des jouets.

On peut donc définir les composants du jeu de rôle de la façon suivante:

Jeu/Participation

Le jeu, et les règles du jeu, occupe souvent une place plus importante que l'on croit dans notre vie en société. De connaître les règles du jeu nous permet bien souvent de nous sentir plus à l'aise en société, et permet de nous assigner un rôle et une raison d'être, un objectif. De plus, le jeu sert souvent d'excuse pour se rencontrer et passer du bon temps ensemble. En bref, le jeu offre un cadre bien défini pour les interactions entre plusieurs personnes, en offrant des comportements bien définis et rassurants.

Cette façon de voir le jeu peut sembler trop ordonné, figé pour une activité que l'on classe dans les loisirs. Ne sommes-nous pas là pour se détendre et s'éviter les contraintes fixés par la société? Mais c'est justement parce que le jeu de rôle est un loisir que chacun est libre de pratiquer que les rôles de joueurs et de MJ sont agréables et permettent de se détendre. Nous verrons plus bas, dans la section consacrée à cette partie, en quoi l'absence de règles peut nuire au plaisir des joueurs et l'importance qu'elles peuvent avoir dans le bon déroulement d'une partie.

Jouet/Exploration

Les jouets, ce sont tous ces objets qui captent notre attention et nous permettent de nous évader, que ce soit en nous divertissant (comme avec une balle), en nous intéressant (comme avec un kit de construction) ou en nous permettant de jouer à « faire semblant ». Les termes immersion, simulation, possibilités font tous parti intégrante de cette terminologie, soit autant d'occasion d'explorer de nouveaux territoires, de voir comment ça marche ou simplement d'expérimenter. Il est possible d'ajouter des règles, des objectifs à un objet, comme lorsqu'on joue au football avec un ballon, ou que l'on tente de construire un vaisseau spatial avec des blocs Légos, ou même de conter une histoire avec ces jouets, mais, justement, à ce moment là on ne parle plus de jouets, mais de jeu de ballon, de casse-tête, ou d'histoires imaginaires. Le jouet a tout simplement emprunté une des nombreuses formes qu'on peut lui prêter et explorer avec lui. À remarquer, c'est souvent le même désir d'évasion que l'on retrouve souvent dans les œuvres de fictions, surtout fantastiques. Ce type d'œuvres, quelle soit littéraire ou cinématographique, invite le lecteur à se laisser porter par le récit et à découvrir de nouveaux horizons imaginaires. Elle est donc beaucoup plus proche du jouet qu'elle nous semble aux premiers abords, ce qui pourrait expliquer la popularité des différents jouets souvent commercialisés avec ces œuvres.

Histoire/Expression

Il existe plusieurs genres d'histoires, dont certaines semblent être couverts par les composants précédents. Ainsi, le roman policier, dont l'intérêt est dans l'intrigue et la possibilité qu'à le lecteur de battre l'auteur à son jeu, a été couvert par le composant jeu, alors que les romans fantastiques ou du moins fictifs, qui invite le lecteur à s'évader, a été couvert dans le jouet. Que reste-t-il alors? Il reste ces histoires qui finissent bien ou mal, qui nous font partager les difficultés de quelqu'un, qui nous donne une leçon de morale, d'éthique, ou exprime simplement un questionnement de l'auteur sur un sujet particulier. Ces œuvres sont l'Expression de l'auteur, sa création et c'est à ce niveau que l'Histoire/Expression existe.

Il est à noter qu'il n'est pas nécessaire que l'histoire soit originale pour qu'il y est expression. La ré-interprétation d'une œuvre existante reste un acte d'expression, tant que cette interprétation est elle-même ressentie à travers l'expérience personnelle de l'interprète. Cette interprétation est toutefois fort difficile si on doit respecter totalement l'œuvre originale et c'est pourquoi une certaine liberté est souvent prise dans de tels pastiches.

Quand est-il du jeu de rôle dans tout ça? Le jeu de rôle se retrouve à emprunter à tous ces divertissements à la fois. Il offre l'occasion de s'évader, de s'exprimer et surtout, de se rencontrer entre amis dans un cadre bien défini. Ce qu'il faut toutefois se rendre compte, c'est que bien que le jeu de rôle permet de faire tout ça à la fois, et à des degrés divers, il constitue un bien médiocre représentant de chacun. Ainsi, pourquoi mettre toutes ces questions de décor et de scénario pour prouver que vous êtes le meilleur tacticien? Pourquoi cette gestion des points de vie quand vous voulez simplement vous évader dans un univers fantastique? Pourquoi laisser des dés vous dicter ce que vous avez le droit ou non d'exprimer? Et finalement, pourquoi mettre autant de temps et de préparatifs simplement dans le but de se rencontrer? Bref, le jeu de rôle, lorsqu'il se concentre sur un seul de ces aspects, est bien médiocre. C'est seulement lorsqu'il en jumelle plusieurs qu'il commence à prendre de l'intérêt. Bien qu'il soit possible de ne chercher que de subvenir à un seul besoin avec le jeu de rôle, il existe d'autres médiums, d'autres loisirs mieux adaptés tels que le jeu de société, le jouet ou l'histoire, pour y répondre. Ce modèle du jeu de rôle considère donc qu'au moins deux intérêts sont présents lors d'une partie de jeu de rôle et que les trois sont nécessaires à l'existence même du jeu de rôle, bien qu'à différents niveaux selon les groupes. C'est plutôt par une question d'équilibre entre les trois, et surtout de conscience de cet équilibre, que l'on parviendra à un bon compromis. Nous verrons dans chacune des prochaines sections comment cela peut devenir possible.

Jeu/Participation

Comme nous l'avons vu, l'axe Jeu/Participation se concentre surtout sur l'aspect social du jeu de rôle, et s'inspire des différents jeux de société. C'est l'aspect où les règles sont les plus importantes mais aussi où l'amusement a le plus sa place. Bien qu'il soit un peu trop poussé de considérer que les êtres humains sont incapables de s'amuser entre eux sans règle, il est simplement assez évident lorsqu'on observe un groupe d'individus en train de s'amuser qu'ils suivent une série de règles, une sorte de code de conduite leur indiquant ce qu'ils peuvent faire et ne pas faire, et comment et quand le faire. Ces règles de conduite ne sont pas toujours explicites et cela peut prendre un certain temps pour un nouvel arrivant pour les découvrir.

Les jeux de sociétés, tout comme les sports et plusieurs autres activités humaines, diminuent de beaucoup ce temps d'adaptation, en offrant des règles claires déterminant qui doit jouer, ce qu'il peut faire et quel est l'objectif à atteindre. Ces règles permettent à des gens qui se connaissent peu de se retrouver dans un cadre clair, garantissant un certain comportement considéré comme adéquat (incluant celui de suivre les règles) et permettant aux gens d'avoir du plaisir ensemble pendant une bonne soirée. On peut se rendre compte de l'importance de ces règles lorsqu'elles échouent à atteindre ces objectifs.

Le cas le plus évident est de mettre deux joueurs de cartes ensemble et de dire à l'un qu'il joue au poker et à l'autre qu'il joue au black jack. Il est clair que la confusion ainsi créée, tant qu'elle est maintenue, va rendre le jeu impossible et désagréable pour les deux joueurs. Ils s'accuseront de tricher, de mal jouer et se disputeront sur les conditions de victoires. Bien sûr, la confusion sera telle qu'il arrive rarement que deux joueurs restent dans une telle condition pendant longtemps sans s'apercevoir qu'ils ne jouent pas au même jeu. Mais que dire lorsque deux joueurs de bridge ou de tarot jouent à des variations différentes du même jeu? Des confusions, des erreurs et même parfois des disputes surviennent, forçant bien souvent les joueurs à arrêter le jeu et à recommencer la partie après s'être mis d'accord sur les règles. Pareillement pour les jeux où des règles floues ou complexes permettent des interprétations parfois contradictoires sur ce qui est permis ou non de faire.

Quand est-il du jeu de rôle? À cause des immenses possibilités qu'offre le jeu de rôle, il arrive souvent que des lacunes existent dans les règles qui provoquent de telles confusions, incluant les désagréments. D'ailleurs, c'est l'une des raisons (et non la seule) de l'existence du rôle de meneur de jeu dans une partie, dont l'une des responsabilités est justement de trancher dans les cas de confusion, afin de ne pas ralentir la partie. Cette solution, bien que souvent adéquate, ne doit pas être abusée au risque de rendre le jeu trop dépendant du bon jugement du MJ, ou de laisser aux joueurs une impression d'arbitraire parfois inadéquate. De conserver des règles simples et claires dans leur application est souvent le meilleur moyen de s'assurer qu'il y ait peu de place à l'interprétation et à la confusion qui peut en résulter. D'offrir des objectifs clairs permet aussi d'atteindre un but similaire. D&D (la première édition) présente un bon exemple de ce qui peut être considéré comme des bons éléments d'un jeu de rôle basé sur l'aspect Jeu/Participation, et explique probablement pourquoi ce jeu de rôle, malgré son âge, est resté l'un des plus populaires et qu'il fût très souvent utilisé pour initier de nouveaux joueurs:

  • Le jeu contient des objectifs clairs: Explorer des donjons, tuer des monstres et récolter des trésors vont permettre à vos personnages de gagner des points d'expériences et de passer des niveaux.

  • Les rôles de chacun sont clairement définis par les classes de personnage et l'alignement et tous les personnages ont leur place dans le jeu, ce qui explique aussi la composition hétérogène et équilibrée de la majorité des groupes de joueurs (du moins au départ).

  • Les bonus des statistiques et des objets magiques, les règles sur l'armure, les niveaux, les dés de vie et même l'alignement permettent de déterminer rapidement les capacités du personnage, les choix d'actions possibles, ses chances de succès pour une action donnée et leurs effets.

  • Les jets d'initiative permettent à chacun de savoir quand c'est son tour, et les règles de combats sont suffisamment clairs et simples pour permettre des tours de jeu rapides qui s'apprennent rapidement.

  • Les règles de magie, tant dans le fonctionnement de la magie que dans la description des sorts, laissent peu de place à l'interprétation, y compris pour des sorts qui pourraient être relativement complexes comme « Détection du Bien et du Mal », « Guérison des blessures majeures » ou « Réincarnation ».

Les versions suivantes du jeu (du moins, celles qui précèdent la troisième édition) ont souvent modifié ces règles pour les rendre plus réalistes, les rendant plus souvent qu'autrement très complexes et confuses et aidant rarement à rendre le jeu plus agréable. Le focus ici a été clairement perdu et on ne peut qu'espérer que la troisième édition a fini par arranger les choses quelque peu.

Jouet/Exploration

Le rôle des jouets dans le développement des enfants de bas âge est bien connu. C'est un objet qui permet de les stimuler, de leur apprendre à manipuler, à découvrir leur univers. Plus tard, le jouet devient un divertissement servant à stimuler l'imagination, la créativité des jeunes et moins jeunes, que ce soit les blocs Lego, les poupées ou les ensembles électroniques. Les jouets basés sur des films, des romans populaires ou des séries télévisées sont particulièrement prisés par le public, leur permettant d'invoquer l'univers imaginaire qui leur a plu. Le jouet est donc un moyen d'exploration offrant d'immenses possibilités souvent imprévues par les concepteurs mais suivant souvent un thème particulier. Il ne contient que rarement un but précis, une règle, ce qui ne l'empêche pas d'être utilisé dans divers jeux, tels qu'un ballon utilisé tant pour jouer au ballon-chasseur ou au basketball.

Le jeu de rôle contient lui aussi sa part du jouet. À travers des mondes et des situations imaginaires, le joueur va découvrir diverses facettes de cet univers, que ce soit les personnages, les situations, les valeurs, l'environnement, la culture, etc. Pour parvenir à ce résultat, le jeu de rôle possède principalement trois outils. Premièrement, un univers suffisamment décrit, qu'on appelle le décor, et qui contiendra les éléments à explorer. Ensuite, des règles dites de simulation, qui sont principalement des mécanismes capables décrire les éléments de l'univers reliés au jeu, incluant les interactions entre les divers éléments, de façon à les rendre crédibles. La diversité est importante vis-à-vis de ces aspects afin de conserver toujours de nouveaux éléments à explorer. Cette diversité n'a toutefois pas à être subtile. Au contraire, une véritable distinction entre les différents éléments est importante, qui soit plus qu'une simple couleur locale. Si subtilité il y a, elle doit être superficielle, la véritable différence devant être bien inscrite dans le concept des éléments. La capacité d'interaction des divers éléments est aussi très importante, permettant de multiplier littéralement les situations à explorer dans le jeu.

Finalement, il existe dans le jouet un engagement qui se rapproche du contrat de lecture entre un auteur de fiction et ses lecteurs, qu'on appellera, pour le rendre plus générique, le contrat de crédulité ou d'immersion. Ce contrat demande au lecteur d'accepter certains faits, qu'on appellera prémisses, qui transgressent bien souvent sa réalité quotidienne, et de suivre l'auteur sur les implications et les possibilités d'un tel fait. Si, à un certain moment, ces prémisses sont trompées, ou rentre en contradiction avec d'autres prémisses, le lecteur rompt son contrat de crédulité et l'immersion disparaît.

Un peu comme l'axe Jeu/Participation pouvait se retrouver sous la forme d'intrigues comme dans un roman policier, l'axe Jouet/Exploration peut lui aussi se retrouver dans un autre type de littérature, ou de paralittérature si vous préférez, soit celui des mondes imaginaires. Ce genre se distingue du fantastique dans le fait que l'évènement invraisemblable n'est pas exceptionnel, mais constitue bel et bien la réalité du roman, une réalité que le lecteur sera invité à découvrir et à explorer à travers le roman. De bons exemples de tels romans sont The Lord of the Ring, de John Ronald Reuel Tolkien, et Dune, de Frank Herbert. Un excellent texte pour vous introduire aux mondes imaginaires est le mémoire de littérature comparée de Benoît Cherel, Les Mondes Imaginaires.

Lorsqu'on recherche le Jouet dans les jeux de rôle sur le marché, il est étonnant de constater que, bien souvent, c'est cela qui fait vendre le jeu. Que ce soit l'univers dans Rêve de Dragon™, le système de magie dans Ars Magica™, ou les différentes planètes de Mega III™, l'aspect Jouet, par sa diversité et ses nombreuses possibilités est souvent ce qui permet au jeu de se démarquer des autres.

Histoire/Expression

Qu'est-ce qu'une histoire? C'est parfois un conte merveilleux destiné à nous faire vivre des émotions fortes, découvrir un univers fantastique et assister à des aventures surprenantes. Cet aspect a toutefois été couvert par l'axe du Jouet. Ce peut être aussi l'occasion de suivre l'auteur dans un dédale de mystères et de tenter de découvrir, si possible avant les héros, la clé de l'énigme. Cet aspect ludique de la lecture a été elle aussi couverte par l'axe du Jeu. Que reste-t-il alors? Il reste l'histoire comme moyen d'expression, l'histoire qui fait réfléchir, qui pose des questions, présente des points de vue et exprime des opinions, des idées, l'histoire qui fait sourire, qui fait rire ou pleurer. C'est cet aspect de l'histoire qui est représenté sur cet axe.

L'univers fantastique, les héros, les situations deviennent donc ici l'occasion pour chacun d'exprimer ses idées sur différents points de vue. Ils sont une sorte de projection de notre propre monde, ou plutôt d'une certaine idée des auteurs. Que ce soit le concepteur (à travers le concept de l'univers, et les règles favorisant tels ou tels types d'actions), le scénariste (par le choix des situations et la résolution du scénario), ou les joueurs eux-mêmes (par les choix que prennent leurs personnages, et les objectifs qu'ils se posent), le jeu devient la projection de leurs valeurs, de leurs croyances, de leurs rêves ou de leurs cauchemars. On se rencontre que les mêmes personnages, les mêmes thèmes, les mêmes décisions reviennent souvent. Rêves déchus, révoltes, questionnements, on retrouve souvent l'axe de l'Histoire/Expression chez les joueurs qui recherchent toujours le même personnage, se déclarent déçus quand la fin n'est pas comme ils aimeraient qu'elle soit, ou font toujours la même chose, incluant chercher constamment à « butter du méchant » ou à « flirter toutes les filles ».

Même dans un cadre où les joueurs tentent de reproduire une histoire existante, de s'immerger dans une atmosphère particulière, le jeu de rôle devra laisser une certaine place à l'interprétation de ces éléments. Cette interprétation peut rendre hommage ou critiquer l'œuvre originale, mais elle reste l'expression d'une idée. Si aucune liberté d'interprétation n'est laissée, l'Histoire/Expression n'existe plus. Le joueur devient soit un acteur fortement dirigé, soit un spectateur de la partie et ne fait plus du jeu de rôle.

Pour vraiment favoriser cet axe, le jeu devra offrir un certain contrôle sur des éléments de l'Histoire, et ce, tant pour le MJ que pour les joueurs. La majorité des jeux n'offre de véritable contrôle qu'à travers les règles de combats, si bien qu'il ne faut pas s'étonner que la majorité de l'expressivité des joueurs passent à travers ces climax du jeu de rôle: tel joueur cherchera à maîtriser plutôt qu'à tuer, un autre fera preuve d'une cruauté extrême envers certaines créatures, un autre cherchera à défendre la veuve et l'orphelin et un autre à soigner tout ce beau monde.

Une autre partie de l'expressivité se situe dans le jeu d'acteur, car c'est à ce moment aussi que les joueurs ont beaucoup plus de contrôle sur leurs personnages et peuvent vraiment exprimer leurs pensées, leurs opinions. Des règles comme les points d'héroïsme, les cascades (ou schticks) comme dans Feng Shui™ ou les monologues de victoire comme introduit par The Pool™, qui offrent une chance aux joueurs d'influencer le cours de l'histoire, ou du moins d'accorder plus d'importance sur certaines actions, servent bien ce composant.

GNS et le modèle des Jouets

Il est tentant de rapprocher les composants du modèle des Jouets des trois parties du GNS. Toutefois, ces deux modèles ne s'expriment pas au même niveau. Particulièrement, il faire attention de ne pas associer chacun des trois aspects à un mode particulier du GNS, chaque mode incluant chacun des trois aspects et chaque aspect participant souvent activement à un des modes.

Le modèle des Jouets se rapprochent bien plus, par sa nature, du « Grand Modèle » que des trois composants du GNS. Ainsi, on pourrait noter une forte similitude entre l'aspect Jouet/Exploration et les éléments d'Exploration du modèle. L'aspect Jeu/Participation s'étend du Contrat Social aux Techniques, est l'aspect Histoire/Expression est surtout présent dans l'Agenda Créatif (la Prémisse), et se diffuse dans le reste du modèle. La partition est toutefois loin d'être aussi claire, au contraire! La prémisse de base du modèle des Jouets est que chaque composant du jeu de rôle participe idéalement à chacun des trois aspects et qu'il est donc possible dans des discuter de trois points de vue différents.

Une des grosses différences entre le GNS et le modèle des Jouets est dans l'orientation qu'ils prennent quant à la réponse du jeu de rôle vis à vis des besoins des joueurs et des conflits qu'il peut en résulter. Dans le GNS, l'accent est mis sur la mise en place d'un prémisse claire qui aura priorité dans tout conflit survenant en cours de partie. Dans le modèle des Jouets, l'accent est mis sur la présence de besoins minimaux qui doivent être adressés pour rendre la partie plaisante pour tous. Les deux approches sont cohérentes en elles-mêmes et, à mon avis, aussi bonnes l'une que l'autre.

Il est toutefois intéressant de constater, en visitant chacun des articles sur le sujet, que la majorité des pièges invoqués par Ron Edwards peuvent s'exprimer comme un manquement dans un des aspects du modèle des Jouets. Une version future de cet article en fera une étude plus détaillée et mettra aussi en relief comment chacun des modes du GNS utilisent les aspects dans leur réalisation.

Le jeu gigogne

Thierry Lahondes a publié sur jdr-creation une description du jeu de rôle en tant que jeu gigogne, un peu comme les poupées gigognes, qui contiennent une poupée, qui contiennent une poupée, etc. Dans ce modèle, Thierry Lahondes définit 9 jeux qui constituent, selon lui, les composants de base du jeu de rôle. Les jeux sont le jeu de hasard (421), le jeu d'énigme (Trivial Poursuite), le jeu de simulation (Simulateur de libre arbitre), le jeu de relation (la veillée), le jeu d'énigme (jeu du sphinx), le jeu de communication (la discussion), le jeu de rhétorique (les marionnettes des mots), le jeu d'acteur (le théâtre) et le jeu d'auteur (le conte). Nous allons discuter de chacun de ces éléments, de la place qu'ils ont dans le modèle des Jouets et de ce qu'ils apportent au jeu de rôle.

Le jeu de hasard (421)

Dans le modèle gigogne, le hasard est considéré comme « le sel du jeu ». Du point de vue du modèle des Jouets, cette attribution fait du jeu de hasard un élément du composant Jeu/Participation. On cherche ici à créer un intérêt ludique au jeu. Toutefois, je ne crois pas que le hasard soit nécessaire à cet effet, du moins un hasard généré aléatoirement. La simple interaction entre les joueurs, avec leurs multiples possibilités d'agir est bien suffisant pour créer ce « sel du jeu » capable de pimenter une partie.

Le modèle gigogne parle aussi du jeu de hasard comme un des deux concepts pour « simuler la réalité », l'autre concept étant le bon sens. Cette simulation peut être vue sous deux angles différents: soit comme élément pour limiter l'arbitraire du MJ ou des joueurs, il est alors un élément de Jeu/Participation, car il détermine les conditions d'avancement du jeu, de ce qui est possible de faire et sous quelles conditions, bref, le déroulement du jeu. À ce niveau, je crois encore que le hasard n'est pas nécessaire. D'autres mécanismes (système de vote, de points, de tour réglementaire, etc.) ont déjà fait leurs preuves à cet effet dans de nombreux jeux tels que Nobilis™ et Universalis™.

L'autre point de vue est d'envisager le hasard soit comme moteur mécanique de la simulation (qui crée des évènements aléatoires choisis dans la réalité fictive), ou comme représentant la nature indéterministe de la réalité fictive simulée. Ce point de vue appartient à la composante Jouet/Exploration de notre modèle et, comme le dit lui-même l'auteur du modèle gigogne, n'est qu'un seul des deux concepts permettant de simuler la réalité. Le hasard peut très bien n'avoir aucune place dans un jeu de rôle donné, sans pour autant affecter la qualité de l'expérience des participants.

Dans tous les cas, je ne crois pas que le hasard soit un élément essentiel du jeu de rôle, du moins tels que défini dans notre modèle. La présence de jeu comme Nobilis™, Ambre™ ou Heritage©, où aucun hasard n'intervient dans la partie sont à mon avis de bonne preuve que le jeu de hasard, bien qu'il se retrouve dans plusieurs jeux, n'est pas un élément essentiel du jeu de rôle.

le jeu d'énigme (Trivial Pursuit™)

Cet élément est peu détaillé dans le modèle. On y dit que « les participants peuvent parfois avoir à résoudre des problèmes » et que, « ces derniers peuvent être du même ordre d'idée que ceux de tout autre jeu de société. » Ça pourrait nous laisser croire que le composant Jeu/Participation couvre bien cet aspect, mais je crois que la « dimension intellectuelle » dont parle l'auteur, « plus ou moins importante selon le style des participants » laisse entendre l'occasion d'utiliser le jeu de rôle comme un véhicule d'échange de nos connaissances et de nos opinions sur différents sujets. Ces éléments se retrouvent de façon très marquée dans le composant Histoire/Expression du modèle des Jouets.

Jeu de simulation (Simulateur de libre arbitre)

Ici, l'auteur met l'accent sur la résolution de problèmes « [ramenés] à des situations concrètes. » Il nous dit en quelque sorte que le plaisir du jeu de rôle se retrouve dans le fait que les problèmes rencontrés ne sont pas purement abstraits mais permet la « simulation de choix [et] de conséquences. » Particulièrement, « [les] participants peuvent expérimenter [...] toutes sortes de comportements, d'actes, voir(sic) de sensations. » Ces éléments ramènent tous au composant Jouet/Exploration du jeu de rôle, qui en stipule exactement les mêmes objectifs.

Jeu de relation (la veillée)

Ici, l'auteur s'intéresse nettement à l'aspect grégaire du jeu de rôle qui « permet de retrouver [un] contact avec les gens. » On pourrait aisément classé ce contexte dans le domaine Jeu/Participation, qui exprime très bien le désir des participants de faire une activité ensemble. Toutefois, l'auteur compare un peu plus loin cet élément au « plaisir de converser sans but avec des amis. » Bien qu'il soit clair que cette activité soit très agréable en elle-même, je ne crois pas qu'elle puisse être défini comme du jeu de rôle. Une partie de jeu de rôle peut être entrecroisée d'échanges hors contextes, de discussions, etc., mais cela ne fait généralement pas partie du jeu lui-même. D'ailleurs, ce comportement, lorsqu'il prend trop de place, finit par devenir nuisible au jeu et plusieurs joueurs demandent explicitement que toute conversation hors jeu soit interdite en cours de partie. Une telle interprétation du jeu de relation n'est donc pas, à mon avis, une partie intégrante du jeu de rôle, bien que le plaisir de se rencontrer, de faire une activité ensemble, comme le suggère les prémisses de la description, en fasse partie.

Jeu d'énigme (le jeu du sphinx)

Ici, l'auteur compare le jeu de rôle à un roman policier et au plaisir du lecteur qui « cherche activement à découvrir le meurtrier avant la dernière page. » Nous avons fait déjà la même comparaison pour le composant Jeu/Participation, la résolution d'énigme (incluant la recherche de meurtrier) pouvant devenir une part active de la mise en place des objectifs du jeu de rôle.

On peut toutefois se demander si cette composante est nécessaire à tout jeu de rôle. Est-il possible d'avoir un jeu de rôle sans énigme? Même en considérant la résolution de problèmes comme une forme d'énigme, je ne crois pas que cette composante soit nécessaire au jeu de rôle, bien que je n'en nie nullement l'utilité pour la création d'objectifs nécessaires pour capter l'intérêt des joueurs et donner un sens au jeu. Bien que de tels moyens restent à être définis, il est fort possible qu'il existe une façon de créer des objectifs capables de maintenir l'intérêt des participants sans pour autant faire intervenir des énigmes ou la résolution de problèmes. D'ailleurs, le jeu de certains joueurs se résument parfois bien plus à des expérimentations simples ou à un jeu théâtral expressif qui ne contient nulle réflexion ou désir de résolution de problème. Le jeu du sphinx serait donc un élément optionnel du jeu de rôle.

Jeu de communication (la discussion)

Ici, l'auteur décrit le « bon jeu de rôle [comme] un consensus auquel arrivent tous les participants. » Ce consensus implique clairement une relation de groupe, tels que nous l'avons vu dans le composant Jeu/Participation. Toutefois, l'auteur ajoute que « [le] plaisir peut être de le faire rapprocher de sa vision. Pour cela, il faut convaincre. » Cet aspect correspond beaucoup à l'expression d'une opinion, à un échange tels que défini dans le composant Histoire/Expression. Ce composant semble être l'objectif premier de cet élément du modèle gigogne, le consensus n'étant achevé que par les règles de discussions établies de façon implicite ou explicite dans le composant Jeu/Participation.

Jeu de rhétorique (la marionnette des mots)

Dans le jeu de rhétorique, l'auteur nous parle du plaisir des mots, de jouer avec les mots. Ce plaisir ne fait pas explicitement parti du modèle des jouets, bien qu'il puisse aussi se retrouver dans chacun des trois: dans Jeu/Participation, comme jeu d'esprit, dans Jouet/Exploration, pour le plaisir d'explorer le langage, de jouer avec ce dernier, et dans Histoire/Expression, pour le plaisir de faire partager la beauté de la langue. Toutefois, le plaisir des mots est bien particulier et nul besoin que le jeu de rôle soit directement orienté vers la langue pour être intéressant à jouer. Les joueurs qui apprécient auront bien du plaisir à parfumer leurs scènes de jeux de mots savoureux ou de descriptions magnifiques, et les concepteurs de jeu qui désirent mettre l'accent sur cet aspect du jeu de rôle pourront le faire dans la description de leurs univers ou en mettant au point un système de résolution par analogie ou basé sur les qualités descriptives. Toutefois, ces éléments restent, à mon avis, optionnels au jeu de rôle, bien que très intéressants.

Jeu d'acteur (le théâtre)

L'auteur parle ici de « la joie de se montrer convaincant dans la peau d'une autre personne et de faire partager les joies, les peines et les passions d'une marionnette. » Cet élément fait clairement partie du composant Histoire/Expression, qui est constitué en bonne partie de cet élément. Toutefois, on aimerait rajouter que le plaisir d'acter, c'est aussi le plaisir de prendre le rôle de quelqu'un d'autre, d'un héros. C'est le plaisir de s'évader, de faire semblant, d'expérimenter de nouvelles sensations, plaisir qui se retrouve dans le composant Jouet/Exploration du modèle.

Jeu d'auteur (le conte)

L'auteur du modèle de jeu gigogne considère ce dernier élément comme la « quintessence du jeu de rôle », « ce qui peut un jour donner ces lettres de noblesses au jeu de rôle. » Le jeu d'auteur, c'est « faire à plusieurs une histoire qui donne du plaisir. » Dans le modèle des Jouets, cet aspect est principalement rencontré dans l'axe de l'Histoire/Expression, mais aussi dans la définition même du jeu de rôle. Faut-il pour autant parler de quintessence? Je ne crois pas que le jeu de rôle gagnera ces lettres de noblesses à ce niveau, du moins en comparaison avec de véritables contes à quatre mains ou au théâtre d'improvisation. Ces activités se consacrent entièrement à l'aspect Histoire/Expression, ignorant tous les autres aspects du jeu de rôle. Ce sont des activités qui, en elles-mêmes, sont très intéressantes, mais qui, à mon avis, ne sont pas du jeu de rôle. Comme il a déjà été dit, si tel est bien la quintessence du jeu de rôle, pourquoi le laisser pâtir des jets de dés, des statistiques, d'énigmes qui risquent d'être ignorées ou non résolues, et de tous les autres risques que le jeu de rôle, tels qu'il est pratiqué actuellement, encours vis à vis de la trame narrative de l'histoire?

Le jeu de rôle ne gagnera ses lettres de noblesses que si on commence à l'accepter tels qu'il est, en entier, sans mettre plus d'emphase sur un aspect ou un autre que l'on juge plus important que les autres. C'est par sa fantastique intégration de plusieurs divertissements, permettant à la fois de s'évader, de se donner un défi et de s'exprimer, tous ensemble, que le jeu de rôle est extraordinaire. Sinon, il y a bien longtemps que les gens auraient abandonné tous ces dés et ces règles qui n'ont que si peu à faire dans l'histoire elle-même.

La diversité de la gigogne

Comme nous venons de le voir, le modèle gigogne se retrouve bien représenté dans le modèle des Jouets. Toutefois, certains éléments du modèle gigogne me semble de trop pour offrir un véritable modèle générique du jeu de rôle et contient donc le risque de ne pas offrir un éventail complet des possibilité du jeu de rôle. Le modèle gigogne présente toutefois un intérêt certain pour la diversité des jeux qu'ils présentent, qui sont autant de source d'inspiration pour diversifier et améliorer les jeux de rôle. Une collection plus complète des différents mécanismes mis en œuvre dans ces jeux pourrait s'avérer très intéressante, ainsi que les effets des jeux sur les divers composants du modèle des Jouets.

Les couleurs du système

Une typologie des mécaniques du jeu de rôle

Fabien Niñoles

Historique des versions
Version 0.6 :2005-06-30

Traduction de la version anglaise à partir de la version 0.5r3. Ajout d'une note de bas de page sur la traduction de méta-gaming vers para-ludique, ainsi que sur la comparaison avec des couleurs avec des lentilles ou des projecteurs. Réécriture partielle des degrés de liberté pour parler de l'importance du domaine d'application.

Version 0.5r3 :2003-06-02

Ajout d'un paragraphe apropos du lien entre Beauté et couleurs. Ajout de quelques mots-clés au document. Une petite remarque a été ajoutée dans la section sur l'adaptabilité.

Version 0.4r4:2003-01-26

Beaucoup de petites revisions mineures. Je me suis trompé dans mes couleurs! Maintenant, le Magenta Nostalgique est maintenant appelé le Magenta Expressif et le Bleu Rêve est devenu Bleu Immersif. Je pense beaucoup à ajouter un nouveau chapitre à ce sujet. Aussi, j'ai modifié le titre puisque ceci est vraiment une typologie des mécaniques.

Version 0.3r2 :2003-01-10

Ajout de la Brillance. J'ai déplacé la Transparence dans la Brillance et ajouté une note au sujet de la différence entre un système transparent une Couleur Transparente.

Version 0.2 :2003-01-10

Première version publiée.

Version 0.1 :2003-01-01

Version inition (incomplète).

Résumé

La conception de jeux de rôle est un art, « un système de principes et de règles pour obtenir un effet désiré ». Toutefois, c'est un art encore dans ses débuts. Bien que plusieurs modèles existent déjà pour décrire l'expérience d'une partie de jeu de rôle, très peu a été fait en regard aux mécaniques. Nous avons la description DKF, quelques désignations en regards aux niveaux de concepts ou des éléments de mécaniques mais à peu près rien au sujet des objectifs de ces mécaniques, ou seulement sous une forme très abstraite. Cet article a pour objectif d'explorer un seul aspect des mécanismes de jeu, soit de déterminer quelles qualités sont nécessaires ou au moins désirables dans tout jeu de rôle. Ceci, je l'espère, permettra de jeter les bases pour une plus grande caractérisation des règles, afin de soutenir les discussions et l'évaluation de différents systèmes, et, avec l'aide d'autres outils, de créer finalement un véritable science du jeu de rôle.


Introduction

Quel est l'art de la conception de jeu. Le Webster 1913 défini l'art comme étant (entre autre) un système de règles et de principes pour atteindre une fin désirée. Alors, quels sont ces règles, ces principes, et plus important encore, cette fin désirée? Pour cette dernière question, je pense qu'il peut y avoir autant de réponses qu'il y a de joueurs. Bien que plusieurs aient définis et décris en détails les motivations des joueurs, peu a été fait en ce qui concerne comment ces buts peuvent être atteints.

Le but de cet article est de faire un pas de plus dans cette direction. Ce que j'essaye de faire est de répondre à cette seule question: « Qu'est-ce qui est désirable, sinon nécessaire, dans tout jeu de rôle? » Cette question est très difficile car la plupart des jeux de rôle semble avoir différents objectifs, différents environnements, différentes façons de faire du jeu de rôle une expérience amusante et agréable. Étrangement, toutefois, un certain consensus laisse percevoir que cet obstacle initial sera le plus facile. Le plus gros obstacle sera plutôt au niveau du vocabulaire, ou plutôt du manque d'un vocabulaire commun parmi les concepteurs. Personne ne semble avoir la même façon d'appeler les choses, que ce soit en français ou en anglais. Aussi, les gens utilisent souvent les mêmes mots pour parler de choses différentes, ce qui ne fait qu'ajouter à la confusion. Alors, pour éviter ce problème, j'ai choisi une approche légèrement différente: j'utiliserai une métaphore artificielle, celle des couleurs. Hélas, une couleur ne voulant pas dire grand chose pour un concepteur, j'y ai adjoint un adjectif afin d'aider à en faire un outil de communication suffisamment clair pour aider à la mémorisation et à la compréhension du texte par un nouveau lecteur.

La première version de ce papier sera seulement au sujet de la couleur des mécaniques, accompagné de quelques courts exemples. Je planifie toutefois d'y ajouter d'autres éléments, spécifiquement au sujet des différents aspects du jeu de rôle, comme le liens entre les Couleurs et les typologies existantes, comme le GNS. Mais pour commencer, nous devons définir ce qu'est un jeu de rôle et son système.

Qu'est-ce qu'un jeu de rôle?

Cette section n'a pas comme propos de définir en détails qu'est-ce qu'un jeu de rôle, mais plutôt de proposer un vocabulaire commun de ce qui constitue un jeu de rôle, de façon à s'entendre sur le sujet abordé. Un jeu de rôle typique peut être vu comme composé de deux parties:

  • une description d'un univers imaginaire appelé le décor;

  • une règle pour gérer la résolution des évènements se déroulant dans le décor, appelé le système.

Habituellement, le décor est divisé en beaucoup plus d'éléments, comme les personnages qu'on peut rencontrer dans cet univers particulier, l'environnement (qu'il soit social, technologique, historique ou géographique) dans lequel ces personnages évoluent, des exemples de situations que les personnages peuvent vivre, de même que des notes sur l'atmosphère prévue pour cet univers. Certains ou même tous ces éléments peuvent être omis ou plus ou moins détaillés. Quand la plupart des éléments sont pas ou peu décris, on désigne alors ce jeu de rôle comme étant générique ou universel. Je préfère la première désignation parce que, bien que la plupart des systèmes génériques prétendent pouvoir être utilisés dans n'importe quel décor, ils sont souvent qu'une généralisation d'un ou plusieurs d'entre eux, partageant certains éléments en commun. À l'exception de cette petite différence, nous pouvons maintenant parler des décors spécifiques et génériques comme d'une même chose, sans adresser plus d'importance à leurs éléments internes. Non que ces éléments sont sans importance dans la conception d'un bon jeu de rôle, mais ce n'est pas le sujet actuel de cet article.

Les systèmes sont souvent eux aussi divisés en plusieurs composants, et catégorisés de bien des façons. Les systèmes contiennent souvent des éléments du décor, comme des particularité de l'environnement. Pour l'instant, nous voulons juste considérer les systèmes comme un tout. Nous n'allons faire qu'une seule distinction: les éléments du système qui ne contiennent aucun élément qui peuvent être considérés comme servant à décrire le décor seront appelés des mécanismes, alors que les éléments du système qui décrivent des éléments du décor (incluant des situations comme le combat ou la description d'un personnage) seront appelés des règlements. Ceci n'est certes pas suffisant pour une exploration en profondeur de la composition d'un système mais suffira à notre propos.

Les éléments para-ludiques[2] sont des éléments souvent externes à un jeu de rôle. Ils incluent des éléments comme la localisation de la partie, comment se sentent les joueurs cette journée-là, leur perception de la réalité, la qualité (accès, langue, média) de la communication entre eux, la présence de matériel, leurs relations interpersonnels, etc. Ce sont des aspects d'une partie qui peuvent être vus comme hors du contexte du décor, mais qui font quand même partie de l'expérience d'une partie de jeu de rôle. Certains systèmes et même certains éléments du décor peuvent influencer ou aider à rendre certains éléments para-ludiques moins dérangeants ou plus amusant et intéressant. Ils peuvent aussi aider à s'accommoder d'éléments para-ludiques dérangeants, tels qu'un environnement bruyant. Les éléments para-ludiques peuvent aussi influencer les deux à la fois (bien que le concepteur du jeu ait peu de contrôle sur eux, si ce n'est que des recommandations écrites) et certains jeux de rôle vont jusqu'à les utiliser pour améliorer l'expérience de la partie.

Le modèle des couleurs

Le modèle des couleurs est composé des trois couleurs primaires additives: le rouge, le vert et le bleu. Comme toutes les couleurs, certaines personnes en préfèrent certaines plus que d'autres. C'est correct: des goûts et des couleurs, on ne discute pas. Toutefois, nous aimerions faire une petite entorse à cette prémisse: on va supposer que tout le monde préfère les couleurs brillantes plutôt que les plus sombres. La brillance représente l'adhérence d'un système à une couleur spécifique (les mélanges sont permis). Donc, puisque nous supposons que n'importe quelle couleur est au moins désirable, on préféra toujours un système plus brillant plutôt qu'une couleur sombre, tant que cette couleur est la bonne. Prenez note qu'un système qui mélange toutes les couleurs sera blanc et brillant. Et qu'un système qui ne possède aucune couleur sera noir. Peut-être vous préférez les couleurs sombres dans la vraie vie (comme la plupart des joueurs, si on se fit à la mode vestimentaire actuelle parmi eux) mais faite un petit effort pour l'instant. Sinon, vous allez tomber dans le coté sombre du jeu de rôle, plein de munchkins et d'avocats des règles. Êtes-vous sûr que c'est là que vous voulez être?[3]

Pour mieux comprendre le concept derrière chaque couleur, spécialement lorsque vous parlez à un non-initié, un adjectif a été ajouté à chacune d'entre elles. Vous êtes libres de l'utiliser quand vous pensez que la précision est nécessaire mais essayez au moins de faire référence à ce document afin que les gens sache se dont vous parlez.

Voici donc les trois couleurs primaires et leurs définitions:

Rouge cohérent

Le rouge cohérent est la couleur du système qui est cohérent avec le décor qu'il décrit. Si votre décor considère que les sabres sont plus mortels que les dagues, le système rouge devrait refléter cet aspect et ne pas faire des dagues des armes égale ou plus dangeureuses que les sabres. Un système rouge sombre tendrait à interférer avec la suspension d'incrédulité. Une interruption de la suspension d'incrédulité est un phénomène qui est le mieux décrit par les joueurs vous fixant avec de grands yeux, la bouche grande ouverte avec une forte expression de surprise et d'incrédulité, et quittant votre table pour ne plus revenir (et non, ce n'est pas parce qu'ils ont perdu leur chemin vers le réfrigérateur). Le rouge a été choisi à cause du lien avec cette attitude d'arrêt, ainsi que la tendance des systèmes très rouges d'être plutôt sanglant dans l'action Ce n'est pas, toutefois, une caractéristique universelle de tous les systèmes rouges!

Un exemple d'un système avec une forte couleur rouge est RoleMaster™ avec son système très détaillé pour le médiéval fantastique[4].

Vert fluide[5]

Les systèmes verts fluide seront plus faciles à apprendre et auront souvent des temps de recherche et de résolution très courts. Ils peuvent toutefois avoir beaucoup d'options à choisir, tant que ces options sont claires et facile à gérer. Ces systèmes sont souvent parfaits pour les débutants ou les gens qui veulent un système rapide, sans trop s'arrêter aux détails. Ce sont deux bonnes raisons pour donner à ce type de système la couleur verte, qui est souvent associée avec les néophytes et la vitesse.

Un bon exemple d'un système vert est The Windows©, un jeu de rôle gratuit avec des mécanismes très simples.

Bleu immersif

Des règles bleues immersives aide à entretenir l'atmosphère particulière d'un jeu. Cette atmosphère peut être soit dramatique, héroïque, épique, effrayante, paisible, imaginative, ou toutes à la fois. Tout comme le rouge cohérent, les règles bleues sont fortement associées au décor. La couleur bleue a été choisie à cause de son association avec l'atmosphère, l'immersion et les émotions.

Un des systèmes le plus bleu que l'auteur connaît est eight©, un jeu de rôle gratuit où toutes les règles participent à l'atmosphère fort particulière du jeu.

Toutes ces couleurs peuvent être mélangées ensemble, en différentes quantités. Ceci nous donne quatre autres couleurs différentes[6]:

Jaune clairvoyant (rouge et vert)

Habituellement, quand on désire un système rouge brillant, on fait un compromis sur un vert plus sombre, et lorsqu'on veut un système vert, on réduit dans la couleur rouge. Cette couleur secondaire est donc plutôt rare, et les règles jaunes sont habituellement de vrais éclairs de génie. Les systèmes jaunes sont capables de donner le maximum de cohérence et de détails de votre décor, sans rien retirer à la vitesse et à l'aisance du jeu. Ils promettent un jeu très intéressant pour tous ceux qui désirent explorer différents éléments du décor.

Si les règles jaunes sont rares, les systèmes jaunes le sont encore plus. Je n'ai encore jamais vu un système où cette couleur dominait. Si vous croyez en connaître, faites-le moi savoir.

Cyan dramatique (vert et bleu)

Une des couleurs les plus populaires des nouveaux jeux actuels. Les systèmes cyan mettent de l'avant un aspect très narratif, avec un rythme rapide et des règles faciles. La cohérence n'est pas vraiment importante puisque le MJ est là pour s'ajuster en conséquence. Toutefois, on peut constater un jeu un peu plus limité et on doit faire attention à la suspension d'incrédulité qui augmente souvent avec ce type de systèmes.

Un exemple populaire de systèmes cyan sont Nobilis™ et le système Storyteller™ (du moins, par intention).

Expressif Magenta (rouge et bleu)

Une combinaison rare: les systèmes magenta tendent à vous immerger dans les détails. Beaucoup de détails. Vous êtes transportés dans un monde où tout, tant les actions que les choses, est décrit dans le moindre détail. Le piège est bien sûr, trop souvent, que le manque de couleur verte dans ces systèmes en fasse des systèmes difficiles à utiliser, avec une progression très lente de l'action. Les joueurs doivent être patients ou le MJ un véritable expert dans la maîtrise de son système.

De bons exemples de tels systèmes incluent principalement des thèmes orientés vers la science-fiction ou les scénarios militaires. Heavy Gear™ peut être vu comme un tel système sous certains aspects.

Blanc pur (rouge, vert et bleu)

Les systèmes blancs peuvent être vus comme le système parfait. Ils peuvent être obtenus généralement pour des décors très spécifiques et précis. Toutefois, de tels décors sont souvent très limités aussi, comme nous le verrons plus loin, les systèmes blancs ont souvent tendance à se diluer rapidement (nous appelons ça un manque de tenacité) et deviennent sombre très rapidement.

Je n'ai pas de bons exemples de tels systèmes. Comme je l'ai dit, la plupart des systèmes blancs tendent à devenir sombres très rapidement avec l'usage, ou à voir une nouvelle couleur dominée.

Les degrés de liberté

Les couleurs rouge et bleu sont grandement influencées par le décor pour lequel le système a été conçu. On décrira cette influence par deux changements, ou degrés de liberté, différents pour les couleurs:

La tenacité

La tenacité représente la persistence d'un système à conserver sa brillance et sa couleur malgré les changements de décor. La tenacité est recherchée surtout par les systèmes génériques mais aussi pour les jeux de rôle qui ont un décor très diversifié. Les systèmes qui se limitent à quelques types de personnages et de situations (comme les systèmes orientés vers le combat de masse, par exemple) n'ont pas besoin d'une grande tenacité dans leurs couleurs.

Un exemple de système avec une grande tenacité est GURPS™ et Multiverser™.

le caméléonisme[7]

Les systèmes caméléons sont capables de s'adapter pour conserver la même brillance. Contrairement aux systèmes tenaces, toutefois, ils le font en s'adaptant, c'est à dire qu'ils modifient quelques-uns des paramètres de jeu, pour mieux rendre compte du décor. Ça rend les éléments de ce décor incompatible avec des éléments d'un autre décor dans le même système. C'est une qualité que l'on retrouve dans les systèmes génériques ainsi que dans les méta-systèmes (c'est à dire des systèmes abstraits qui servent à bâtir d'autres systèmes).

Des exemples de systèmes caméléons comprennent Fudge™ et BASIC™.

Les deux degrés de liberté sont rarement totaux. Ils s'appliquent habituellement sur un domaine bien défini, par exemple tous les univers médiévaux fantastiques, ou tous ceux avec des humanoïdes comme personnages principaux.

J'hésite un peu à mettre GURPS comme système tenace. Si GURPS est tenace, c'est que si vous désirez un système qui plus sanglant, GURPS vous le permet, sans rien changer aux règles. Je ne suis pas sûr que GURPS s'adapte à ce point à tous les types d'aventure, peu importe l'atmosphère et le décor, sans rien changer aux règles, etc. C'est peut-être plus un système caméléon, comme Fudge.

La meilleure façon de parler des degrés de liberté seraient de parler en terme de domaine d'application, de largeur, de sensibilité, ce qui change complètement la métaphore initiale et en introduit une nouvelle. J'ai inventé ces termes pour tenter de rester dans la métaphore mais l'idée à certainement besoin d'être travaillé davantage.

La beauté du système

Les couleurs ne sont pas les seules qualités importantes d'un système. Une autre très importante, si ce n'est pas la plus importante, c'est le divertissement que le système procure. Nous faisons du jeu de rôle pour une seule raison: avoir du plaisir. Toutefois, le plaisir est une notion très personnelle qui peut varier d'une personne à l'autre. À cause de cette subjectivité, nous utiliserons une qualité similaire qui s'applique bien à notre métaphore picturale: la beauté. La beauté serait donc une qualité comme une autre d'un système qui fait qu'on l'aimerait, malgré ces défauts, simplement parce que c'est amusant. Il est aussi important de se rappeler que ce modèle ne se préoccupe pas de vos goûts pour certains types de décor. Il faudra donc faire attention de ne pas juger un système trop sombrement simplement parce que vous n'aimez pas le décor auquel il s'applique.

Cette section a besoin d'un peu plus de développement.

La visibilité des règlements

Un système est composé de règlements mais tous les règlements n'ont pas nécessairement la même couleur. L'influence d'un règlement sur la couleur globale du système est appelée la visibilité du règlement. La visibilité est souvent en rapport avec le nombre de fois qu'un réglement doit s'appliquer et l'importance de son influence sur la partie en cours. La visibilité est un aspect important lors de la conception d'un système de jeu de rôle. Souvent, vous pouvez faire un compromis sur un aspect pas trop visible d'un système sans que cela n'affecte trop la couleur globale du système. En dissimulant cette couleur dans un aspect pas trop visible du système, vous pouvez, par exemple, obtenir un système plus rouge sans trop affecter sa couleur verte.

Les mécanismes les plus visibles sont souvent le système de résolution, les règlements de combat (dans des décors orientés vers l'action) et les statistiques des PJ. Les règlements les plus discrets sont souvent le système de création (vous ne l'utilisez qu'une fois) et la mécanique de progression du personnage (qui, habituellement, n'intervient qu'en fin de partie).

Brillance et transparence

Avant d'aller plus loin, une petite clarification est nécessaire. Qu'est-ce que la brillance? Comment affecte-elle l'expérience de la partie?

La brillance dans ce modèle théorique est plus similaire à l'effet d'un sort de Lumière et d'un sort de Noirceur, son inverse. Les couleurs sombres non seulement auront peu d'effets positifs mais peut même faire paraître votre décor et votre partie entière comme plus sombre, ce qui veut dire moins amusante et intéressante. À l'opposé, un système brillant ne fera pas que permettre de mettre votre décor et vos talents de MJ en avant, mais il améliora votre expérience globale de jeu de rôle, soutenant et même créant plus de plaisir et d'intérêts.

On ne devra donc pas simplement ignorer une couleur en pensant que cela ne fera aucun mal. Toutes les couleurs sont nécessaires, mais certains décors et/ou certains MJ peuvent fournir leur propre couleur à l'expérience, rendant le système moins important sur ces aspects. On s'aperçoit donc que le point précis où la couleur d'un système ou d'un règlement passe de la brillance à la noirceur est dépendant de la qualité du décor et du talent du MJ! Un MJ débutant trouvera très brillant un système qu'un vieux routard trouvera trop sombre pour lui. Ceci n'est quand même pas une bonne raison pour comparer les MJ avec le modèle des couleurs. Comment un MJ fait pour rendre un système plus vert, rouge ou bleu est une question ouverte qui ne sera pas adressée par cet article. De même pour le décor. Toutefois, il est clair que plus brillant est le système, le mieux peut-il aider à créer une expérience de jeu de rôle intéressante pour ces joueurs, et de rencontrer ses besoins de MJ.

La transparence

Il faut noter que certains systèmes dépendent beaucoup de l'habilité du MJ pour avoir quelque brillance. On parlera alors de la transparence du système. Un système transparent laisse le MJ s'impliquer davantage dans la façon de gérer les évènements d'une partie. Ils sont très peu contraignants, ne fournissant bien souvent que quelques directives sur comment interpréter les résultats, déterminer la difficulté, ou même résoudre différentes situations.

Il y a deux mauvaises conceptions concernant les systèmes transparents. La première est qu'un système transparent est nécessairement vert. C'est souvent tout le contraire. En laissant les habilités du MJ prendre soin de bien des aspects de la gestion, un système transparent s'adresse principalement aux joueurs matures et expérimentés, rendant très difficile la gestion pour les débutants.

L'autre mauvaise conception est le fait que les systèmes verts sont transparents. Cette erreur est en partie due au fait que les systèmes verts se fondent tellement au flot de la partie qu'ils semblent presque absent, le jeu semblant progresser par lui-même. Ceci est une qualité d'un système vert fluide, et non pas transparent, bien qu'avec un bon MJ, un système transparent semblera lui aussi très vert. En fait, les systèmes transparents prennent très souvent la couleur que le MJ désire et, pour cela, ils ressemblent beaucoup aux systèmes caméléons[8].

La transparence, toutefois, n'est pas un but désirable pour tous les systèmes. Comme nous l'avons dit, un système transparent peut être très difficile pour les débutants. Ça prend un minimum d'expérience pour rendre une partie de jeu de rôle stimulante et amusante. Les systèmes transparents ne fournissent aucune lumière en eux-mêmes mais aussi aucune noirceur. Donc, si vous êtes un bon MJ, ou que vous désigner votre jeu pour des MJ expérimentés, un système transparent, avec juste assez de règles pour donner une bonne idée de votre décor, peut très bien faire l'affaire.

Des exemples de systèmes transparents incluent Sorcerer™ et Hero Wars™. Bien entendu, le système transparent par excellence est aucun système du tout!

Le rouge

Les éléments rouges cohérents d'un système particulier sont difficiles à définir. La première chose que nous devons savoir lorsqu'on essaye d'établir la couleur rouge d'un système (ou d'évaluer la part de rouge d'un système) c'est quel élément du décor est actuellement contrôlé (ou simulé si vous préférez) par cette règle, et comment cet élément doit se comporter. Pour la plupart des éléments d'un décor, le créateur ne sait tout simplement pas.

Une assomption commune est de considérer le décor comme un reflet de notre réalité. Cette assomption est souvent bonne la plupart du temps excepté qu'il y a, très souvent, de nombreuses parties qui diffèrent des lois physiques de notre monde. Par exemple, les personnages peuvent être plus grand que nature, avoir des pouvoirs spéciaux, et être extraordinairement résistants aux incidents. Il peut y avoir une race spéciale qui est soit incroyablement grande ou petite et n'aurait pas pu survivre dans notre monde (comme les centaures par exemples, qui ont des voies respiratoires beaucoup trop petites pour leurs corps) ou des vaisseaux spatiaux qui plient l'univers avec des moteurs à improbabilité. Pour tout ça, de même que pour éviter des complications inutiles, nous ne désirons pas que notre système soit une simulation exacte de notre réalité. Nous voulons qu'il nous permette de prendre une pause de nos lois physiques et de notre histoire, sans trop affecter la crédibilité du décor. Les joueurs sont généralement prêts à accepter quelques contournements des lois de notre réalité quotidienne en échange d'un peu de fantaisie[9].

Mais voilà un mot important: crédibilité. Qu'est-ce qui rend un système crédible? Un système crédible agit de façon prévisible quand vous lui demandez de décrire différents aspects de votre décor. Si le décor prétend qu'un guerrier expérimenté peut affronter sans trop de danger un paysan, le système doit donner plus de chance de victoire au guerrier qu'au paysan. Combien exactement est une question de perception mais encore, un autre mot important a été dit: prévisible. Avec un système prévisible, le créateur ou le MJ peuvent ajuster la représentation des éléments du décor dans le système, la façon qu'il espère qu'ils vont réagir, ce qui est probablement la meilleure façon d'obtenir un système, et un décor, crédible.

Un autre facteur important des systèmes rouges sont les limites. Le décor pose souvent certaines limites sur les capacités de plusieurs éléments. Un guerrier ne pourra pas lever plus qu'un certain poids sans aide, et la magie ne pourrait pas changer le passé, par exemple. Bien que ces limites puissent être simplement imposées par les mécanismes du systèmes, une autre façon consiste à utiliser des mécanismes sans limite, et de laisser l'arbitrage et le jugement d'imposer de telles limites. Cela rend certains aspects de la gestion plus complexes mais fait aussi un effet caméléon[10], permettant au système de s'appliquer à plus de décors différents. Ainsi, trouver les limites d'un système est un bon moyen d'évaluer à la fois la composant rouge et le degré de liberté d'un système. Un jeu de rôle dont certains éléments du décor sont en-dehors des limites du système n'est pas très rouge, et un système qui est très dont les limites sont très proches des éléments du décor n'a généralement pas une très bonne tenacité. On pourra aussi dire d'un système capable de modifier ses limites sans trop de modifications qui possède un bon effet caméléon.

Finalement, une chose importante à comprendre à propos de cette couleur est que ce n'est pas nécessairement parce que vous mettez plus de détails dans votre système que ce dernier devient nécessairement plus rouge! Les détails n'ajoutent souvent que de la complexité sans rendre la couleur rouge plus brillante. Pour ajouter de la brillance à cette couleur, les détails doivent soutenir un avantage différenciateur des éléments du décor lié à celui-ci, et cet avantage doit être justifié dans le décor.

Le vert

La couleur verte est probablement la couleur la plus affectée par la visibilité. Un élément vert peu visible n'affectera pas beaucoup votre expérience mais un élément vert dans un aspect très visible du décor pourrait totalement la changer!

La couleur verte est la seule spécifique uniquement au système ou aux éléments méta-ludiques. Le décor n'est pas vraiment affecté par cette dernière, du moins directement. Son importance toutefois est très grande si vous voulez que le décor s'installe correctement puisqu'un système très sombre dans cette couleur prend souvent toute la place, n'en laissant que peu pour les autres éléments. La couleur verte aide énormément à ne pas laisser le système nuire à l'expérience du jeu de rôle.

Il y a plusieurs façons de rendre un système plus vert, quelques-unes étant contradictoire entre elles et plus une question d'équilibre. Par exemple, une formule complexe peut être remplacé un tableau pour un accès plus rapide mais trop de tableaux ralenti le jeu. Il y a aussi une courbes d'apprentissage qui peut changer la brillance de cette couleur: un système peut avoir une courbe d'apprentissage très abrupte (le rendant très sombre pour un débutant) mais une fois appris et pratiqué quelque temps, devenir très rapide et facile à utiliser (un beau vert clair). Le mieux est d'avoir les deux aspects mis ensemble, soit une courbe d'apprentissage douce et un temps de résolution rapide, le tout étant une question de compromis.

Un autre exemple sont les classes de personnage. Non seulement elles rendent le système plus vert mais elles aident aussi à aborder le décor. D'utiliser des attributs dérivés plutôt que de les additionner en cours de jeu peut aussi aider, tant qu'il n'y en a pas trop. Cette méthode est particulièrement utile pour les éléments très visibles du système. Des aides de jeu, comme un bon index, un tableau récapitulatif pour les éléments les plus communs (donc visibles), facilement accessible comme sur la feuille de personnage ou l'écran de jeu, peuvent aussi rendre le système plus vert. Des jets multiples ou trop de dés peuvent au contraire ralentir le jeu, tout comme une formule trop complexe ou trop de facteurs à tenir en compte. Essayer de les combiner en un seul jet et éviter d'ajouter de l'aléatoire inutilement. Par exemple, utiliser la marge de succès d'un jet pour toucher plutôt que de rejouer les dés pour évaluer les dommages peut aider si celle-ci est facile à déterminer, ou bien, dans le cas d'un jet en opposition, ne faire rouler qu'un seul opposant plutôt que les deux: le résultat de l'un déterminera automatiquement celui de l'opposant[11].

Le bleu

Cette couleur est clairement la plus difficile à discuter. Le bleu est la moins tenace des couleurs et est fortement dépendante des éléments du décor. Plus que ça, contrairement à la couleur rouge, elle ne possède pas d'éléments de base que l'on pourrait considérer comme désirable pour tous les décors. La seule façon de parler de la couleur bleue reste, à mon avis, de parler des genres.

Le genre est un terme très vague défini par un type d'œuvre artistique spécifique. Pour notre propos, nous définirons le genre comme un ensemble de différents éléments du décor partager entre plusieurs décors appartenant à ce genre. Bref, un genre est défini par les décors qui en font partis. Toutefois, les genres se chevauchent et un même décor peut appartenir à différents genres à la fois. Les éléments les plus communs qui sont adressés par les règles sont les suivants:

le facteur de risque

Le facteur de risque est un aspect important de plusieurs genres. Il mesure l'importance ou les conséquences des décisions des personnages. Un décor avec un facteur de risque très élevé mettra les joueurs en état d'alerte constant, leur rappelant de réfléchir prudemment avant d'agir. Des ressources rares et peu nombreuses (comme des points de vie), avec des difficultés élevés et la possibilité de maladresses, augmente le facteur de risque. Un facteur de risque élevé est très populaire parmi le genre d'horreur et certains décors très réalistes.

Au contraire, un facteur de risque très faible encouragera les joueurs a essayé différentes choses et à prendre des risques. Des ressources généreuses, ou un mécanisme de résolution permettant de réussir des actions presque impossible (comme l'usage de points de destinée) sont différents moyens de réduire le facteur de risque. Un facteur de risque bas est surtout populaire parmi les genres dit épiques ou héroïques.

Ce n'est pas très clair comment les mécaniques aléatoire (Fortune mechanics), soit des mécanismes basés principalement des éléments aléatoires, peut affecter cet aspect. Un système très aléatoire peut aussi bien mener à des réussites incroyables qu'à des défaites lamentables. À quel point un jet ouvert affecte cette variable n'est donc pas très clair et peut varier. L'effet exact dépend de comment de tels résultats seront interprétés.

l'héroïsme

L'héroïsme s'inscrit au sein de personnage qui semblent choisi par leurs dieux. Il ne leur est pas permis d'échouer aisément ni même de mourir. Pour cela, ils ont souvent une sorte de mécanique de sauvegarde qui leur permet à un moment critique d'éviter un coup fatal ou de réussir une action importante. Ils peuvent aussi être plus fort que les autres personnages, soit par des statistiques plus grande, un système de résolution avantageux ou des pouvoirs spéciaux. Parfois, cet avantage systématique peut être remplacé par un désavantage systématique pour les adversaires mineurs, qui peuvent être traités, par exemple, comme un seul adversaire, peu importe leur nombre. Ces avantages ne sont pas nécessairement réservé aux PJ. Les PNJ importants peuvent aussi en bénéficier et ainsi constituer de plus grands adversaires pour les PJ.

Cet aspect fait parti de plusieurs genres aussi, incluant le style héroïque, les films d'action, les super héros, et très souvent le space opera. Ils sont souvent liés à un facteur de risque plus bas, bien que ce ne soit pas nécessaire.

La tentation

La tentation est une partie importante du genre fantastique, peu importe l'époque, et représente une lutte passionnée où un personnage peut perdre le contrôle sur lui-même. C'est habituellement représenté avec un compteur qui descend (parfois sans même la possibilité de revenir en arrière) et fait en sorte que le joueur perde le contrôle sur son personnage. À chaque fois que le joueur fait quelque chose jugé mauvais par le décor, ou rentre en contact avec l'objet de la tentation, le compteur décrémente, possiblement suite à un échec et le joueur doit s'assurer qu'il ne tombe pas du coté sombre (souvent représenté par une sorte de panique). Le test représente généralement une perte temporaire de contrôle mais quand le compteur tombe à zéro, le PJ est, la plupart du temps, considéré comme hors-jeux, et donc jouer comme un PNJ, et le joueur doit créer un nouveau PJ.

La tentation peut aussi être représenté par deux valeurs antagonistes (comme la Luxure et la Chasteté) balançant entre ces deux pôles. Chaque test renforce la valeur du coté victorieux, rendant le prochain test plus difficile à résister. C'est habituellement très difficile de changer l'équilibre des valeurs autrement.

Cette liste n'est que partielle et représente seulement quelques exemples de règles bleues immersives. Une étude des genres plus complètes, ainsi que leur support dans les règles peut être espéré pour plus tard, mais aucun plan n'est en place actuellement. Une chose importante à retenir est que le système n'est pas la partie la plus importante lorsque vient le temps de donner l'atmosphère juste à un décor. Le style du MJ et du décor sont bien plus importants. La couleur bleue intervient plus au niveau de comment le système va supporter une telle atmosphère mais non pas comment la créer ni la garantir.

Éléments méta-ludiques

Les éléments méta-ludiques peuvent être aussi importants pour un jeu de rôle que le système ou même le décor. Pourquoi les règles ne pourraient pas encourager une meilleure expérience du jeu de rôle. Dans le modèle des couleurs, les systèmes qui encouragent des éléments méta-ludiques positifs sont considérés comme bleutés. C'est principalement parce que des éléments méta-ludiques positifs encouragent souvent la création d'une meilleure atmosphère de jeu.

Bien que citer toutes les possibilités qu'à un système d'encourager des éléments méta-ludiques positifs n'est pas le sujet de cet article, un bon exemple est de récompenser les joueurs, soit par un bonus d'action, ou par un gain en ressources comme des points de Destin ou d'Expérience, qui ont une bonne attitude (bonne description, sacrifice du personnage pour augmenter l'aspect dramatique de l'histoire, etc.), qui ont travaillé davantage sur leurs personnages, qui garde un journal des aventures du groupe, etc. Certains jeux ont même des mécanismes spécifiques pour le méta-ludique, comme les Points d'humour de Marvel Super Heroes™. Certains jeux encouragent mêmes les autres joueurs à participer à ce type de récompense en leur permettant de donner un certain nombre de points aux autres joueurs à chaque session.

Le modèle GDS et les couleurs

Le modèle GDS (Game, Drama and Simulation ou Jeu, Drame et Simulation), aussi connu sous le nom de Modèle des trois parts a été créé pour résoudre le problème des intérêts multiples en jeu de rôle. Comment ces aspects sont définis et même leurs dénominations varient beaucoup d'une personne à l'autre. Comment ces aspects doivent être adressés dans un jeu de rôle varie encore davantage, au point d'être parfois en complète contradiction les uns avec les autres. Je vais quand même tenter de voir comment les différents intérêts exprimés par ces modèles sont adressés par le système, en utilisant le modèle des couleurs. Il devrait être clair, par définition, que toutes les couleurs sont importantes, mais nous tenterons de voir ici, pourquoi et à quel point elles le sont, relativement à chacune d'entre elle, du point de vue de chaque groupe d'intérêts.

Les intérêts ludistes

Les intérêts ludistes se définissent autour des notions de défi, et d'un jeu franc (fair-play). L'attention est surtout mise sur la possibilité d'avoir un vaste choix d'options pour influencer le jeu (et rendre ainsi les défis intéressants), d'avoir une bonne connaissance de la situation pour prendre une décision juste, d'avoir des buts objectifs (mesurables) afin de déterminer une condition de victoire.

La couleur de cet aspect est probablement la plus difficile à déterminer mais nous pourrions aller vers la couleur rouge. Cette couleur est importante pour fournir un environnement compatible avec un jeu franc. Si les règles sont incohérentes, vos joueurs commenceront à jouer par les règles plutôt que de les laisser agir à travers leurs personnages, afin d'avoir une chance de gagner. Vous le reconnaîtrez à des phrases comme: « Je fais cela puisque ça me donne un meilleur bonus » plutôt que « Je fais cela parce que ça me place en meilleure position. »

La couleur verte est aussi importante tant qu'elle ne retire pas la différenciation des atouts. Le joueur doit être capable de distinguer entre différentes options ici et là et leurs décisions ne devraient pas être une simple question de chance. Les règles vertes peuvent très bien mener à un choix intéressant d'options avec beaucoup de complexité de concept à l'intérieur, un peu comme aux échecs ou dans le jeu de Go. Aussi, des règles vertes permettent à quelqu'un d'être plus rapidement efficace, si bien que les capacités intellectuelles des joueurs prennent rapidement le pas sur leurs connaissances des règles du jeu, bien que cet élément puisse aussi être un champs de compétition qui pourrait plaire aux joueurs ludistes.

Finalement, la couleur bleu peut parfois aider les joueurs à se forger des objectifs à atteindre. Cet aspect ne devrait pas être négligé bien que, parfois, le but des joueurs est plus au niveau du méta-ludique.

Le dramatiste

Les intérêts dramatistes tournent plus souvent autour du fil de l'histoire. Ils ont tendance à considérer une belle histoire comme étant la partie la plus importante du jeu de rôle, avec leurs intérêts orientés plus vers un bon drame que vers la victoire ou même la vraisemblance. Le système doit leur donner un grand contrôle sur les évènements avec, si possible, des mécanismes capables de créer un bon climax et une fin intéressante, tout en soutenant l'atmosphère du jeu.

La couleur la plus importante des dramatistes est le bleu. Un système bleu a beaucoup d'éléments pour favoriser l'atmosphère d'une partie. La couleur verte est aussi importante puisqu'elle donne habituellement plus de contrôle dans les mains du MJ et qu'elle ne nuit pas trop au rythme de l'histoire. Finalement, la couleur rouge conserve une certaine importance en renforçant la vraisemblance de l'histoire, tant qu'elle ne vient pas empêcher le fil de l'histoire d'arriver à la fin voulue.

Le simulationniste

Les intérêts simulationnistes sont aussi appelés les intérêts exploratoire et j'ai tendance à préférer cette dernière appellation. Les explorateurs sont principalement intéressés par la découverte de nouveaux éléments du décor mais aussi, quoique moindrement, par celle d'éléments du système ou même d'éléments méta-ludique comme la réaction des joueurs à certaines situations de jeu.

Pour les simulationnistes, la couleur rouge est la plus importante. Un système incohérent condamnerait la vraisemblance de la situation, invalidant leur expérience exploratoire. La couleur bleu est aussi très intéressante pour ce type d'intérêts, permettant de mieux s'immerger dans le monde du jeu, soutenant l'expérience par elle-même. Finalement, la couleur verte est plus vue comme une nécessité par défaut, le système devant être fluide suffisamment pour ne pas nuire à l'expérience exploratoire.

Résumé

Donc, les intérêts ludistes sont principalement orange (rouge, vert et bleu), les intérêts dramatistes turquoises (bleu, vert et rouge) et les intérêts simulationnistes sont mauves (rouge, bleu et vert). Ceci est très proche du jaune clairvoyant, du cyan dramatique et du magenta expressif du la section intitulée « Le modèle des couleurs » vus plutôt. Ces couleurs sont dites complémentaires entre elles, et me font penser que le modèle des couleurs pourrait être complémentaire à celui des trois parties au sujet des jeux de rôle, et donc ne devrait pas être ignoré lors de la création d'un jeu. Il met en évidence le fait que différent type d'intérêts peuvent être adressés par le même système, bien que certains compromis soient souvent nécessaires.

Un peu d'histoire

L'histoire du modèle des couleurs commence avec une discussion enflammé entre moi et Cédric Lemaire sur la liste de discussion createurs-jdr. Le sujet portait sur la définition de ce qui constituait un meilleur système, ou de ce qui pouvait être amélioré dans un système donné, sans égard aux goûts de chacun. Nous nous sommes rapidement aperçus que nous parlions de choses différentes en utilisant les mêmes mots, et donc que nous avions besoin de nous trouver un vocabulaire commun. Après quelques essais, nous avons trouver quatre qualités sur lesquels nous étions d'accord qu'elles pouvaient être uniquement un atout pour n'importe quel jeu de rôle, avec une définition particulière pour chacune, puisque ces qualités n'étaient pas très bien définies lorsque appliquées aux jeux de rôle.

Les mois passèrent et j'avais commencé à suivre les discussions sur les forums anglophones de conception de jeux de rôle. Je découvris plein de nouvelles théories sur le jeu de rôle mais rien comme les quatre qualités que nous avions obtenus sur la liste de discussion francophone. J'essayai de traduire et j'appelais ce système SCARF, incluant une cinquième qualité, soit le facteur de plaisir. SCARF tenait pour Simplicité, Cohérence, Adaptabilité, Réalisme et Plaisir (Simplicity, Coherence, Adaptability, Realism and Fun en anglais), et la définition été très réduite (par exemple, une meilleure définition de Réalisme aurait dû être cohérence entre le système et le décor). La discussion enflammée qui suivi fût beaucoup plus grande que celle à laquelle je m'attendais et je fus un peu surpris. Dans une réplique plutôt impulsive que j'adressais au forum, dans laquelle j'avais l'impression que toutes ces querelles n'étaient qu'une question de vocabulaire, je finis par suggérer de remplacer les qualités du SCARF avec des couleurs. Je mis le vert pour la Simplicité, le bleu pour la Cohérence et le rouge pour le Réalisme. L'Adaptabilité fut définie comme étant la ténacité.

Je finis par vraiment apprécier cette métaphore. Il est vrai que cette façon de faire était plus hermétique que la précédente mais la métaphore picturale apportait un nouveau regard sur le modèle, incluant certains aspects qui ne faisaient pas partie du modèle précédent, comme le fait que l'Adaptabilité n'était pas tout à fait une Qualité en elle-même, mais une propriété des autres qualités. Je me promis de revenir avec une version plus développée du modèle des couleurs et retournai sur la liste de discussion de createurs-jdr. Un envoi et quelques répliques plus tard, je rajoutais rapidement de nouveaux éléments à la tenacité, la divisant entre tenacité, caméléonisme et la transparence. Une remarque à propos de Légendes™ comme étant un système de jeu vert une fois les personnages créés me fit réfléchir sur la notion de visibilité d'une règle. Quelques réflexions plus tard, en lisant sur la Forge, me firent déplacer la transparence des degrés de liberté vers la visibilité et finalement une section sur la brillance (qui a été créée le même jour avec la métaphore du sort de noirceur) a été ajoutée.

Une absence prolongée du milieu rôlistique me fit laissé tout ça en suspend, bien que je travaillais encore sur d'autres aspects, tels que le modèle des jouets. Ce fût que plusieurs mois plus tard que je traduisis cet article en français, et c'est là que nous sommes rendus. Je suis certains que le modèle des couleurs n'a pas encore révélé tout son potentiel et peut encore nous réserver des surprises.

Remerciements

Je voudrais remercier Cédric Lemaire, avec lequel j'ai développé, dans le contexte d'une discussion enflammée, le modèle SCAR, les membres de la liste de createurs-jdr pour leurs suggestions variées, John H. Kim, Brian Gleichman et Ron Edwards pour leur travail fantastique sur la théorie du jeu de rôle, et les membres du forum Art of Game Design de RPGnet pour leurs commentaire inspirants qui ont mené au modèle des couleurs.



[2] J'ai choisi cette traduction pour meta-gaming. En français, méta-ludique servirait davantage pour désigner une abstraction supplémentaire au-dessus du jeu, par exemple le langage décrivant les éléments du jeu lui-même. Mon usage ici rejoint plus celui d'éléments extérieurs au jeu.

[3] Une autre façon de voir le modèle, c'est de comparer le système à des lunettes plus ou moins opaque, ou à un projecteur sur la partie en cours. Plus les lunettes sont opaques, ou les projecteurs faibles, moins vous voyez bien la scène. Toutefois, cette métaphore pose certaines limites et doit être repensée plus en détails.

[4] Franchement, je ne suis pas si sûr que ce soit un si bon exemple. De meilleures suggestions sont bienvenues.

[5] Je n'aime pas cet adjectif mais je voulais éviter l'usage de simple, puisque la couleur verte représente beaucoup plus que la simplicité d'un système. Fluide est actuellement le seul terme qui correspond à l'idée que je me fais de cette couleur.

[6] Rappelez-vous, ceci sont les trois couleurs primaires additives, comme votre télévision mais pas comme celle de la peinture, qui sont des couleurs primaires soustractives.

[7] Si quelqu'un peut m'offrir un meilleur terme que ce mauvais néologisme, je suis prenant!

[8] La dénomination de transparence est souvent utilisée dans un sens beaucoup plus large. La bonne définition semble varier beaucoup et, bien sûr, je préfère la mienne. Généralement, les gens semble dire qu'un système est transparent s'il est soit très vert ou transparent comme je l'entends dans ce modèle, sans distinction. Il faut donc essayer de ne pas confondre les gens en précisant qu'on parle de la couleur transparente du modèle des couleurs.

[9] On appelle ça la suspension de l'incrédulité. Je compte y revenir dans un article futur.

[10] C'est un aspect courant de la transparence d'une telle règle.

[11] Cette option est bonne uniquement si un tel résultat binaire fait du sens, dans un test de force par exemple. S'il existe une chance pour les deux opposants d'échouer ou de gagner simultanément, et que cette possibilité est intéressante au niveau du développement de l'histoire, de ne faire qu'un seul jet peut assombrir la couleur rouge du jeu.

Définition, Résolution et Interprétation

un modèle narratif des systèmes de résolution

Fabien Niñoles

Historique des versions
Version 0.2 :2006-02-08

Première version francophone. Le propos de l'article a plutôt changé et le sujet original s'est beaucoup développé vers un modèle, voire carrément une méthode de résolution générique, plutôt qu'une taxonomie.

Version 0.1 :2003-01-01

Première version anglophone (incomplète).

Résumé

Dans cet article, l'auteur propose une façon d'aborder la résolution des actions basée davantage sur la narration que sur la simulation, tout en conservant les mécanismes traditionnels que l'on retrouve dans la majorité des jeux de rôle. En identifiant les composants d'un système de résolution et leur influence sur la narration, l'objectif de cette méthode est de choisir le système de résolution en fonction du rythme narratif plutôt que de la nature de l'action. Le modèle de résolution obtenu sera comparé à d'autres modèles existant tels que la hiérarchie DKF et ses sous-éléments basés sur l'aléatoire.


Introduction

J'ai essayé pendant longtemps de créer un système vraiment générique, capable de gérer un large domaine d'échelles de grandeur, mais aussi différents genres et atmosphères de jeu de rôle. Ces objectifs furent longtemps considérés comme une chimère impossible à atteindre car certains de ces genres poursuivent des buts contraires aux autres par leur nature même. Toutefois, j'étais sûr que c'était possible même si l'idée restait vague. Bien que certaines personnes pourraient mettre cette confiance comme un symptôme de mon obstination en prenant comme preuve l'échec de nombreux systèmes dit génériques sur le marché, je pense que j'ai quand même un atout de mon coté: je maîtrise moi-même depuis plus de 15 ans dans le même monde avec une très grande variété de genres et de décors que je dois mélanger ensemble pour le plaisir de mes joueurs. Alors, si je peux le faire, pourquoi personne d'autre ne pourrait? Encore que, si des mots à la pratique, le pas est grand, l'inverse est parfois pis!

En analysant différents jeux de rôle, et dans mes myriades d'essais à adapter chacun d'entre eux à différents décors, j'ai retrouvé souvent les mêmes éléments de décors (comme la magie, le combat, la santé, etc.) mais avec des mécanismes très différents dépendant de l'atmosphère que les concepteurs voulaient créer. Aussi, dans la plupart des forums de créateurs de jeux de rôle, c'est l'atmosphère, la saveur que vous voulez créer qui est considéré comme l'élément le plus important. Très souvent, l'atmosphère et le décor sont mêlés ensemble mais est-ce bien nécessaire? Si ce n'est pas le cas, ne devrait-on pas arrêter de créer des mécaniques basées sur des décors spécifiques et plutôt aller directement avec l'atmosphère, l'élément qui distingue le plus souvent une expérience de jeu de rôle intéressante et une autre ennuyante?

Ce papier est une première tentative pour élaborer les éléments théoriques d'un tel jeu de rôle, particulièrement sur la façon qu'un MJ devrait aborder la résolution des évènements. Pour cela, on y élabora un modèle permettant d'analyser le système de résolution, afin d'en distinguer les éléments qui contribuent et modifient l'atmosphère de jeu.

Œuvres précédentes

Bien que je ne puisse prétendre faire une présentation complète de toutes les études sur les systèmes de résolution d'évènement, je me dois au moins de présenter les travaux qui ont influencé celle-ci.

En premier, le modèle le plus populaire à ma connaissance des évènements de résolution est la hiérarchie Drame - Karma - Fortune (DKF) de Jonathan Tweet. Publié dans le jeu de rôle Everway, ce travail a été repris par Ron Edwards pour en faire une partie importante de sa théorie du jeu de rôle. La hiérarchie DKF travaille surtout avec la mécanique de résolution elle-même, définissant son choix comme une hiérarchie où le contrôle des joueurs est repassé aux règles et à certains générateurs d'aléatoire comme les dés. Le principe de la hiérarchie est donc de donner plus d'emphase sur le contrôle par les joueurs plutôt que par les règles, un principe que j'essaye de suivre moi aussi.

Enfants du DKF, les modèles de Fortune-au-Début (FaD), Fortune-au-Milieu (FaM) et Fortune-à-la-Fin (FaF) est une autre taxonomie des mécanismes qui tente d'étudier précisément comment les résolutions de type Fortune peuvent être utilisées pour redonner du contrôle aux joueurs, au lieu des règles ou du hasard. Il est légèrement différent de la hiérarchie DKF elle-même, mais garde aussi le même point de vue. Je m'en suis beaucoup inspiré pour ce modèle.

Finalement, je veux inclure l'excellent travail de Hunter Logan dans sa chronique the Impossible Dream sur RPG.net. Monsieur Logan parle du flot du jeu, d'une façon très proche de celle que j'utilise pour parler de la résolution d'évènements, de même que de la balance de pouvoir, qui exprime comment le flot du jeu influence la balance du contrôle entre les joueurs, le MJ et les règles. Logan ramène aussi les trois échelons de la hiérarchie DKF mais l'utilise de façon à disséquer les éléments d'un système de résolution. Il a eu le bon goût d'utiliser une dénomination différente toutefois, pour ne pas confondre son modèle avec celui de Tweet et Edwards, les nommant la Chance, l'Habilité et l'Intention. Actuellement, ils sont juste utilisés pour décrire différents mécanismes de résolution, j'ignore encore ce que monsieur Logan veut en faire en corrélation avec son flot de jeu et sa balance du pouvoir.

Une autre lecture intéressante est The Travel of Mendes Pinto par Sergio Mascarenhas. Ce jeu de rôle amateur constitue une bonne lecture pour les notes et les explications que l'auteur donne de son travail de conception. La section 4 sur l'action, où l'auteur élabore sa propre théorie sur les systèmes de résolution, est particulièrement intéressante pour ce travail. Il y divise la résolution en terme de contexte, de buts, de performance et de résultats et amène la notion intéressante d'engagement du personnage (commitment). Bien que je ne reprenne pas directement cette dernière, la division de Mascarenhas ressemble fort à celle du DRI.

Cela résume très brièvement ce que je considère comme les théories les plus importantes concernant les mécanismes de résolution dans le domaine du jeu de rôle. Ceci est toutefois loin de faire le tour complet des théories, ce qui serait un travail ardu. Il me fera plaisir de connaître d'autres approches, spécialement si ces dernières viennent briser la tendance actuelle de ne considérer la résolution d'évènements strictement en terme de mécaniques de règles.

Qu'est-ce qu'un système de résolution?

Qu'est-ce qu'un système de résolution d'évènements? Demandez à la communauté rôlistique et vous aurez autant de réponses différentes qui pourront plus ou moins se résumer à: « C'est quand on roule les dés ». Cela est peut-être vrai pour certains jeux de rôle mais pas pour tous et surtout, c'est plutôt court pour un élément aussi important. Pour le propos de cet article, je voudrais utiliser une définition un peu plus large, qui sera développée par la suite mais qu'on pourrait formuler ainsi:

Le protocole par lequel les joueurs décident de la suite des évènements de la situation de jeu courante entre différentes issues intéressantes.

Cette définition contient déjà, par sa nature, un point de vue narratif sur la résolution d'évènements. On y trouve que la résolution est un protocole entendu entre les joueurs, et n'ont pas une méthode imposée, que ce soit par nécessité ou arbitraire. Ensuite, il détermine que ce protocole n'intervient que lorsque plusieurs choix intéressants se présentent. Cela implique que le système n'interviendra pas si une seule issue est intéressante. Le système n'est pas là pour ennuyer les joueurs ou leur imposer des choix sans intérêts mais bien pour relancer rapidement la partie afin de former une belle histoire.

Ici, le mot intéressant est à comprendre au niveau de l'intérêt du groupe de jeu, incluant chaque participant, et non pas des personnages eux-mêmes. Ainsi, la mort d'un personnage peut être intéressante si elle apporte un intérêt dramatique à l'histoire, par exemple. Au contraire, un échec rendant la suite des évènements impossibles est sans intérêt. Au final, ce n'est pas tant l'histoire elle-même mais ce que les joueurs désirent comme histoire, qui compte.

Remarquez, il peut exister dans un jeu de rôle d'autres mécanismes qui ne rencontrent pas les mêmes objectifs qu'un système de résolution mais ont quand même leur intérêt et peuvent parfois être confondu avec le système de résolution. Je nommerai trois de ces mécanismes[12], que l'on retrouve couramment en jeu de rôle.

Le jeu dans le jeu

Le jeu dans le jeu est un ensemble de mécanismes présentant un intérêt propre en lui-même, auquel les joueurs chercheront à participer pour le simple plaisir de l'essayer. Les joueurs tenteront bien souvent de créer des situations leur permettant d'utiliser de tels mécanismes. On retrouve le jeu dans le jeu particulièrement dans les systèmes de combat et de magie.

Le jeu dans le jeu est un mécanisme puissant pour encourager les joueurs à favoriser un certain type d'évènements. La présence d'un système de combat intéressant entraînera les joueurs à utiliser le combat pour se sortir de certaines situations, simplement pour essayer le système. Il est donc important que le jeu dans le jeu vienne soutenir l'atmosphère voulue par la partie.

Pour un système générique, le jeu dans le jeu est dangereux car il s'implémente souvent au-dessus de certains éléments du décor. Le seul moyen d'en avoir un présent, est de l'abstraire du décor, c'est à dire de permettre au MJ de choisir quel type de situations seront considérées comme faisant partie de l'atmosphère. Ainsi, un mécanisme de confrontation générique permettra au MJ de l'implanter autant pour des joutes oratoires, magiques ou martiales. Toutefois, cela suppose déjà un décor héroïque où la confrontation est un élément important de l'histoire, ce qui est fort peu adapté aux aventures d'horreur.

Les mécanismes de description

Les mécanismes de description sont l'ensemble des outils servant à décrire les éléments du décor, des personnages au matériel, en passant par les monstres, armes, phénomènes et autres techniques, connaissances et difficultés rencontrées par les joueurs.

Bien que très importants à la résolution d'évènements, les mécanismes de description interviennent toutefois de façon passive, soit avant, pour évaluer les possibilités des personnages, ou après, pour représenter les conséquences des actions sur les personnages. Ils sont souvent couplés à un système de développement qui agit souvent comme un jeu dans le jeu au niveau de la partie, bien que de façon plus diffuse et à plus long terme.

Notez que puisque les mécanismes de description déterminent souvent ce qui est possible de faire ou non, ils ont une grande influence sur l'atmosphère d'une partie. Leur analyse fera probablement l'objet d'un autre article.

Les mécanismes d'enjeux

Les mécanismes qui implémentent les enjeux dans le jeu de rôle sont souvent à mi-chemin des deux précédents. À la fois jeu dans le jeu et système descriptif, ils font correspondre à un état (ou un ensemble d'états) du personnage une condition victorieuse, de même pour un état antagoniste au précédent une condition d'échec. Très souvent la condition d'échec constitue une mise hors-jeux temporaire ou permanente du personnage, alors que la condition victorieuse est l'atteinte d'un objectif important dans l'évolution du personnage ou de l'univers du jeu.

Bien que les mécanismes d'enjeux empruntent aux deux mécanismes précédent, leur importance dans le jeu est suffisante pour les mettre à part. Ces mécanismes indiquent avec insistance les attentes du système vis à vis des actions des personnages. Pour qu'un système fonctionne bien, il faut bien entendu que ses attentes soient les mêmes que celles de l'univers du jeu et du scénario. Sinon, vous risquez fort de rencontrer une certaine résistance à établir une atmosphère cohérente avec vos objectifs.

Le modèle DRI

Qu'est-ce que le DRI signifie? DRI est l'abréviation pour Définition, Résolution et Interprétation, les trois étapes d'un mécanisme de résolution. Le point de vue du DRI sur la résolution d'évènements en fait un proche parent du flot de jeu de Hunter Logan, et peut être considéré comme un élément central de tout jeu de rôle, qu'importe à quel point ce dernier est libre ou léger en terme de règles. Toutefois, bien que ce modèle prend en compte l'aspect narratif du jeu de rôle, il ne l'explore pas aussi profondément qu'il pourrait. Ce faisant, il néglige une partie importante du jeu de rôle qui joue un grand rôle dans l'immersion du joueur. Mais le sujet de l'article tourne plus autour de l'aspect interactif des éléments de narration, ainsi qu'autour du processus de décision lui-même.

Le DRI cherche donc à modéliser les processus de résolution d'évènements en jeu de rôle. Le modèle identifie trois parties importantes d'une résolution: la description des évènements (Définition), les protocoles de résolution eux-mêmes (Résolution), et finalement leur interprétation (Interprétation). Chacun arrive un à la suite de l'autre, dans cet ordre, et chaque jeu mettra plus ou moins d'emphase sur une de ces étapes, en mettant plus de détails ou de temps à l'un qu'à l'autre, et accordant plus ou moins de contrôle aux intervenants (joueurs, MJ, règles, hasard) dans chacune des parties. Le DRI met l'emphase sur les éléments les plus importants à prendre en compte à chacune de ces étapes et d'établir une priorité sur le processus décisionnel. Ce faisant, il éclaire sur des options qui ne paraissent pas évidente aux premiers abords. Commençons toutefois par définir chacun des éléments du DRI avant d'aller plus loin.

Définition

La définition de l'évènement a pour but de définir la situation de jeu actuel sur trois niveaux: interpersonnel, narratif et mondains. Le premier a trait aux attentes des joueurs vis à vis de la partie, le deuxième au moment narratif de l'histoire et le dernier s'intéresse à la situation de jeu. Trop souvent, seul le dernier est tenu en compte en jeu de rôle. Le second est discuté dans quelques jeux de rôle, et le premier niveau n'est pris en compte implicitement que par certains maîtres de jeu, généralement ceux qui vous livrent des parties mémorables, souvent fort inconsciemment.

Résolution

La prochaine étape consiste à déterminer la mécanique de résolution a utilisé. Le mécanisme peut invoquer un certain nombre de jets de dés, la consultation de table, la dépense de points quelconque, un vote de la part des joueurs, une description détaillée, etc. Le principe, c'est d'obtenir à la fin un résultat qui permettra de déterminer quelle issue a fini par subvenir. Dans ce modèle, les mécanismes sont vues de façon plus abstraite que dans la plupart des jeux. On distinguera quels sont les éléments des mécanismes qui influencent la narration afin de déterminer lesquels se prêtent le mieux à la situation narrative décrite précédemment et on la résoudra en impliquant les éléments mondains trouvés précédemment.

Interprétation

Finalement, si les mécanismes de résolution permettent de déterminer un résultat, le MJ et les joueurs doivent encore interpréter ces résultats. L'interprétation va plus loin que simplement décrire ce qui est arrivé. Elle dit aussi comment cela est arrivé et donne sa validité au processus de résolution par une description de ce qui s'est passé auparavant. C'est pourquoi la mécanique de résolution et les éléments impliqués dans celle-ci doit se retrouver dans la narration finale. On obtient alors une meilleure cohérence entre les mécaniques du jeu et l'histoire qui viennent se supporter l'un l'autre plutôt que se nuire.

Définir les évènements

Comme il fût dit précédemment, le but de cette étape est surtout de définir nos attentes vis à vis ce qu'on désire qu'il puisse se produire à ce moment de la partie. On ne devrait pas s'attarder ici à définir exactement tous les éléments qui peuvent tenu en compte, il y en a trop. Le modèle tente plutôt de mettre en relief différentes catégories d'éléments et leur importance dans la résolution de l'action. Une hiérarchie s'imposera dont l'importance est cruciale, à mon avis, pour bien apprécier les parties.

Éléments interpersonnels

Le premier niveau de la hiérarchie, le plus important à mon avis, sont les éléments para-ludiques, la raison même pour laquelle le groupe se réunit. On le comprend tous, si on joue, c'est pour s'amuser. Mais chaque groupe, et chaque joueur dans un groupe, a des attentes différentes différentes. Il faut tenir compte de cette dimension dès le départ de la résolution d'action pour savoir si on ne fait pas déjà fausse route. Est-ce que votre groupe est intéressé à passer du temps à résoudre ce type d'action? Non? Alors passer immédiatement à autre chose. Est-ce que vos joueurs ont passé assez de temps à l'accomplissement du scénario? Ne leur faites pas le coup du mauvais jet de dés qui leur retire à tout jamais l'accès à leur but ultime (sauf, bien sûr, si vous avez prévu un quelconque rebondissement plus intéressant pour eux). Bref, assurez-vous que vous travaillez pour le plaisir de tout le monde et non simplement pour faire fonctionner la mécanique du jeu.

Éléments narratifs

Le deuxième niveau de la hiérarchie sont les éléments narratifs, ou méta-ludiques. Ils sont déterminés par le genre de l'aventure et par le moment du récit dans lequel se trouvent les personnages. Ces éléments servent principalement à déterminer l'importance de la scène et l'effet que l'on veut accomplir à travers cette résolution d'action.

Les éléments narratifs sont importants pour créer l'intérêt à votre partie et éviter de tomber dans des dédales inappropriés où votre partie risque de s'enliser. Ils font aussi toute la différence entre une partie dont on se souvient et une autre qui ne laisse qu'un vague souvenir.

Éléments mondains

Finalement, le dernier niveau est occupé par les éléments mondains, soit ceux qui déterminent les circonstances de l'action dans l'univers des personnages. Ces éléments constituent la base de ce qui existe pour les personnages, de ce qu'ils peuvent utiliser. Cela vaut autant pour les lieux, le temps (à quel moment et combien de temps leur reste-t-il), les acteurs pouvant influencer l'action, les outils, les obstacles, les connaissances, les intentions, l'état d'esprit de chacun et tout autre facteur.

La détermination des éléments mondains est importante pour préserver la Suspension Volontaire d'Incrédulité (SVI). Il est important, avant la résolution d'une action, que tout le monde s'entende sur ces derniers car sinon, le risque de décrocher survient et avec lui l'intérêt de vos joueurs. Toutefois, il ne faut pas non plus tomber dans le piège du détail à outrance. Assurez-vous que chacun des éléments que vous prenez en compte aura sa place dans la description narrative des résultats. Si vous pensez que la citation d'un élément serait superflu lorsque viendra le temps de décrire les résultats, il l'est probablement aussi à ce niveau. Particulièrement, dans les systèmes avec un mécanisme de génération aléatoire, la majorité des petits détails peuvent être pris en compte par le jet de dés et leur mention reporter lors du jet de dés, comme nous le verrons dans la section intitulée « Résolution ».

Utilisation de la hiérarchie

Comment utilise-t-on maintenant cette hiérarchie? Commencez toujours par l'échelon le plus important, les éléments interpersonnels. Demandez-vous "Qu'est-ce qu'il y a d'amusant ou d'intéressant dans la situation actuelle?" Si vous ne trouvez rien, changer tout de suite votre récit. Vous n'êtes quand même pas là pour vous ennuyer. Sinon, vous aurez déjà abandonner bon nombre d'options inintéressantes qui auraient ralenti le jeu sans rien apporter; conservez donc en tête ces éléments pour la suite.

Demandez-vous ensuite quelle importance la scène actuelle a, et quelle ambiance, quel effet désirez-vous créer pour cette scène? Il se pourrait que vous ne trouviez pas la scène très importante dans le récit actuel, ou qu'au contraire, chaque détail comptera et que la suite du récit dépendra beaucoup de l'issue de la situation. Le choix sera très important pour la suite car il déterminera le temps et l'effort que vous devriez consacrer pour le reste de la résolution. Il interviendra à nouveau plus tard, lors du choix du mode de résolution et de l'interprétation des résultats.

Finalement, vous pouvez déterminez les éléments mondains. Énoncez-les haut et fort et demandez à vos joueurs de faire de même en ce qui concerne leurs personnages. Assurez-vous d'avoir bien compris les intentions de chacun. La quantité de détails à donner toutefois dépendra de l'importance de la scène donnée précédemment. Ne forcer pas les joueurs à donner une série de détails inutiles si vous ne comptez pas vous en servir ou s'ils s'avèrent sans importance. À la fin, vous vous apercevrez que plusieurs détails restent ouverts. C'est correct et cela sera pris en compte dans la résolution d'action et dans l'interprétation.

Résolution

Il est maintenant temps de définir quel mécanisme de résolution utiliser. Dans la majorité des jeux de rôle, les règles ne prendront en compte qu'un seul élément, soit la nature de l'action tentée (attaquer? rechercher un objet caché? etc.). Cette méthode ne s'adresse qu'au dernier niveau de notre hiérarchie. Le premier niveau est légèrement trop abstrait: s'il permet de savoir si la résolution vaut la peine ou non, il ne permet pas de déterminer quel type de résolution il serait préférable d'utiliser (en supposant qu'il y ait plusieurs types de résolution amusante dans votre système). On s'adressera donc au deuxième niveau, les éléments narratifs, et on verra comment cela affecte nos choix des éléments mondains retenus. Mais avant de s'aventurer plus loin, regardons les paramètres qui affecteront le choix d'un système de résolution pour la situation.

La temps de résolution

Le temps de résolution est un facteur qui indique en moyenne combien de temps de jeu une action va prendre pour être résolue. Une mesure pratique est le nombre d'échanges (jets de dés, déclarations, chifoumi, etc.) nécessaires pour arriver aux résultats[13]. Certains mécanismes permettent au joueur de savoir directement s'il a échoué. D'autres demandent une réponse du MJ ou d'un autre joueur. D'autres sont ouverts, c'est à dire que le joueur doit échanger continuellement tant que l'issue n'est pas éclairci.

Il est important de noter qu'il n'est pas nécessaire que le temps de jeu corresponde au temps passé pour les personnages. En fait, c'est plutôt le contraire qui se produit généralement.

Le nombre et la nature des protagonistes

Les protagonistes peuvent être des personnages ou des objets, des évènements, et ils peuvent être passifs ou actifs. Par actif, j'entends que le joueur contrôlant le protagoniste actif sera souvent celui qui lance les dés ou fait les déclarations, alors que le protagoniste passif ne fera que présenter une résistance passive à la résolution (ses caractéristiques serviront à déterminer le niveau de difficulté par exemple). Par exemple, dans de nombreux jeux de rôle, un personnage touché par une explosion sera un protagoniste passif. Sa résistance servira par exemple de difficulté pour l'explosion, qui sera le protagoniste actif (le MJ lançant les dés).

Contrairement à ce que beaucoup de jeux de rôle laissent entendre, ce n'est pas le nombre d'adversaires qui détermine nécessairement le nombre de protagonistes. Il est possible de considérer l'action "Battre 3 soldats aux corps à corps" comme une action simple de difficulté élevée. L'inverse est aussi possible, jusqu'à une certaine limite. Par exemple, il est possible de transformer un simple jet pour toucher en une opposition entre un jet pour toucher et un autre pour éviter, la plus grande réussite étant victorieuse, ou encore en un jet pour surprendre, un autre pour voir venir le coup, un autre pour réagir, toucher, éviter, encaisser les dommages, conserver son équilibre, contre-attaquer, etc. Comme dans toute chose toutefois, la modération a bien meilleur goût; assurez-vous donc que chaque jet en justifie la description narrative. Dans un jeu basé sur la matrice, avec des scènes au ralenti, une suite comme la dernière peut très bien être justifiée, mais dans un univers plus épique (Star Wars ou DragonLance par exemple), ce genre de détails est superflu et ralenti le jeu.

Ce qui vaut pour les adversaires vaut aussi pour les PJs. Ainsi, si le groupe en entier fouille une pièce, un seul jet, qui tiendra compte du nombre de personnages et des habilités de chacun, sera nécessaire pour déterminer s'ils trouvent de quoi. Vous pourrez ensuite déterminer qui a trouvé quoi par un nouveau jet aléatoire, si cela est important pour l'histoire.

Nature, qualité et nombre des résultats

Chaque mécanisme permet d'obtenir différents résultats. On les classera selon leur nature, leur qualité et leur nombre. La nature de chaque résultat est toujours en fonction du protagoniste actif et donc chaque protagoniste actif peut avoir un résultat différent si la mécanique le permet.

Qualité des résultats. Il existe trois types de résultats: La réussite, l'échec et le statuquo. Cela peut sembler trivial mais pourtant, nombre de jeux semblent l'oublier. La majorité des mécaniques ne propose généralement que deux types de résultats à la fois et la distinction entre statuquo et l'un des deux autres n'est souvent pas spécifié, laissée implicitement à la disgression du MJ. Pourtant, le jeu entre ces trois éléments est très importants.

Nature des résultats. En plus de leur qualité, les résultats peuvent être de types différents. On y retrouve les résultats normaux, différenciés, partiels et mixtes. Lorsqu'aucun résultat ne se distingue d'un autre sans changer de qualité, on parle de résultats normaux. Si des résultats de mêmes types sont distinguable entre eux, on parle de résultats différenciés. Si le résultat n'est pas concluant ou représente qu'une partie de la tâche en cours de résolution, on parle de résultat partiel. Finalement, si le résultat est d'un type mais inclut des effets d'un autre type, on parle de résultat mixte.

Exemple 1. Nature des résultats

Si le résultat est soit une réussite, soit un échec, c'est un résultat normal. Si le résultat peut inclure à la fois des réussites normales et critiques, on parle de résultats partiels. Si le résultat donne en fait un nombre de points de tâche qui doivent être accumulés pour accomplir la tâche, on parle de résultats partiels. Finalement, si le jet indique que le voleur a ouvert la porte mais a brisé la serrure en le faisant, on parle de résultats mixtes.

Nombre des résultats. Le nombre de résultats possibles est aussi important. Toutefois, on distinguera entre deux types de compte: celui du nombre de résultats de natures différentes, et celui du nombre de résultat possibles.

Le nombre de résultats de types différents peuvent être de trois genres: Le résultat unique qui ne possède qu'un seul type, le résultat binaires, qui n'en contient que deux, et le résultat ternaire qui contient les trois types. Lorsqu'un résultat unique est de type normal, on parle de résultat automatique. Lorsqu'un résultat binaire contient le type du StatuQuo, on parle de résultat booléen, sinon on parle de résultat bi-polaire.

Ensuite, on peut considéré deux cas pour le nombre total de résultats: ils peuvent être bornés, c'est à dire avec un nombre donné de résultats possibles, ou ouverts, c'est à dire que le nombre de résultats possible est infinis. Dans ce dernier cas, on peut faire trois distinctions: les résultats peuvent être ouverts positifs (le résultat est uniquement ouvert pour la réussite), ouvert négatif (le résultat est ouvert pour les échecs), ou illimité (le résultat est ouvert dans les deux cotés). Le statuquo n'est pas inclus dans ces résultats.

Le choix des résultat influence beaucoup le flot du récit et l'impression de contrôle et de risque des joueurs sur leurs personnages. Le StatuQuo ainsi amène presque automatiquement une impression de blocage, qui peut être intéressante pour créer un suspense ou élever la tension. Il faut toutefois y faire gare car il ralenti le flot du récit. L'absence d'une possibilité d'Échec donne aussi l'occasion au personnage de se répéter indéfiniment si la situation initiale ne change pas.

Résultats et mécaniques

Mécanismes ouverts. Tous les résultats sont bornés par définition; il n'existe qu'un nombre fini de résultats significatifs intéressants. Toutefois, certaines mécaniques permettent, théoriquement, un nombre infine de résultats. On en distingue trois sous-types différents, soit les mécanismes ouverts par le bas, par le haut, ou illimité (ouvert des deux cotés). Du point de vue divertissement, les mécanismes ouverts recoupent au final un des résultats précédents mais offrent une impression que tout est possible pour le protagoniste actif, ce qui peut être fort intéressant pour créer une bonne ambiance. Préparez-vous seulement à justifier des résultats incroyables avec cette approche.

Il est souvent possible de transformer un mécanisme d'un ordre supérieur (les derniers cités, à l'exception des mécaniques critiques) en mécanisme d'un ordre inférieur (les premiers cités) simplement en regroupant les résultats entre eux. C'est ce que font la plupart des jeux de rôle. Il faut toutefois faire attention. Certains systèmes qui sont binaires ou trinaires ont l'air de systèmes ouverts. Toutefois, la marge de réussite obtenue ne fait aucun sens car non bornée ou encore délimité par des paramètres hors de l'histoire. Par exemple, certaines mécaniques demandent plusieurs échangent jusqu'à une certaine condition de réussite ou d'échec survienne. Très souvent, alors, la marge de réussite est le minimum nécessaire. Une telle mécanique est donc, au plus, trinaire, voire inférieure.

À d'autres moments, la marge de réussite obtenue est inutilisable pour l'interprétation car sans lien avec les descripteurs du système. C'est souvent le cas pour les mécaniques ouvertes, c'est à dire celles qui contiennent. Par exemple, dans les jets ouverts des Arpèges, la marge de réussite est inutilisable. Elle ne peut être que comparée à une autre marge de réussite, voire à une difficulté. Toutefois, la difficulté elle, peut être utilisé directement, car bornée et en relation avec les descripteurs du système.

L'analyse complète d'une mécanique doit se faire dans un cadre plus global et c'est pourquoi je m'abstiendrai de donner des exemples précis de mécanismes de chaque type. Toutefois, des exemples de situations appelant l'usage de chacun des type de mécanismes.

Exemple 2. Situations à pluralités des issues

Le mécanisme automatique

Lorsque toutes les autres issues obstruent le développement de l'histoire, l'appel à un mécanisme automatique est fait. Par exemple, la découverte d'un cadavre devant mener les personnages vers la suite de l'aventure se fera automatiquement, sans qu'aucune mécanique n'intervienne. Sinon, le scénario ne fait aucun sens.

Le mécanisme booléen

Lorsque se présente dans l'histoire une situation où il existe une possibilité que l'histoire dévie de son cours normal, on a affaire à une situation booléenne. Par exemple, sur la place publique, les personnages peuvent se faire remarquer par les agents de sécurité de la ville, ce qui risquerait de leur apporter des ennuis par la suite (si vous ne savez pas pourquoi, vos joueurs, eux, le savent). S'ils ne se font pas remarquer, l'histoire continue de façon normale.

Le mécanisme binaire

L'histoire arrive à un embranchement où elle peut aller dans deux directions sans qu'il soit possible d'opter pour l'une d'entre elle par défaut. Les situations binaires appellent souvent à une confrontation entre deux parties et sont souvent imposées par le MJ, afin de forcer une issue à se résoudre.

Par exemple, un personnage se fait interroger par des enquêteurs. Soit le personnage parvient à convaincre les enquêteurs de son innocence et que ces derniers le libèrent, soit il n'y parvient et le personnage devient un suspect important.

Le mécanisme trinaire

Ici, un nouvel embranchement se présente entre deux possibilités, mais la résolution finale peut être reportée à plus tard. Ce mécanisme a l'avantage d'offrir une sortie à une situation qui pourrait s'avérer désavantageuse pour les PJ.

Le mécanisme ouvert borné

Le mécanisme ouvert borné présente une certaine variété de résultats mais qui restent limités en nombre. Par définition, tous les mécanismes précédents rentrent dans cette catégorie, mais cette dernière inclut aussi les mécanismes possédant plus de 3 résultats possibles (c'est le cas de la majorité des systèmes utilisant des marges de réussite ou d'échec).

Les mécanismes ouverts

Les mécanismes ouverts (non-bornés) permettent un nombre illimité de résultats. On en distingue trois sous-types différents, soit les mécanismes ouverts par le bas, par le haut, ou illimité (ouvert des deux cotés). Du point de vue narratif, le mécanisme ouvert non-borné diffèrent peu de celui borné; seulement, les bornes seront déterminées plus tard, lors de l'interprétation des résultats par souci de préserver la SVI. Toutefois, du point de vue divertissement, les mécanismes non-bornés offrent une impression que tout est possible pour le protagoniste actif, ce qui peut être fort intéressant pour créer une bonne ambiance. Préparez-vous seulement à justifier des résultats incroyables avec cette approche.

Les mécanismes critiques

Les mécanismes critiques présentent une variation sur les systèmes précédents. Ils ont un certain nombre (entre un et trois) d'états qui sont considérés comme étant exceptionnels. Cet état peut être positif (réussite critique), négatif (maladresse critique) ou neutre (aussi nommé sur un fil)[14]. Les mécanismes critiques peuvent apparaître dans n'importe quel des types précédents, mais on les retrouve généralement que dans l'un des types ouverts (borné ou non). C'est donc plus un attribut supplémentaire qu'un type à part. Les mécanismes critiques ne devraient jamais être utilisés systématiquement, mais uniquement pour les scènes importantes où la possibilité de changer l'histoire est grande.

Hasard et nombre de résultats

Il n'est pas nécessaire qu'une mécanique possède un générateur aléatoire (dés ou cartes par exemple) pour avoir de nombreux résultats. Un système de points à distribuer, de décompte de points ou de votes peut aussi faire l'affaire. Toutefois, la présence d'un mécanisme aléatoire impose automatiquement une limite sur le nombre de choix possibles, ainsi que la probabilité qu'une issue survienne. Cette probabilité devrait être proportionnelle à l'intérêt pour chaque issue de subvenir à ce moment (encore une fois au niveau de l'histoire, et non au niveau des personnages). Ainsi, on peut créer un intérêt supplémentaire en rendant une issue importante plus difficile à obtenir maintenant, mais uniquement s'il existe un moyen pour les personnages d'augmenter (ou de contrer, si l'issue est négative) les chances de réussite de cette issue par la suite. Dans tous les cas, une évolution doit exister afin que l'aventure ne se transforme pas en une suite répétitive de la même situation dont l'issue serait entièrement livrée au hasard (ce qui est souvent le cas avec les systèmes de combat où chaque assaut n'est qu'un coup porté qui portera ou non). Il faudra faire particulièrement attention aux mécanismes possédant un statu quo pour éviter une telle situation. Rappelez-vous que la répétition d'un même jet plusieurs fois entraîne nécessairement sa réussite ou son échec après un certain nombre de coups. Si ce temps est sans importance, accordez la réussite (ou l'échec) automatiquement. S'il a De l'importance, utilisez un mécanisme ouvert pour déterminer en un seul jet le temps nécessaire pour atteindre la possibilité intéressante, à moins que chaque tentative mérite sa description (ne serait-ce pour créer un suspense). Encore une fois, la réponse définitive se trouve dans l'effet narratif que vous désirez obtenir plutôt que dans la nature même de l'action tentée.

Les combinaisons

Certains mécanismes de résolution permettent de résoudre plusieurs situations simultanément. Ces mécanismes permettent de prendre en compte certains aspects du lien reliant les situations.

Dépendances

Les situations sont ou non indépendantes, c'est à dire que la réussite de l'une d'elle influencera ou non celles des autres.

Ordonnancement

Les actions surviennent dans un ordre donné. Ce type de combinaison est souvent dépendant.

Priorisées

Certaines actions peuvent être priorisées sur d'autres. C'est le cas des systèmes qui permettent au joueur de distribuer un certain nombre de points sur chaque action. Parfois, un système imposera que la priorité soit liée à l'ordre des actions. C'est le cas des systèmes qui imposent un malus cumulatif sur les actions suivantes.

Planification

Les actions ont été planifiées en avance. Ces systèmes ont un intérêt surtout ludique mais prennent souvent en compte l'impulsivité et la stratégie, des traits de personnage souvent fort intéressants d'un point de vue narratif.

Interruption et Imprévus

Certains mécanismes permettent de changer ses intentions en cours de route, d'interrompre une action entreprise, ou encore d'entreprendre une nouvelle action. Ce type de système sont souvent aussi planifiés, ordonnées, ou encore priorisés.

Composition

La composition est lorsque les résultats d'une résolution vient affecter directement la probabilité de la suivante. Les résolutions de ce type peuvent être indépendantes si un résultat négatif n'empêche pas l'action suivante d'être tentée. Les compositions se font très souvent avec des mécanismes possédant des marges de réussite (fermé ou ouvert) et peuvent être liées à une réussite critique. L'ordonnancement et la planification accompagne souvent la composition.

Je rappelle qu'il est ici question des mécanismes de résolution, et non pas de la situation elle-même. Rare sont les systèmes qui implémentent toutes ces possibilités. Toutefois, si les mécanismes le permettent, le MJ pourra en tenir compte comme d'un nouvel outil dans son coffre qui permet de lier les résolutions complexes de façon plus intéressantes.

Intégration des éléments mondains

La dernière étape de la résolution consiste à intégrer les éléments mondains avec la mécanique de résolution. L'intégration dépend beaucoup des mécaniques eux-mêmes ainsi que du système descriptif du jeu. Pour faciliter cette intégration, il est bien que tous les éléments descriptifs du jeu soient sous la même échelle de résolution, ou que chacun puisse intervenir peu importe la mécanique utilisée. Il est important que seuls les éléments cités précédemment dans la définition des éléments mondains soient utilisés.

Si la mécanique choisie utilise un système de génération aléatoire, il est important que certains éléments soient associés à ce hasard pour l'expliquer. Ce seront souvent des éléments vagues, qui ont une influence individuelle faible ou incertaine mais qui pourront prendre une place importante lors de l'interprétation des résultats. Ils peuvent ou non faire partie des éléments mondains cités précédemment mais, règle générale, le hasard représente habituellement lors de l'interprétation tout ce que le MJ et les joueurs n'ont pas désiré prendre en compte lors de la résolution de la situation. Si aucun élément de ce type n'intervient, revenez en arrière et sélectionner un mécanisme sans aléatoire. Sinon, vous risquez d'avoir de la difficulté lors de l'interprétation des résultats.

Narration, simulation et système de résolution

Un point de vue important du modèle est que je considère l'approche simulationniste comme n'ayant pas lieu d'être en jeu de rôle; elle n'y a simplement pas sa place. Toutefois, cela ne veut pas dire que le jeu de rôle ne doit tenter de répondre aux attentes des joueurs, incluant une certaine vraisemblance. On pourrait ainsi dire qu'un système de jeu de rôle, implanté dans un décor défini, doit être aussi vraisemblable qu'un décor de cinéma pour le spectateur. Tant que la vraisemblance est conservée, le système tient son rôle.

Toutefois, la métaphore avec le cinéma n'est peut-être pas la plus adéquate. Le jeu de rôle est avant tout un jeu littéraire si l'on peut dire ainsi. La vraisemblance passe par le descriptif, par les mots bien plus que par tout autre aspect. À ce niveau, un système de résolution doit produire non pas un modèle de ce qui survient mais agir plutôt comme générateur de description[15]. Le choix d'un système de résolution dépend donc du style que nous désirons mettre à la scène. Une scène sans importance, demandant une description courte, devra utiliser un mécanisme de résolution en conséquence: temps de résolution faible (généralement, pour chaque échange, on devrait avoir un descriptif), nombre de protagonistes actifs limitées (le sujet de la description sera souvent le groupe plutôt que chaque personnage individuellement), avec des résultats souvent peu nombreux (on dira qu'ils ont réussis ou échoués, sans trop préciser comment ou à quel point). À l'inverse, une scène plus importante, et donc décrite plus en détails, pourra utiliser des mécanismes plus complexes, avec plusieurs protagonistes, un temps de résolution plus long, et plus de subtilités dans les résultats possibles.

L'effet des combinaisons sur la narration est plus subtil et demanderait une section à lui seul pour être vu dans tous ces détails. Les différentes combinaisons correspondent à autant de façon de relier les propositions (c'est à dire chacune des résolutions effectuées) entre elles. Elles agissent comme des conjonctions dans la grammaire. Par exemple, une combinaison de résolutions dépendantes agira comme une conjonction de subordination. Dans la langue, la conjonction est utilisée pour exprimer des liens de subordination (de cause, de conséquence, de comparaison ou de temps principalement) ou de coordination (de liaison, de cause ou de conséquence principalement). Leur présence apporte donc une information supplémentaire sur la séquence des évènements, permet de les lier entre eux et surtout, rôle important dans les œuvres de fictions, modifie le rythme de la narration. On fera donc attention à leur usage.

Parler ainsi en terme de conjonction semble très abstrait et difficile. Mais l'usage de conjonction est naturel pour toute personne parlant une langue. Généralement, vous n'avez pas à y réfléchir, elle vient naturellement. Ne forcez donc pas leur usage mais allez-y parcimonieusement, lorsque cela vous semble évident qu'une combinaison doit avoir lieu. Et lors de l'interprétation, servez-vous en pour structurer votre description de ce qui s'est passé.

Drame, Karma et Fortune

Un modèle populaire pour classifier les systèmes de résolution est celui proposé par Jonathan Tweet, dans Everway, la hiérarchie DKF[16]. La hiérarchie DKF classifie les systèmes de résolution selon la place que tient les mécaniques et le hasard dans le processus décisionnel. La première catégorie laisse entièrement le contrôle aux joueurs et donc à l'histoire. Les mécanismes de ce type ce regroupe dans la catégorie Drame (Drama dans la version originale). La deuxième catégorie apparaît quand les choix narratifs sont limités par certains mécanismes déterministes, que ce soit une caractéristique du personnage ou un système de points quelconque. Ces mécanismes agissent comme une sorte de karma pour le personnage et c'est pourquoi cette catégorie porte ce nom. Finalement, la dernière catégorie est lorsque un élément aléatoire intervient dans le processus. Cette catégorie s'appelle alors la Fortune, puisque la narration s'oriente selon la bonne fortune du personnage. Il est à noter que c'est une hiérarchie et non pas une composition. Un mécanisme qui possède une partie aléatoire est dans la catégorie Fortune, même s'il possède aussi une partie karmique et, bien entendu, une interprétation narrative.

La hiérarchie DKF a été mise en place pour indiquer la subordination graduelle de la narration a des mécanismes de plus en plus abstraits, supposant une perte de contrôle sur l'histoire. Le modèle développé ici n'en tient compte que partiellement. L'idée est que la mécanique et l'aléatoire ne sont que des aides à la narration, des outils, et donc soumis à l'usage qu'en fait les joueurs. Un des objectifs de ce modèle est donc de redonner le contrôle narratif aux joueurs sans pour autant abandonner ces outils fort utiles, principalement en apprenant à identifier leur effet sur la narration. Trop souvent ai-je vu le système blâmé pour une mauvaise partie alors, qu'en fait, il avait tout simplement été mal utilisé pour créer un effet pour lequel il n'avait pas été prévu.

Interprétation

Une fois les éléments définis, le système de résolution et les résultats obtenus, le travail d'interprétation survient. Traditionnellement, ce travail a été considéré comme difficile: le MJ doit donner à des résultats souvent abstraits une interprétation cohérente et intéressante, sensée relancer l'histoire et garder les joueurs dans l'atmosphère voulue. Avec le travail fait précédemment, cela ne devrait être plus qu'une question de formalité: ne s'est-on pas assuré dès le départ que seules les options intéressantes étaient conservées, que seuls les éléments importants étaient pris en compte, et que les échanges (la résolution elle-même) étaient un reflet de ce que devait donner la narration? Avec ça, il ne reste plus vraiment d'excuse pour le MJ pour rendre compte d'un résultat sans intérêt ou expliquer, voire ignorer, des résultats incohérents.

Ceci dit, afin de maximiser l'effet du système sur l'histoire et l'atmosphère, quelques principes, conséquences des choix précédents, devraient être respectés. Par exemple, ne laissait pas un chiffre sans explication. Que ce soit un jet de dés, une difficulté, une statistique, ces chiffres doivent être reflétés dans l'histoire. Ensuite, assurez-vous que les résultats donnent des changements concrets à l'histoire. Les risques pris doivent être réels pour les personnages, tout comme leur victoire, vous devriez vous en être déjà assuré dès le départ, lors de la définition des situations intéressantes. Lancer les dés simplement pour lancer des dés rend le jeu mécanique et terne. Un système ne devrait pas servir à simplement faire du bruit et distraire les joueurs de l'histoire mais plutôt les aider à s'absorber davantage dans celle-ci. Cela est particulièrement vrai si vous utilisez des résultats critiques. Ceux-ci arrivent rarement et devrait donner des résultats à long terme, que les joueurs se rappelleront. Ainsi, une réussite critique devrait éliminer un obstacle dans les épreuves du personnage, ou lui apporter un gain durable. De même, un échec critique devrait amener un obstacle supplémentaire que les joueurs ne pourront contourner aisément pour atteindre leur objectif. Finalement, à moins que vous désiriez en finir, assurez-vous que votre interprétation ne nuit au plaisir d'aucun joueur et ne l'empêche pas de jouer. Un échec, même critique, ne devrait pas amener la fin de la partie, sauf si cela est votre objectif commun.

Contrôle du flot dans le DRI

Cette section aborde rapidement le contrôle des évènements dans le DRI. Le contrôle des évènements de jeu peut être vu sous deux dimensions: qui possède le contrôle et lors de quelle partie de la résolution. La théorie actuelle du jeu de rôle possède deux modèles pour cela: Le modèle de Fortune, décrit à travers les acronymes FaF, le FaM et FaD, qui représente quand les joueurs contrôle le jeu, et la Balance du Pouvoir (BdP), qui est plus concerné par l'équilibre décisionnel et son transfert entre les joueurs, le MJ et les règles.

Le DRI fournit un modèle basé sur celui de Fortune, et donc est plus concerné par le quand que par le qui. Bien que je considère que l'issue est importante, c'est juste que le modèle actuel n'apporte pas une analyse poussée de la situation. Nous pouvons tous voir qui possède le contrôle à un moment donné, mais c'est moins clair de voir comment l'équilibre lui-même est affecté. Je laisse donc cela au modèle de monsieur Logan.

Le modèle de Fortune original incluait trois modes différents: FaF, FaD et FaM. FaF, pour Fortune-à-la-Fin, est le mode le plus populaire: une fois que les joueurs ont décrit leur intention et roulé les dés (ou tout autre mécanisme de résolution), ils regardent s'ils ont réussi. Ce modèle est l'un où les joueurs ont le moins de contrôle sur la destinée de leur personnage, puisque bien qu'ils puissent décider des intentions de leur personnage, ils ne peuvent rien faire pour orienter le jeu après un mauvais résultat, menant à la mort du personnage, etc.

La Fortune-au-Début (FaD) essaye de donner plus de contrôle sur les résultats d'une action. Étant donné un résultat, le joueur décide de comment la suite des évènements se déroulera. Ce mécanisme est surtout utiliser pour les jets d'initiative, bien que certains systèmes ont tenté de l'insérer dans leurs mécanismes de résolution général, par exemple en faisant piger des cartes aux joueurs et choisir leurs actions basées sur les cartes qu'ils ont en main. Le FaD donne plus de contrôle sur les résultats et donc sur l'histoire. Le FaD permet d'éviter ainsi les pires situations (du point de vue des joueurs et non des personnages) sans avoir besoin de nuancer les dés, bien que cela laisse moins de possibilités sur qu'est-ce que leurs personnages peuvent faire à un moment donné.

La Fortune-au-Milieu (FaM), vous le devinez, est un mélange entre les deux modes précédents. Les joueurs déterminent les intentions de leurs personnages, font appel au mécanisme de résolution et, en se basant sur les résultats, décrivent leurs actions. C'est ce modèle qui, théoriquement, donne le plus de contrôle narratif aux joueurs.

Dans la terminologie du DRI, les trois modes peuvent être décrits en utilisant une notation en capitalisation variable du DRI. L'usage d'une lettre majuscule signifie un contrôle du joueur pour cette partie de la résolution, alors qu'une lettre minuscule signifie que ce sont les règles qui déterminent cette partie de la résolution. Dans ces cas, le FaF s'écrirait Dri, le FaD serait drI, et le FaM s'écrirait DrI. On remarquera aisément qu'aucun des trois modèles ne contient la lettre R en majuscule. Il peut sembler évident que, lorsqu'on utilise un mécanisme de type Fortune, l'appel à un mécanisme de résolution donne automatiquement le contrôle aux règles. Sinon, le système est mieux décrit par des mécanismes de type Karma ou Dramatique, n'est-ce pas? Et bien, j'ai décidé de refuser cette conclusion: les joueurs peuvent aussi avoir le contrôle à cet endroit.

Habituellement, les joueurs ou le MJ laissent les règles décider de la mécanique de résolution pour chaque type d'action: utiliser ce type de jet de dés sous tel attribut pour le combat, ou rouler sous cet attribut tant de fois jusqu'à ce que vous obteniez tant de succès pour faire la recherche d'une potion. Un système de type dRi, quant à lui, offre aux joueurs le choix de la mécanique sur ce que la scène requiert, tels qu'expliqué dans la section intitulée « Résolution ». Utilisez un jet ouvert pour des actions cinématiques, utilisez un jet étendu (plusieurs échanges) pour plus de suspense, utilisez un jet simple ou automatique pour les issues moins importantes. Bref, basez votre choix du mécanisme de résolution sur des facteurs narratifs plutôt que sur la nature de l'action, puisque ce que vous voulez c'est une bonne histoire et une atmosphère appropriée et non une description objective des évènements.

Bien que cela semble un point de vue extrêmement narratif, une simulation crédible peut être obtenue de cette façon. Actuellement, les jeux de rôle n'utilisent généralement qu'un ou deux systèmes de résolution servant pour presque toutes leurs actions, et prétendent quand même à une approche simulationniste. Cette approche est bien plus souvent obtenue grâce à des paramètres finement choisies, des tables ou des attributs détaillés, ou d'autres éléments similaires, plutôt qu'à travers un mécanisme de résolution spécifique. Aussi, la plupart des mécanismes de résolution peuvent être modifiés pour donner approximativement la même probabilité de réussite ou d'échec, mais avec une atmosphère différente. Puisque seulement les probabilités, et non la façon dont elles sont résolues, compte pour déterminer si on a une bonne simulation en jeu de rôle, cette partie est intacte et donc un système narratif de simulation est un rêve possible[17].

Remerciements

J'aimerais bien remercier les membres du forum RPG Design de RPG.net, particulièrement Mason, HighlandGreen and Pat Sleeper, ainsi que ceux des groupes de jeuderôlogie et jdr-création pour leurs précieux commentaires lors de l'élaboration des idées de cet article. Les jeux de rôle The Pool© et particulièrement Universalis™ furent une source fort éclairante sur la façon dont un système de résolution fonctionne, et j'aimerais aussi remercier Ron Edward et Jonathan Tweet pour leur contribution à la jeuderôlogie en général.



[12] J'avais ici en tête aussi d'autres éléments, comme la gestion des ressources, les mécanismes méta-ludiques, etc. Toutefois, leur place est vague, comme pour les enjeux, rappelant parfois le jeu dans le jeu ou même une part du mécanisme de résolution. Je devrais m'y pencher davantage.

[13] Cette définition diffère de celle utilisée par Ron Edwards qui considère le temps en secondes pour résoudre une action, afin de considérer l'efficacité d'un mécanisme à se résoudre rapidement. Cette mesure doit être optimalement la plus petite possible. Si cela s'applique bel et bien pour un échange particulier, le nombre d'échanges, lui, peut varier pour créer l'ambiance souhaitée.

[14] À ma connaissance seul Marcel Super Blaireaux utilise ce type de réussite critique. C'est toutefois, à mon avis, génial comme idée.

[15] On parle bien ici uniquement du système de résolution. D'autres éléments comme le système descriptif ou de progression n'ont pas exactement le même objectif et agissent différemment. Bien qu'il faille en tenir compte lors de la conception d'un jeu de rôle, nous supposerons ici que le système de résolution s'intègre bien à ces autres mécanismes.

[16] La présentation de la hiérarchie qui est faite ici est basée sur les différents exposés de cette théorie qu'on peut retrouver sur le web, en particulier le travail de Ron Edwards. Il se pourrait que le texte original diffère de cette présentation mais je n'ai pas réussi à me le procurer.

[17] Ici, j'utilise le mot simulation comme il est souvent entendu en jeu de rôle, soit quelque chose de vraisemblable, ce qui revient à dire qu'un système doit être aussi réaliste qu'un décor de cinéma pour le spectateur. Nous sommes bien loin de la simulation scientifique qui elle vient plutôt tenter de prouver la fidélité d'un modèle donné à un évènement observé. Un tel système n'a pas grand chose à voir avec le jeu de rôle et, bien souvent, due à la nature imaginaire des univers dans lequel évolue les personnages, n'est pas du tout prévalant.

Analyse de systèmes de jeux

Fabien Niñoles

Historique des versions
Version 2.0:20 janvier, 2006

Revision du document pour consommation publique. Transformation vers le format DocBook, ajout des commentaires et inclusion dans les articles de jeuderôlogie.

Version 1.0:18 avril, 2003

Première version, en format openoffice, pour la Loge des Terres de l'Aube de la Confrérie de la Clef. Servira de base aux Clefs de l'Aube.

Résumé

Cet article présente un recueil de plusieurs petits systèmes inspirés de divers jeu de rôle ainsi qu'une courte analyse de leur conception et de leur usage suggéré. Il a été fait initialement pour présenter différentes alternatives dans le cadre de parties d'initiation au jeu de rôle, mais a été par la suite complété avec des systèmes plus complexes. Ce document est en perpétuelle évolution.


Présentation

Ceci petit recueil de systèmes regroupent une série de systèmes vite faits, s'inspirant ou non de jeux existant mais drôlement résumé au strict minimum. On y retrouve généralement que les éléments suivants:

  • Un système descriptif incluant caractéristiques et compétences.

  • Un système de santé.

  • Un système de dommage et de protection.

  • Un système de résolution.

Ces éléments sont considérés comme le minimum pour un système qui désire avant tout s'adresser à des joueurs débutants ou intermédiaires, particulièrement pour des groupes jouant peu souvent.

Systèmes à dés

Ces systèmes comportent tous une part de hasard effectué à l'aide d'un générateur aléatoire neutre, le plus commun étant les dés. Ce sont actuellement les systèmes les plus populaires sur le marché.

Système matriciel

Ce système présente des caractéristiques comme une matrice à deux dimensions ainsi qu'un système de résolution dit de limite supérieure. La santé est un compte à rebour ouvert. Il est directement inspiré des Arpèges pour les caractéristiques et la santé, et a servi de base à la création des Clefs de l'Aube.

Personnages

Tableau 1. Caractéristiques

MatricePuissanceRésistanceManoeuvrePrécision
CorpsForceEnduranceAgilitéDextérité
EspritMémoireConcentrationIntelligencePerception
ÂmeFoiMoralPersuasionEmpathie

Les caractéristiques vont de 1-10 chacune. On les additionne pour obtenir une caractéristique de 2-20.

Résolution

On lance 1d20 sous la stat. Il faut obtenir plus bas. La marge de succès est égale au résultat sur le dé. Exemple. Un personnage a Force à 15. Il tire un 12. C'est réussi et la marge de succès est 12. Un autre à 11 de Force. Il tire 12 lui aussi. Il échoue et sa marge d'échec est de 12-11 = 1.

Santé

Trois mesures: Fatigue, Mortalité et Folie. Débutent à zéro et augmentent.

Fatigue

à tous les 10 points de fatigue accumulés, jeter un jet sous Moral pour ne pas s'évanouir. Chaque 5 points retire 1 point d'Âme.

Mortalité

à tous les 10 points de mortalité accumulés, jeter un jet sous Endurance pour ne pas mourir. Chaque 5 points retire 1 point de Corps.

Folie

à tous les 10 points de folie accumulés, jeter un jet sous Concentration pour ne pas paniquer. La panique demeure tant qu'un jet de Foi n'est pas réussi. Chaque 5 points enlève 1 point d'Esprit.

Un point de mortalité enlève toujours un point de fatigue. Ce n'est pas le cas de la Folie.

Dommages

Les dégâts sont notés M+F: 1d6+1d6 donne 1d6 de mortalité et 2d6 pour la fatigue, 3+1d6 donne 3 de mortalité et 1d6+3 de fatigue. 1D6+3 donne 1d6 de mortalité et 1d6+3 points de fatigue.

Les dégâts mentaux sont indiqués par un seul chiffre. Par exemple, 1d6 donne 1d6 points de Folie.

Si on veut accélérer le système, on ne prend en compte que la fatigue pour les PNJ (une fois évanouis, les PJ les achèvent à chaque fois de toute façon).

Commentaires

Une matrice de caractéristique présente plusieurs effets qui dépendent de l'utilisation de la première rangée que l'on appellera le profil. Si le profil est statique, c'est à dire qu'il change peu dans la vie d'un personnage, il permet de colorer un personnage qui serait sinon stéréotypé.

Si le profil est dynamique, c'est à dire que vous forcer l'usager à utiliser différentes colonnes à chaque action tentée et que vous vous assurez, par un partage égale, que les colonnes progressent autant que les rangées, vous faites en sorte que le personnage évoluera de façon continue, et restera équilibré. C'est pourquoi la faiblesse de ce système est avec les décors mettant en scène des personnages caricaturaux, avec de grands points forts et de grands points faibles. La matrice forcera toujours un certain équilibre pour rendre le personnage jouable. Remarquez aussi qu'il est possible de ne tenir compte que de la première colonne pour jouer des caractéristiques pure. Il suffit pour cela de remplacer le d20 par un d10, de passer le champs de 1-10 vers 1-20, ou encore d'octroyer un bonus ds de 5 ou 6 points.

Au niveau du système de résolution, l'avantage du jet en limite supérieur est qu'il permet une lecture directe de la marge de réussite en cas de succès. On peut ensuite comparer cette marge de réussite à une difficulté, qui pourra ou non être décidée en avance. Cette difficulté devra être faible toutefois, car la moyenne des marges de réussite est de 5 seulement. Il faut aussi tenir en compte que le personnage n'aura jamais une marge de réussite supérieur à la somme de ces deux caractéristiques. C'est à la fois une bonne indication de ce qu'est capable d'accomplir le personnage et des difficultés raisonnables à donner. Par le fait même, le système est peu épique, les actions d'éclat n'étant possible qu'en ajoutant un système de jet critique (avec un dé critique par exemple, comme dans la section intitulée « Système à adverbes »).

Du coté de la santé, le système par décompte ouvert permet aux joueurs de n'être jamais tout à fait certain de quand la mort peut subvenir. Cela devra les entraîner à être plus prudent mais l'expérience semble montrer que la plupart des joueurs surestime toujours leur chance aux dés. Une chose est certaine, ce type de système permet d'éviter la gestion systématique des points de vue en terme de nombre de coups d'épées, etc.

La présence de trois décompte différents, affectant chacune des trois rangées, permet de porter l'accent sur plus d'un aspect des activités des personnages. Contrairement à certains systèmes, les risques ne proviennent plus du seul domaine du physique et les confrontations intellectuelles peuvent devenir tout aussi intéressantes.

Système à traits

Ce système est directement inspiré de celui utilisé dans la série des Mind Eye's Theater™, le système grandeur nature de White Wolf™.

Caractéristiques

Trois types de traits: Physiques, Mentaux, Sociaux.

Traits positifs:

Physique. Fort, Rapide, Agile, Habile, Endurant, Résistant, Robuste, Vigoureux

Mental. Attentif, Intelligent, Savant, Patient, Astucieux, Concentré, Calme, Créatif, Intuitif, Sage

Social. Séduisant, Diplomate, Amical, Expressif, Persuasif, Éloquent, Élégant, Digne, Vénérable

Traits négatifs:

Physique. Maladroit, Faible, Lent, Paresseux, Maladif, Vieux

Mental. Idiot, Stupide, Impatient, Nerveux, Distrait

Social. Bestial, Répugnant, Froid, Naïf, Timide, Ennuyant, Impudent, Soumis

Trois catégories: Primaire (7 traits), Secondaire (5 traits) et Tertiaire (3 traits). On peut prendre un trait négatif contre un trait positif dans la même catégorie. Il est possible de prendre plusieurs fois le même trait.

Remarquez que pour les mooks (PNJ non-importants), il est plus pratique (et plus juste) de ne prendre que les chiffres 7, 5 et 3, avec juste peut-être un ou deux traits de spécifier, pour la forme. De toute façon, les mooks ne misent pas de traits (cf. la section intitulée « Résolution »).

Résolution

Jetez un d10 sous une catégorie. Il faut faire le nombre de traits ou moins pour réussir (un trait négatif annule un trait positif). Si le personnage possède un trait positif qu'il veut utiliser, donne un bonus de +1. Si le personnage possède un trait négatif relié à la catégorie, le joueur peut décider de se retirer un point. Le MJ peut forcer le joueur à miser un trait (positif ou négatif) s'il considère que la situation l'exige. Un échec avec un trait positif de miser annule ce trait (y compris sur le total) jusqu'au prochain acte du scénario. Une réussite avec un trait négatif de miser annule aussi ce trait (le personnage prenant confiance sur lui) pour le même temps.

Santé

Chaque PJ possède la table suivante:


Écorché:    ooooo ooooo ooooo
            ooooo ooooo ooooo
Blessé:     ooooo ooooo ooooo
Incapacité: ooooo ooooo
Agonisant:  ooooo

Dépendant de son physique le joueur reçoit le nombre de points suivants par segment:

  • Primaire (7 traits): 4 cercles.

  • Secondaire (5 traits): 3 cercles.

  • Tertiaire (3 traits): 2 cercles.

S'il possède Endurant et/ou Vigoureux, il ajoute un cercle (pas plus). S'il possède Faible et/ou Vieux, il enlève un point (pas plus). Les points diminuent dans l'ordre et les états Blessé, Incapacité et Agonisant compte comme des traits négatifs généraux. La guérison se fait un segment à la fois.

Dommages

XdY+Z. On retire directement ce nombre de points.

Commentaires

Ce système est plus simple que celui de MET, l'utilisation du jet de dés accélérant beaucoup les choses, et le fait que la plupart des traits sont équipotents évitant des optimisations indésirables et laissant plus de place à la variété et la personnalisation des personnages. On choisit donc plus les traits en fonctions de comment on désire jouer le personnage plutôt qu'en fonction d'en tirer un avantage tactique, sans pour autant être pénalisé pour une telle décision.

Dans le système de résolution, le fait que, en général, c'est le joueur qui décide de jouer ces traits négatifs évite à ce dernier de se sentir persécuté par le MJ qui chercherait toujours à lui mettre des bâtons dans les roues en choisissant des situations où ses traits négatifs interviennent. Cela permet aussi au MJ de ne pas être obligé d'avoir toujours en tête tous les traits négatifs des personnages. Cette capacité de gestion des traits donne aussi aux joueurs un intérêt tactique, sans pour autant nuire à l'histoire puisqu'il s'agit pour le personnage d'utiliser ces points forts et ces points faibles de façon juste, tentant de se débarrasser de leurs points faibles en début d'acte et de garder leurs points forts pour la fin.

Finalement, les groupes de blessures par segment de taille variable, que j'aie vu pour la première fois dans RdD mais qui a été utilisé dans bon nombre de systèmes permet de tenir en compte aisément de l'état physique du personnage et donne une détérioration progressive de l'état de santé et permet de faire une différence entre un personnage fort mais agonisant et un personnage faible et agonisant. Cela permet aussi de ne pas faire intervenir les traits physiques dans le compte des dommages une nouvelle fois.

Système à dés variables

Ce système est directement inspiré de The Window©.

Caractéristiques

6 caractéristiques: Force, Vigueur, Agilité, Intelligence, Volonté, Perception

Niveau: Divin (d4), Incroyable (d6), Supérieur (d8), Fort (d10), Moyen (d12), Faible (d20), Minable (d30), Ridicule (d40, soit comme un d% mais avec d4 pour les dizaines, avec le 4 équivalant au 0).

On peut ajouter des compétences supplémentaires avec le même modèle. Par exemple, Navigation (d8) pour un bon marin. Chaque dé représente une coche. Lorsqu'on dit qu'on monte d'une coche, on passe par exemple du d12 au d10. Lorsqu'on descend d'une coche, on passe par exemple du d12 au d20.

La Valeur du dé est égale à la moitié du maximum du dé. Par exemple, un d12 à une valeur de 6, et un d8 à une valeur de 4.

Résolution

On jette le dé correspondant et on doit faire égal ou en-dessous de la difficulté. Le niveau de difficulté correspond à la Valeur du dé équivalent. Par exemple, une difficulté moyenne sera de niveau 6. Pour une confrontation, chacun des adversaires lance son dé et le plus bas l'emporte.

Santé

Santé est égal à la Vigueur au départ. Les dommages sont représentés avec une difficulté et un nombre de coches. Un jet raté fait tomber la santé du nombre de coches indiqué. Après d30, le personnage est évanoui/mort.

Dommages

Valeur du dé de force +/- bonus de l'arme. Par exemple, si un personnage a Force à d8, sa valeur est 4 avec un bonus de 0 pour une épée. Une arme peut aussi déclarer des dommages totaux. Par exemple, une grenade faisant tomber la santé de 3 coches.

Commentaires

Ici, l'intérêt est surtout de voir pourquoi est ce que les dés vont dans le sens inverse de ce qu'on attendrait. Plutôt que de voir les dés augmenter, ils diminuent. Cela entraîne deux choses: Tous les personnages peuvent réussir des actions grandioses, les personnages très forts le faisant simplement plus souvent que les personnages plus faibles. Ensuite, la granularité de la progression est géométrique: entre deux niveaux forts, il y a plus de différences qu'entre deux niveaux faibles. Un personnage avec d4 est plus avantagé sur d6 que d6 sur d8. Finalement, il y a une limite supérieur au système, soit le d1, alors qu'il n'y a aucune limite inférieure (on peut bien lancer un d100000), ce qui est assez rare en lui-même. Cela peut donc bloquer les joueurs qui sont rendus avec des d4 partout (mais bon, la quête pour le d2 voir le mythique d1 peut-être une campagne fort intéressante).

Système à adverbes

Ce système est inspiré de Nephilim: Révélation™.

Caractéristiques

Cinq caractéristiques: Fort, Agile, Intelligent, Endurant, Sympathique

Cinq niveaux: Pas, Peu, Assez, «...» Très.

4 Niveaux de Compétence: Profane, Apprenti, Compagnon, Maître

Résolution

Tableau 2. Table de résolution

 PasPeuAssez« ... »Très
Pas Difficile101316RéussiteRéussite
Peu Difficile7101316Réussite
Assez Difficile47101316
Difficileéchec471013
Très Difficileéchecéchec4710

On lance un d20 en-dessous de la difficulté indiquée sur le tableau. Profane augmente la difficulté de deux coches, Apprenti d'une coche, Compagnon ne change rien et Maître la diminue d'une coche.

Option: Lancé un d10 en même temps que le d20. S'il tombe sur 1, le résultat du d20 est considéré comme critique. Lors d'une confrontation, une réussite (ou un échec) critique augmente (ou réduit) la difficulté d'une action d'une coche.

Santé


Très Vigoureux:  ooooo
«...» Vigoureux: oooo
Assez Vigoureux: ooo
Peu Vigoureux:   oo
Pas Vigoureux:   o
Mort

Chaque arme a une quantité de dommage et un niveau de meurtricité. Si le personnage reçoit des dommages, il teste contre la meurtricité de l'arme avec son niveau en Endurant. Un échec donne la quantité de dommage, un échec critique la double, une réussite ne fait que la moitié des dommages (arrondie au plus bas) et une réussite critique les retire complètement. Le niveau de Vigoureux indique le maximum de chaque caractéristique. Par exemple, un personnage qui est Très Fort, mais tombe à Assez Vigoureux, ne sera plus que Assez Fort.

Dommages

Pas, Peu, Assez, «...» ou Très Meutrier. Avec un chiffre variant de 1 à 5 points de dommage.

Commentaires

Le système à adverbe est intéressant dans le sens qu'il décrit un personnage en mots plutôt qu'en chiffre. Toutefois, il ne faut se laisser prendre par cet énumérisme caché: On pourrait tout aussi bien remplacer les adverbes par un chiffre, ce qui aurait l'avantage de permettre de se libérer complètement de la table de résolution (voir la section intitulée « Système matriciel » pour un système de résolution similaire).

L'option du dé critique est intéressante dans le sens qu'elle donne toujours une même proportion de résultat critique (10%), qu'elle permet de sélectionner quelles actions pourraient amener un tel résultat (le MJ choisit quand il lance le dé critique) et est toujours proportionnel aux capacités du personnages (10% de ces chances d'échecs ou de succès).

Finalement, le système de santé avec limitation des compétences fait en sorte que les personnages plus faibles profiteront des blessures des autres. Cela peut paraître incohérent avec le monde, mais c'est sans compter le fait qu'un personnage fort sera moins souvent blessé, et donc que les blessures surviennent plus rapidement pour un personnage faible. Quand le personnage est donc rendu au niveau d'un personnage faible en Vigoureux, il a donc reçu probablement plus de coups que celui-ci.

Système Harmonique

Ce système est aussi inspiré des Arpèges et plus précisément d'Opéra, le jeu pour Grandeur Nature.

Caractéristiques

Quatre Caractéristiques: Corps, Agilité, Intuition, Intelligence

Niveau va de -5 à +5, humain va de -3 à +3.

Résolution

Caractéristique ±d6 ≤ 0, le résultat est la marge de réussite. On peut varier le type de dés si désirez.

Rappel: ±d6 est équivalent à d6-d6, lui-même équivalent à, 2d6-7 et finalement équivalent à lancer deux dés, un positif, un négatif, les doubles valent 0, sinon, on prend le plus petit des deux. Exemple: On tire un dé blanc (positif) et un autre rouge (négatif). Si on obtient 3 blanc et 5 rouge, le résultat est +3. Si on tire 4 et 4, le résultat est zéro. Paraît que c'est plus facile ainsi...

Santé

Chaque PJ possède les blessures suivantes:


Légère:   o o o o
Grave:    o o
Critique: o

Dommages

Chaque dommage à un facteur -X. On joue un jet d'encaissement (Corps+bonus d'armure) sur une table:

Tableau 3. Table des dommages

RésultatNon-mortelMortel
0 et +EncaisséEncaissé
-1SonnéSonné
-2 à -3SonnéLéger
-4 à -6LégerGrave
-7 et -LégerCritique

Encaissé indique qu'aucune blessure n'est subit. Sonné correspond à une pénalité de -1 pour le prochain round. Léger, Grave et Critique correspondent à une blessure équivalente.

Commentaires

La base de système est autour du jet de dé. Bien qu'on utilise le d6, n'importe quel dé pourrait faire l'affaire puisque la soustraction moyenne sera toujours de zéro. Il est alors facile d'additionner la caractéristique et de trouver immédiatement la marge de réussite. Il faut toutefois se rendre compte que pour tout résultat, il a fallu que le joueur fasse une soustraction et une addition, incluant souvent des nombres négatifs, bien que petits. C'est parfois une prouesse difficile à 3h du matin. Le fait aussi qu'il fasse distinguer entre les deux dés n'aident pas beaucoup.

Le journal de blessure, où les blessures ne sont pas décompter de façon progressive mais aléatoire permet de faire la différence entre un personnage ayant reçu plein de petites blessures et un personnage ayant reçu une grosse blessure. Cela pourra amener des soins différents, voire des handicaps ou des cicatrices intéressantes pour l'histoire du personnage. Toutefois, cela impose l'usage d'une table des dommages, qui peut quand même être aisément résumé sur la feuille de personnage, à même le tableau des blessures.