Les couleurs du système

Une typologie des mécaniques du jeu de rôle

Fabien Niñoles

Historique des versions
Version 0.6 :2005-06-30

Traduction de la version anglaise à partir de la version 0.5r3. Ajout d'une note de bas de page sur la traduction de méta-gaming vers para-ludique, ainsi que sur la comparaison avec des couleurs avec des lentilles ou des projecteurs. Réécriture partielle des degrés de liberté pour parler de l'importance du domaine d'application.

Version 0.5r3 :2003-06-02

Ajout d'un paragraphe apropos du lien entre Beauté et couleurs. Ajout de quelques mots-clés au document. Une petite remarque a été ajoutée dans la section sur l'adaptabilité.

Version 0.4r4:2003-01-26

Beaucoup de petites revisions mineures. Je me suis trompé dans mes couleurs! Maintenant, le Magenta Nostalgique est maintenant appelé le Magenta Expressif et le Bleu Rêve est devenu Bleu Immersif. Je pense beaucoup à ajouter un nouveau chapitre à ce sujet. Aussi, j'ai modifié le titre puisque ceci est vraiment une typologie des mécaniques.

Version 0.3r2 :2003-01-10

Ajout de la Brillance. J'ai déplacé la Transparence dans la Brillance et ajouté une note au sujet de la différence entre un système transparent une Couleur Transparente.

Version 0.2 :2003-01-10

Première version publiée.

Version 0.1 :2003-01-01

Version inition (incomplète).

Résumé

La conception de jeux de rôle est un art, « un système de principes et de règles pour obtenir un effet désiré ». Toutefois, c'est un art encore dans ses débuts. Bien que plusieurs modèles existent déjà pour décrire l'expérience d'une partie de jeu de rôle, très peu a été fait en regard aux mécaniques. Nous avons la description DKF, quelques désignations en regards aux niveaux de concepts ou des éléments de mécaniques mais à peu près rien au sujet des objectifs de ces mécaniques, ou seulement sous une forme très abstraite. Cet article a pour objectif d'explorer un seul aspect des mécanismes de jeu, soit de déterminer quelles qualités sont nécessaires ou au moins désirables dans tout jeu de rôle. Ceci, je l'espère, permettra de jeter les bases pour une plus grande caractérisation des règles, afin de soutenir les discussions et l'évaluation de différents systèmes, et, avec l'aide d'autres outils, de créer finalement un véritable science du jeu de rôle.


Table des matières

Introduction
Qu'est-ce qu'un jeu de rôle?
Le modèle des couleurs
Les degrés de liberté
La beauté du système
La visibilité des règlements
Brillance et transparence
La transparence
Le rouge
Le vert
Le bleu
Éléments méta-ludiques
Le modèle GDS et les couleurs
Les intérêts ludistes
Le dramatiste
Le simulationniste
Résumé
Un peu d'histoire
Remerciements

Introduction

Quel est l'art de la conception de jeu. Le Webster 1913 défini l'art comme étant (entre autre) un système de règles et de principes pour atteindre une fin désirée. Alors, quels sont ces règles, ces principes, et plus important encore, cette fin désirée? Pour cette dernière question, je pense qu'il peut y avoir autant de réponses qu'il y a de joueurs. Bien que plusieurs aient définis et décris en détails les motivations des joueurs, peu a été fait en ce qui concerne comment ces buts peuvent être atteints.

Le but de cet article est de faire un pas de plus dans cette direction. Ce que j'essaye de faire est de répondre à cette seule question: « Qu'est-ce qui est désirable, sinon nécessaire, dans tout jeu de rôle? » Cette question est très difficile car la plupart des jeux de rôle semble avoir différents objectifs, différents environnements, différentes façons de faire du jeu de rôle une expérience amusante et agréable. Étrangement, toutefois, un certain consensus laisse percevoir que cet obstacle initial sera le plus facile. Le plus gros obstacle sera plutôt au niveau du vocabulaire, ou plutôt du manque d'un vocabulaire commun parmi les concepteurs. Personne ne semble avoir la même façon d'appeler les choses, que ce soit en français ou en anglais. Aussi, les gens utilisent souvent les mêmes mots pour parler de choses différentes, ce qui ne fait qu'ajouter à la confusion. Alors, pour éviter ce problème, j'ai choisi une approche légèrement différente: j'utiliserai une métaphore artificielle, celle des couleurs. Hélas, une couleur ne voulant pas dire grand chose pour un concepteur, j'y ai adjoint un adjectif afin d'aider à en faire un outil de communication suffisamment clair pour aider à la mémorisation et à la compréhension du texte par un nouveau lecteur.

La première version de ce papier sera seulement au sujet de la couleur des mécaniques, accompagné de quelques courts exemples. Je planifie toutefois d'y ajouter d'autres éléments, spécifiquement au sujet des différents aspects du jeu de rôle, comme le liens entre les Couleurs et les typologies existantes, comme le GNS. Mais pour commencer, nous devons définir ce qu'est un jeu de rôle et son système.

Qu'est-ce qu'un jeu de rôle?

Cette section n'a pas comme propos de définir en détails qu'est-ce qu'un jeu de rôle, mais plutôt de proposer un vocabulaire commun de ce qui constitue un jeu de rôle, de façon à s'entendre sur le sujet abordé. Un jeu de rôle typique peut être vu comme composé de deux parties:

  • une description d'un univers imaginaire appelé le décor;

  • une règle pour gérer la résolution des évènements se déroulant dans le décor, appelé le système.

Habituellement, le décor est divisé en beaucoup plus d'éléments, comme les personnages qu'on peut rencontrer dans cet univers particulier, l'environnement (qu'il soit social, technologique, historique ou géographique) dans lequel ces personnages évoluent, des exemples de situations que les personnages peuvent vivre, de même que des notes sur l'atmosphère prévue pour cet univers. Certains ou même tous ces éléments peuvent être omis ou plus ou moins détaillés. Quand la plupart des éléments sont pas ou peu décris, on désigne alors ce jeu de rôle comme étant générique ou universel. Je préfère la première désignation parce que, bien que la plupart des systèmes génériques prétendent pouvoir être utilisés dans n'importe quel décor, ils sont souvent qu'une généralisation d'un ou plusieurs d'entre eux, partageant certains éléments en commun. À l'exception de cette petite différence, nous pouvons maintenant parler des décors spécifiques et génériques comme d'une même chose, sans adresser plus d'importance à leurs éléments internes. Non que ces éléments sont sans importance dans la conception d'un bon jeu de rôle, mais ce n'est pas le sujet actuel de cet article.

Les systèmes sont souvent eux aussi divisés en plusieurs composants, et catégorisés de bien des façons. Les systèmes contiennent souvent des éléments du décor, comme des particularité de l'environnement. Pour l'instant, nous voulons juste considérer les systèmes comme un tout. Nous n'allons faire qu'une seule distinction: les éléments du système qui ne contiennent aucun élément qui peuvent être considérés comme servant à décrire le décor seront appelés des mécanismes, alors que les éléments du système qui décrivent des éléments du décor (incluant des situations comme le combat ou la description d'un personnage) seront appelés des règlements. Ceci n'est certes pas suffisant pour une exploration en profondeur de la composition d'un système mais suffira à notre propos.

Les éléments para-ludiques[1] sont des éléments souvent externes à un jeu de rôle. Ils incluent des éléments comme la localisation de la partie, comment se sentent les joueurs cette journée-là, leur perception de la réalité, la qualité (accès, langue, média) de la communication entre eux, la présence de matériel, leurs relations interpersonnels, etc. Ce sont des aspects d'une partie qui peuvent être vus comme hors du contexte du décor, mais qui font quand même partie de l'expérience d'une partie de jeu de rôle. Certains systèmes et même certains éléments du décor peuvent influencer ou aider à rendre certains éléments para-ludiques moins dérangeants ou plus amusant et intéressant. Ils peuvent aussi aider à s'accommoder d'éléments para-ludiques dérangeants, tels qu'un environnement bruyant. Les éléments para-ludiques peuvent aussi influencer les deux à la fois (bien que le concepteur du jeu ait peu de contrôle sur eux, si ce n'est que des recommandations écrites) et certains jeux de rôle vont jusqu'à les utiliser pour améliorer l'expérience de la partie.

Le modèle des couleurs

Le modèle des couleurs est composé des trois couleurs primaires additives: le rouge, le vert et le bleu. Comme toutes les couleurs, certaines personnes en préfèrent certaines plus que d'autres. C'est correct: des goûts et des couleurs, on ne discute pas. Toutefois, nous aimerions faire une petite entorse à cette prémisse: on va supposer que tout le monde préfère les couleurs brillantes plutôt que les plus sombres. La brillance représente l'adhérence d'un système à une couleur spécifique (les mélanges sont permis). Donc, puisque nous supposons que n'importe quelle couleur est au moins désirable, on préféra toujours un système plus brillant plutôt qu'une couleur sombre, tant que cette couleur est la bonne. Prenez note qu'un système qui mélange toutes les couleurs sera blanc et brillant. Et qu'un système qui ne possède aucune couleur sera noir. Peut-être vous préférez les couleurs sombres dans la vraie vie (comme la plupart des joueurs, si on se fit à la mode vestimentaire actuelle parmi eux) mais faite un petit effort pour l'instant. Sinon, vous allez tomber dans le coté sombre du jeu de rôle, plein de munchkins et d'avocats des règles. Êtes-vous sûr que c'est là que vous voulez être?[2]

Pour mieux comprendre le concept derrière chaque couleur, spécialement lorsque vous parlez à un non-initié, un adjectif a été ajouté à chacune d'entre elles. Vous êtes libres de l'utiliser quand vous pensez que la précision est nécessaire mais essayez au moins de faire référence à ce document afin que les gens sache se dont vous parlez.

Voici donc les trois couleurs primaires et leurs définitions:

Rouge cohérent

Le rouge cohérent est la couleur du système qui est cohérent avec le décor qu'il décrit. Si votre décor considère que les sabres sont plus mortels que les dagues, le système rouge devrait refléter cet aspect et ne pas faire des dagues des armes égale ou plus dangeureuses que les sabres. Un système rouge sombre tendrait à interférer avec la suspension d'incrédulité. Une interruption de la suspension d'incrédulité est un phénomène qui est le mieux décrit par les joueurs vous fixant avec de grands yeux, la bouche grande ouverte avec une forte expression de surprise et d'incrédulité, et quittant votre table pour ne plus revenir (et non, ce n'est pas parce qu'ils ont perdu leur chemin vers le réfrigérateur). Le rouge a été choisi à cause du lien avec cette attitude d'arrêt, ainsi que la tendance des systèmes très rouges d'être plutôt sanglant dans l'action Ce n'est pas, toutefois, une caractéristique universelle de tous les systèmes rouges!

Un exemple d'un système avec une forte couleur rouge est RoleMaster™ avec son système très détaillé pour le médiéval fantastique[3].

Vert fluide[4]

Les systèmes verts fluide seront plus faciles à apprendre et auront souvent des temps de recherche et de résolution très courts. Ils peuvent toutefois avoir beaucoup d'options à choisir, tant que ces options sont claires et facile à gérer. Ces systèmes sont souvent parfaits pour les débutants ou les gens qui veulent un système rapide, sans trop s'arrêter aux détails. Ce sont deux bonnes raisons pour donner à ce type de système la couleur verte, qui est souvent associée avec les néophytes et la vitesse.

Un bon exemple d'un système vert est The Windows©, un jeu de rôle gratuit avec des mécanismes très simples.

Bleu immersif

Des règles bleues immersives aide à entretenir l'atmosphère particulière d'un jeu. Cette atmosphère peut être soit dramatique, héroïque, épique, effrayante, paisible, imaginative, ou toutes à la fois. Tout comme le rouge cohérent, les règles bleues sont fortement associées au décor. La couleur bleue a été choisie à cause de son association avec l'atmosphère, l'immersion et les émotions.

Un des systèmes le plus bleu que l'auteur connaît est eight©, un jeu de rôle gratuit où toutes les règles participent à l'atmosphère fort particulière du jeu.

Toutes ces couleurs peuvent être mélangées ensemble, en différentes quantités. Ceci nous donne quatre autres couleurs différentes[5]:

Jaune clairvoyant (rouge et vert)

Habituellement, quand on désire un système rouge brillant, on fait un compromis sur un vert plus sombre, et lorsqu'on veut un système vert, on réduit dans la couleur rouge. Cette couleur secondaire est donc plutôt rare, et les règles jaunes sont habituellement de vrais éclairs de génie. Les systèmes jaunes sont capables de donner le maximum de cohérence et de détails de votre décor, sans rien retirer à la vitesse et à l'aisance du jeu. Ils promettent un jeu très intéressant pour tous ceux qui désirent explorer différents éléments du décor.

Si les règles jaunes sont rares, les systèmes jaunes le sont encore plus. Je n'ai encore jamais vu un système où cette couleur dominait. Si vous croyez en connaître, faites-le moi savoir.

Cyan dramatique (vert et bleu)

Une des couleurs les plus populaires des nouveaux jeux actuels. Les systèmes cyan mettent de l'avant un aspect très narratif, avec un rythme rapide et des règles faciles. La cohérence n'est pas vraiment importante puisque le MJ est là pour s'ajuster en conséquence. Toutefois, on peut constater un jeu un peu plus limité et on doit faire attention à la suspension d'incrédulité qui augmente souvent avec ce type de systèmes.

Un exemple populaire de systèmes cyan sont Nobilis™ et le système Storyteller™ (du moins, par intention).

Expressif Magenta (rouge et bleu)

Une combinaison rare: les systèmes magenta tendent à vous immerger dans les détails. Beaucoup de détails. Vous êtes transportés dans un monde où tout, tant les actions que les choses, est décrit dans le moindre détail. Le piège est bien sûr, trop souvent, que le manque de couleur verte dans ces systèmes en fasse des systèmes difficiles à utiliser, avec une progression très lente de l'action. Les joueurs doivent être patients ou le MJ un véritable expert dans la maîtrise de son système.

De bons exemples de tels systèmes incluent principalement des thèmes orientés vers la science-fiction ou les scénarios militaires. Heavy Gear™ peut être vu comme un tel système sous certains aspects.

Blanc pur (rouge, vert et bleu)

Les systèmes blancs peuvent être vus comme le système parfait. Ils peuvent être obtenus généralement pour des décors très spécifiques et précis. Toutefois, de tels décors sont souvent très limités aussi, comme nous le verrons plus loin, les systèmes blancs ont souvent tendance à se diluer rapidement (nous appelons ça un manque de tenacité) et deviennent sombre très rapidement.

Je n'ai pas de bons exemples de tels systèmes. Comme je l'ai dit, la plupart des systèmes blancs tendent à devenir sombres très rapidement avec l'usage, ou à voir une nouvelle couleur dominée.

Les degrés de liberté

Les couleurs rouge et bleu sont grandement influencées par le décor pour lequel le système a été conçu. On décrira cette influence par deux changements, ou degrés de liberté, différents pour les couleurs:

La tenacité

La tenacité représente la persistence d'un système à conserver sa brillance et sa couleur malgré les changements de décor. La tenacité est recherchée surtout par les systèmes génériques mais aussi pour les jeux de rôle qui ont un décor très diversifié. Les systèmes qui se limitent à quelques types de personnages et de situations (comme les systèmes orientés vers le combat de masse, par exemple) n'ont pas besoin d'une grande tenacité dans leurs couleurs.

Un exemple de système avec une grande tenacité est GURPS™ et Multiverser™.

le caméléonisme[6]

Les systèmes caméléons sont capables de s'adapter pour conserver la même brillance. Contrairement aux systèmes tenaces, toutefois, ils le font en s'adaptant, c'est à dire qu'ils modifient quelques-uns des paramètres de jeu, pour mieux rendre compte du décor. Ça rend les éléments de ce décor incompatible avec des éléments d'un autre décor dans le même système. C'est une qualité que l'on retrouve dans les systèmes génériques ainsi que dans les méta-systèmes (c'est à dire des systèmes abstraits qui servent à bâtir d'autres systèmes).

Des exemples de systèmes caméléons comprennent Fudge™ et BASIC™.

Les deux degrés de liberté sont rarement totaux. Ils s'appliquent habituellement sur un domaine bien défini, par exemple tous les univers médiévaux fantastiques, ou tous ceux avec des humanoïdes comme personnages principaux.

J'hésite un peu à mettre GURPS comme système tenace. Si GURPS est tenace, c'est que si vous désirez un système qui plus sanglant, GURPS vous le permet, sans rien changer aux règles. Je ne suis pas sûr que GURPS s'adapte à ce point à tous les types d'aventure, peu importe l'atmosphère et le décor, sans rien changer aux règles, etc. C'est peut-être plus un système caméléon, comme Fudge.

La meilleure façon de parler des degrés de liberté seraient de parler en terme de domaine d'application, de largeur, de sensibilité, ce qui change complètement la métaphore initiale et en introduit une nouvelle. J'ai inventé ces termes pour tenter de rester dans la métaphore mais l'idée à certainement besoin d'être travaillé davantage.

La beauté du système

Les couleurs ne sont pas les seules qualités importantes d'un système. Une autre très importante, si ce n'est pas la plus importante, c'est le divertissement que le système procure. Nous faisons du jeu de rôle pour une seule raison: avoir du plaisir. Toutefois, le plaisir est une notion très personnelle qui peut varier d'une personne à l'autre. À cause de cette subjectivité, nous utiliserons une qualité similaire qui s'applique bien à notre métaphore picturale: la beauté. La beauté serait donc une qualité comme une autre d'un système qui fait qu'on l'aimerait, malgré ces défauts, simplement parce que c'est amusant. Il est aussi important de se rappeler que ce modèle ne se préoccupe pas de vos goûts pour certains types de décor. Il faudra donc faire attention de ne pas juger un système trop sombrement simplement parce que vous n'aimez pas le décor auquel il s'applique.

Cette section a besoin d'un peu plus de développement.

La visibilité des règlements

Un système est composé de règlements mais tous les règlements n'ont pas nécessairement la même couleur. L'influence d'un règlement sur la couleur globale du système est appelée la visibilité du règlement. La visibilité est souvent en rapport avec le nombre de fois qu'un réglement doit s'appliquer et l'importance de son influence sur la partie en cours. La visibilité est un aspect important lors de la conception d'un système de jeu de rôle. Souvent, vous pouvez faire un compromis sur un aspect pas trop visible d'un système sans que cela n'affecte trop la couleur globale du système. En dissimulant cette couleur dans un aspect pas trop visible du système, vous pouvez, par exemple, obtenir un système plus rouge sans trop affecter sa couleur verte.

Les mécanismes les plus visibles sont souvent le système de résolution, les règlements de combat (dans des décors orientés vers l'action) et les statistiques des PJ. Les règlements les plus discrets sont souvent le système de création (vous ne l'utilisez qu'une fois) et la mécanique de progression du personnage (qui, habituellement, n'intervient qu'en fin de partie).

Brillance et transparence

Avant d'aller plus loin, une petite clarification est nécessaire. Qu'est-ce que la brillance? Comment affecte-elle l'expérience de la partie?

La brillance dans ce modèle théorique est plus similaire à l'effet d'un sort de Lumière et d'un sort de Noirceur, son inverse. Les couleurs sombres non seulement auront peu d'effets positifs mais peut même faire paraître votre décor et votre partie entière comme plus sombre, ce qui veut dire moins amusante et intéressante. À l'opposé, un système brillant ne fera pas que permettre de mettre votre décor et vos talents de MJ en avant, mais il améliora votre expérience globale de jeu de rôle, soutenant et même créant plus de plaisir et d'intérêts.

On ne devra donc pas simplement ignorer une couleur en pensant que cela ne fera aucun mal. Toutes les couleurs sont nécessaires, mais certains décors et/ou certains MJ peuvent fournir leur propre couleur à l'expérience, rendant le système moins important sur ces aspects. On s'aperçoit donc que le point précis où la couleur d'un système ou d'un règlement passe de la brillance à la noirceur est dépendant de la qualité du décor et du talent du MJ! Un MJ débutant trouvera très brillant un système qu'un vieux routard trouvera trop sombre pour lui. Ceci n'est quand même pas une bonne raison pour comparer les MJ avec le modèle des couleurs. Comment un MJ fait pour rendre un système plus vert, rouge ou bleu est une question ouverte qui ne sera pas adressée par cet article. De même pour le décor. Toutefois, il est clair que plus brillant est le système, le mieux peut-il aider à créer une expérience de jeu de rôle intéressante pour ces joueurs, et de rencontrer ses besoins de MJ.

La transparence

Il faut noter que certains systèmes dépendent beaucoup de l'habilité du MJ pour avoir quelque brillance. On parlera alors de la transparence du système. Un système transparent laisse le MJ s'impliquer davantage dans la façon de gérer les évènements d'une partie. Ils sont très peu contraignants, ne fournissant bien souvent que quelques directives sur comment interpréter les résultats, déterminer la difficulté, ou même résoudre différentes situations.

Il y a deux mauvaises conceptions concernant les systèmes transparents. La première est qu'un système transparent est nécessairement vert. C'est souvent tout le contraire. En laissant les habilités du MJ prendre soin de bien des aspects de la gestion, un système transparent s'adresse principalement aux joueurs matures et expérimentés, rendant très difficile la gestion pour les débutants.

L'autre mauvaise conception est le fait que les systèmes verts sont transparents. Cette erreur est en partie due au fait que les systèmes verts se fondent tellement au flot de la partie qu'ils semblent presque absent, le jeu semblant progresser par lui-même. Ceci est une qualité d'un système vert fluide, et non pas transparent, bien qu'avec un bon MJ, un système transparent semblera lui aussi très vert. En fait, les systèmes transparents prennent très souvent la couleur que le MJ désire et, pour cela, ils ressemblent beaucoup aux systèmes caméléons[7].

La transparence, toutefois, n'est pas un but désirable pour tous les systèmes. Comme nous l'avons dit, un système transparent peut être très difficile pour les débutants. Ça prend un minimum d'expérience pour rendre une partie de jeu de rôle stimulante et amusante. Les systèmes transparents ne fournissent aucune lumière en eux-mêmes mais aussi aucune noirceur. Donc, si vous êtes un bon MJ, ou que vous désigner votre jeu pour des MJ expérimentés, un système transparent, avec juste assez de règles pour donner une bonne idée de votre décor, peut très bien faire l'affaire.

Des exemples de systèmes transparents incluent Sorcerer™ et Hero Wars™. Bien entendu, le système transparent par excellence est aucun système du tout!

Le rouge

Les éléments rouges cohérents d'un système particulier sont difficiles à définir. La première chose que nous devons savoir lorsqu'on essaye d'établir la couleur rouge d'un système (ou d'évaluer la part de rouge d'un système) c'est quel élément du décor est actuellement contrôlé (ou simulé si vous préférez) par cette règle, et comment cet élément doit se comporter. Pour la plupart des éléments d'un décor, le créateur ne sait tout simplement pas.

Une assomption commune est de considérer le décor comme un reflet de notre réalité. Cette assomption est souvent bonne la plupart du temps excepté qu'il y a, très souvent, de nombreuses parties qui diffèrent des lois physiques de notre monde. Par exemple, les personnages peuvent être plus grand que nature, avoir des pouvoirs spéciaux, et être extraordinairement résistants aux incidents. Il peut y avoir une race spéciale qui est soit incroyablement grande ou petite et n'aurait pas pu survivre dans notre monde (comme les centaures par exemples, qui ont des voies respiratoires beaucoup trop petites pour leurs corps) ou des vaisseaux spatiaux qui plient l'univers avec des moteurs à improbabilité. Pour tout ça, de même que pour éviter des complications inutiles, nous ne désirons pas que notre système soit une simulation exacte de notre réalité. Nous voulons qu'il nous permette de prendre une pause de nos lois physiques et de notre histoire, sans trop affecter la crédibilité du décor. Les joueurs sont généralement prêts à accepter quelques contournements des lois de notre réalité quotidienne en échange d'un peu de fantaisie[8].

Mais voilà un mot important: crédibilité. Qu'est-ce qui rend un système crédible? Un système crédible agit de façon prévisible quand vous lui demandez de décrire différents aspects de votre décor. Si le décor prétend qu'un guerrier expérimenté peut affronter sans trop de danger un paysan, le système doit donner plus de chance de victoire au guerrier qu'au paysan. Combien exactement est une question de perception mais encore, un autre mot important a été dit: prévisible. Avec un système prévisible, le créateur ou le MJ peuvent ajuster la représentation des éléments du décor dans le système, la façon qu'il espère qu'ils vont réagir, ce qui est probablement la meilleure façon d'obtenir un système, et un décor, crédible.

Un autre facteur important des systèmes rouges sont les limites. Le décor pose souvent certaines limites sur les capacités de plusieurs éléments. Un guerrier ne pourra pas lever plus qu'un certain poids sans aide, et la magie ne pourrait pas changer le passé, par exemple. Bien que ces limites puissent être simplement imposées par les mécanismes du systèmes, une autre façon consiste à utiliser des mécanismes sans limite, et de laisser l'arbitrage et le jugement d'imposer de telles limites. Cela rend certains aspects de la gestion plus complexes mais fait aussi un effet caméléon[9], permettant au système de s'appliquer à plus de décors différents. Ainsi, trouver les limites d'un système est un bon moyen d'évaluer à la fois la composant rouge et le degré de liberté d'un système. Un jeu de rôle dont certains éléments du décor sont en-dehors des limites du système n'est pas très rouge, et un système qui est très dont les limites sont très proches des éléments du décor n'a généralement pas une très bonne tenacité. On pourra aussi dire d'un système capable de modifier ses limites sans trop de modifications qui possède un bon effet caméléon.

Finalement, une chose importante à comprendre à propos de cette couleur est que ce n'est pas nécessairement parce que vous mettez plus de détails dans votre système que ce dernier devient nécessairement plus rouge! Les détails n'ajoutent souvent que de la complexité sans rendre la couleur rouge plus brillante. Pour ajouter de la brillance à cette couleur, les détails doivent soutenir un avantage différenciateur des éléments du décor lié à celui-ci, et cet avantage doit être justifié dans le décor.

Le vert

La couleur verte est probablement la couleur la plus affectée par la visibilité. Un élément vert peu visible n'affectera pas beaucoup votre expérience mais un élément vert dans un aspect très visible du décor pourrait totalement la changer!

La couleur verte est la seule spécifique uniquement au système ou aux éléments méta-ludiques. Le décor n'est pas vraiment affecté par cette dernière, du moins directement. Son importance toutefois est très grande si vous voulez que le décor s'installe correctement puisqu'un système très sombre dans cette couleur prend souvent toute la place, n'en laissant que peu pour les autres éléments. La couleur verte aide énormément à ne pas laisser le système nuire à l'expérience du jeu de rôle.

Il y a plusieurs façons de rendre un système plus vert, quelques-unes étant contradictoire entre elles et plus une question d'équilibre. Par exemple, une formule complexe peut être remplacé un tableau pour un accès plus rapide mais trop de tableaux ralenti le jeu. Il y a aussi une courbes d'apprentissage qui peut changer la brillance de cette couleur: un système peut avoir une courbe d'apprentissage très abrupte (le rendant très sombre pour un débutant) mais une fois appris et pratiqué quelque temps, devenir très rapide et facile à utiliser (un beau vert clair). Le mieux est d'avoir les deux aspects mis ensemble, soit une courbe d'apprentissage douce et un temps de résolution rapide, le tout étant une question de compromis.

Un autre exemple sont les classes de personnage. Non seulement elles rendent le système plus vert mais elles aident aussi à aborder le décor. D'utiliser des attributs dérivés plutôt que de les additionner en cours de jeu peut aussi aider, tant qu'il n'y en a pas trop. Cette méthode est particulièrement utile pour les éléments très visibles du système. Des aides de jeu, comme un bon index, un tableau récapitulatif pour les éléments les plus communs (donc visibles), facilement accessible comme sur la feuille de personnage ou l'écran de jeu, peuvent aussi rendre le système plus vert. Des jets multiples ou trop de dés peuvent au contraire ralentir le jeu, tout comme une formule trop complexe ou trop de facteurs à tenir en compte. Essayer de les combiner en un seul jet et éviter d'ajouter de l'aléatoire inutilement. Par exemple, utiliser la marge de succès d'un jet pour toucher plutôt que de rejouer les dés pour évaluer les dommages peut aider si celle-ci est facile à déterminer, ou bien, dans le cas d'un jet en opposition, ne faire rouler qu'un seul opposant plutôt que les deux: le résultat de l'un déterminera automatiquement celui de l'opposant[10].

Le bleu

Cette couleur est clairement la plus difficile à discuter. Le bleu est la moins tenace des couleurs et est fortement dépendante des éléments du décor. Plus que ça, contrairement à la couleur rouge, elle ne possède pas d'éléments de base que l'on pourrait considérer comme désirable pour tous les décors. La seule façon de parler de la couleur bleue reste, à mon avis, de parler des genres.

Le genre est un terme très vague défini par un type d'œuvre artistique spécifique. Pour notre propos, nous définirons le genre comme un ensemble de différents éléments du décor partager entre plusieurs décors appartenant à ce genre. Bref, un genre est défini par les décors qui en font partis. Toutefois, les genres se chevauchent et un même décor peut appartenir à différents genres à la fois. Les éléments les plus communs qui sont adressés par les règles sont les suivants:

le facteur de risque

Le facteur de risque est un aspect important de plusieurs genres. Il mesure l'importance ou les conséquences des décisions des personnages. Un décor avec un facteur de risque très élevé mettra les joueurs en état d'alerte constant, leur rappelant de réfléchir prudemment avant d'agir. Des ressources rares et peu nombreuses (comme des points de vie), avec des difficultés élevés et la possibilité de maladresses, augmente le facteur de risque. Un facteur de risque élevé est très populaire parmi le genre d'horreur et certains décors très réalistes.

Au contraire, un facteur de risque très faible encouragera les joueurs a essayé différentes choses et à prendre des risques. Des ressources généreuses, ou un mécanisme de résolution permettant de réussir des actions presque impossible (comme l'usage de points de destinée) sont différents moyens de réduire le facteur de risque. Un facteur de risque bas est surtout populaire parmi les genres dit épiques ou héroïques.

Ce n'est pas très clair comment les mécaniques aléatoire (Fortune mechanics), soit des mécanismes basés principalement des éléments aléatoires, peut affecter cet aspect. Un système très aléatoire peut aussi bien mener à des réussites incroyables qu'à des défaites lamentables. À quel point un jet ouvert affecte cette variable n'est donc pas très clair et peut varier. L'effet exact dépend de comment de tels résultats seront interprétés.

l'héroïsme

L'héroïsme s'inscrit au sein de personnage qui semblent choisi par leurs dieux. Il ne leur est pas permis d'échouer aisément ni même de mourir. Pour cela, ils ont souvent une sorte de mécanique de sauvegarde qui leur permet à un moment critique d'éviter un coup fatal ou de réussir une action importante. Ils peuvent aussi être plus fort que les autres personnages, soit par des statistiques plus grande, un système de résolution avantageux ou des pouvoirs spéciaux. Parfois, cet avantage systématique peut être remplacé par un désavantage systématique pour les adversaires mineurs, qui peuvent être traités, par exemple, comme un seul adversaire, peu importe leur nombre. Ces avantages ne sont pas nécessairement réservé aux PJ. Les PNJ importants peuvent aussi en bénéficier et ainsi constituer de plus grands adversaires pour les PJ.

Cet aspect fait parti de plusieurs genres aussi, incluant le style héroïque, les films d'action, les super héros, et très souvent le space opera. Ils sont souvent liés à un facteur de risque plus bas, bien que ce ne soit pas nécessaire.

La tentation

La tentation est une partie importante du genre fantastique, peu importe l'époque, et représente une lutte passionnée où un personnage peut perdre le contrôle sur lui-même. C'est habituellement représenté avec un compteur qui descend (parfois sans même la possibilité de revenir en arrière) et fait en sorte que le joueur perde le contrôle sur son personnage. À chaque fois que le joueur fait quelque chose jugé mauvais par le décor, ou rentre en contact avec l'objet de la tentation, le compteur décrémente, possiblement suite à un échec et le joueur doit s'assurer qu'il ne tombe pas du coté sombre (souvent représenté par une sorte de panique). Le test représente généralement une perte temporaire de contrôle mais quand le compteur tombe à zéro, le PJ est, la plupart du temps, considéré comme hors-jeux, et donc jouer comme un PNJ, et le joueur doit créer un nouveau PJ.

La tentation peut aussi être représenté par deux valeurs antagonistes (comme la Luxure et la Chasteté) balançant entre ces deux pôles. Chaque test renforce la valeur du coté victorieux, rendant le prochain test plus difficile à résister. C'est habituellement très difficile de changer l'équilibre des valeurs autrement.

Cette liste n'est que partielle et représente seulement quelques exemples de règles bleues immersives. Une étude des genres plus complètes, ainsi que leur support dans les règles peut être espéré pour plus tard, mais aucun plan n'est en place actuellement. Une chose importante à retenir est que le système n'est pas la partie la plus importante lorsque vient le temps de donner l'atmosphère juste à un décor. Le style du MJ et du décor sont bien plus importants. La couleur bleue intervient plus au niveau de comment le système va supporter une telle atmosphère mais non pas comment la créer ni la garantir.

Éléments méta-ludiques

Les éléments méta-ludiques peuvent être aussi importants pour un jeu de rôle que le système ou même le décor. Pourquoi les règles ne pourraient pas encourager une meilleure expérience du jeu de rôle. Dans le modèle des couleurs, les systèmes qui encouragent des éléments méta-ludiques positifs sont considérés comme bleutés. C'est principalement parce que des éléments méta-ludiques positifs encouragent souvent la création d'une meilleure atmosphère de jeu.

Bien que citer toutes les possibilités qu'à un système d'encourager des éléments méta-ludiques positifs n'est pas le sujet de cet article, un bon exemple est de récompenser les joueurs, soit par un bonus d'action, ou par un gain en ressources comme des points de Destin ou d'Expérience, qui ont une bonne attitude (bonne description, sacrifice du personnage pour augmenter l'aspect dramatique de l'histoire, etc.), qui ont travaillé davantage sur leurs personnages, qui garde un journal des aventures du groupe, etc. Certains jeux ont même des mécanismes spécifiques pour le méta-ludique, comme les Points d'humour de Marvel Super Heroes™. Certains jeux encouragent mêmes les autres joueurs à participer à ce type de récompense en leur permettant de donner un certain nombre de points aux autres joueurs à chaque session.

Le modèle GDS et les couleurs

Le modèle GDS (Game, Drama and Simulation ou Jeu, Drame et Simulation), aussi connu sous le nom de Modèle des trois parts a été créé pour résoudre le problème des intérêts multiples en jeu de rôle. Comment ces aspects sont définis et même leurs dénominations varient beaucoup d'une personne à l'autre. Comment ces aspects doivent être adressés dans un jeu de rôle varie encore davantage, au point d'être parfois en complète contradiction les uns avec les autres. Je vais quand même tenter de voir comment les différents intérêts exprimés par ces modèles sont adressés par le système, en utilisant le modèle des couleurs. Il devrait être clair, par définition, que toutes les couleurs sont importantes, mais nous tenterons de voir ici, pourquoi et à quel point elles le sont, relativement à chacune d'entre elle, du point de vue de chaque groupe d'intérêts.

Les intérêts ludistes

Les intérêts ludistes se définissent autour des notions de défi, et d'un jeu franc (fair-play). L'attention est surtout mise sur la possibilité d'avoir un vaste choix d'options pour influencer le jeu (et rendre ainsi les défis intéressants), d'avoir une bonne connaissance de la situation pour prendre une décision juste, d'avoir des buts objectifs (mesurables) afin de déterminer une condition de victoire.

La couleur de cet aspect est probablement la plus difficile à déterminer mais nous pourrions aller vers la couleur rouge. Cette couleur est importante pour fournir un environnement compatible avec un jeu franc. Si les règles sont incohérentes, vos joueurs commenceront à jouer par les règles plutôt que de les laisser agir à travers leurs personnages, afin d'avoir une chance de gagner. Vous le reconnaîtrez à des phrases comme: « Je fais cela puisque ça me donne un meilleur bonus » plutôt que « Je fais cela parce que ça me place en meilleure position. »

La couleur verte est aussi importante tant qu'elle ne retire pas la différenciation des atouts. Le joueur doit être capable de distinguer entre différentes options ici et là et leurs décisions ne devraient pas être une simple question de chance. Les règles vertes peuvent très bien mener à un choix intéressant d'options avec beaucoup de complexité de concept à l'intérieur, un peu comme aux échecs ou dans le jeu de Go. Aussi, des règles vertes permettent à quelqu'un d'être plus rapidement efficace, si bien que les capacités intellectuelles des joueurs prennent rapidement le pas sur leurs connaissances des règles du jeu, bien que cet élément puisse aussi être un champs de compétition qui pourrait plaire aux joueurs ludistes.

Finalement, la couleur bleu peut parfois aider les joueurs à se forger des objectifs à atteindre. Cet aspect ne devrait pas être négligé bien que, parfois, le but des joueurs est plus au niveau du méta-ludique.

Le dramatiste

Les intérêts dramatistes tournent plus souvent autour du fil de l'histoire. Ils ont tendance à considérer une belle histoire comme étant la partie la plus importante du jeu de rôle, avec leurs intérêts orientés plus vers un bon drame que vers la victoire ou même la vraisemblance. Le système doit leur donner un grand contrôle sur les évènements avec, si possible, des mécanismes capables de créer un bon climax et une fin intéressante, tout en soutenant l'atmosphère du jeu.

La couleur la plus importante des dramatistes est le bleu. Un système bleu a beaucoup d'éléments pour favoriser l'atmosphère d'une partie. La couleur verte est aussi importante puisqu'elle donne habituellement plus de contrôle dans les mains du MJ et qu'elle ne nuit pas trop au rythme de l'histoire. Finalement, la couleur rouge conserve une certaine importance en renforçant la vraisemblance de l'histoire, tant qu'elle ne vient pas empêcher le fil de l'histoire d'arriver à la fin voulue.

Le simulationniste

Les intérêts simulationnistes sont aussi appelés les intérêts exploratoire et j'ai tendance à préférer cette dernière appellation. Les explorateurs sont principalement intéressés par la découverte de nouveaux éléments du décor mais aussi, quoique moindrement, par celle d'éléments du système ou même d'éléments méta-ludique comme la réaction des joueurs à certaines situations de jeu.

Pour les simulationnistes, la couleur rouge est la plus importante. Un système incohérent condamnerait la vraisemblance de la situation, invalidant leur expérience exploratoire. La couleur bleu est aussi très intéressante pour ce type d'intérêts, permettant de mieux s'immerger dans le monde du jeu, soutenant l'expérience par elle-même. Finalement, la couleur verte est plus vue comme une nécessité par défaut, le système devant être fluide suffisamment pour ne pas nuire à l'expérience exploratoire.

Résumé

Donc, les intérêts ludistes sont principalement orange (rouge, vert et bleu), les intérêts dramatistes turquoises (bleu, vert et rouge) et les intérêts simulationnistes sont mauves (rouge, bleu et vert). Ceci est très proche du jaune clairvoyant, du cyan dramatique et du magenta expressif du la section intitulée « Le modèle des couleurs » vus plutôt. Ces couleurs sont dites complémentaires entre elles, et me font penser que le modèle des couleurs pourrait être complémentaire à celui des trois parties au sujet des jeux de rôle, et donc ne devrait pas être ignoré lors de la création d'un jeu. Il met en évidence le fait que différent type d'intérêts peuvent être adressés par le même système, bien que certains compromis soient souvent nécessaires.

Un peu d'histoire

L'histoire du modèle des couleurs commence avec une discussion enflammé entre moi et Cédric Lemaire sur la liste de discussion createurs-jdr. Le sujet portait sur la définition de ce qui constituait un meilleur système, ou de ce qui pouvait être amélioré dans un système donné, sans égard aux goûts de chacun. Nous nous sommes rapidement aperçus que nous parlions de choses différentes en utilisant les mêmes mots, et donc que nous avions besoin de nous trouver un vocabulaire commun. Après quelques essais, nous avons trouver quatre qualités sur lesquels nous étions d'accord qu'elles pouvaient être uniquement un atout pour n'importe quel jeu de rôle, avec une définition particulière pour chacune, puisque ces qualités n'étaient pas très bien définies lorsque appliquées aux jeux de rôle.

Les mois passèrent et j'avais commencé à suivre les discussions sur les forums anglophones de conception de jeux de rôle. Je découvris plein de nouvelles théories sur le jeu de rôle mais rien comme les quatre qualités que nous avions obtenus sur la liste de discussion francophone. J'essayai de traduire et j'appelais ce système SCARF, incluant une cinquième qualité, soit le facteur de plaisir. SCARF tenait pour Simplicité, Cohérence, Adaptabilité, Réalisme et Plaisir (Simplicity, Coherence, Adaptability, Realism and Fun en anglais), et la définition été très réduite (par exemple, une meilleure définition de Réalisme aurait dû être cohérence entre le système et le décor). La discussion enflammée qui suivi fût beaucoup plus grande que celle à laquelle je m'attendais et je fus un peu surpris. Dans une réplique plutôt impulsive que j'adressais au forum, dans laquelle j'avais l'impression que toutes ces querelles n'étaient qu'une question de vocabulaire, je finis par suggérer de remplacer les qualités du SCARF avec des couleurs. Je mis le vert pour la Simplicité, le bleu pour la Cohérence et le rouge pour le Réalisme. L'Adaptabilité fut définie comme étant la ténacité.

Je finis par vraiment apprécier cette métaphore. Il est vrai que cette façon de faire était plus hermétique que la précédente mais la métaphore picturale apportait un nouveau regard sur le modèle, incluant certains aspects qui ne faisaient pas partie du modèle précédent, comme le fait que l'Adaptabilité n'était pas tout à fait une Qualité en elle-même, mais une propriété des autres qualités. Je me promis de revenir avec une version plus développée du modèle des couleurs et retournai sur la liste de discussion de createurs-jdr. Un envoi et quelques répliques plus tard, je rajoutais rapidement de nouveaux éléments à la tenacité, la divisant entre tenacité, caméléonisme et la transparence. Une remarque à propos de Légendes™ comme étant un système de jeu vert une fois les personnages créés me fit réfléchir sur la notion de visibilité d'une règle. Quelques réflexions plus tard, en lisant sur la Forge, me firent déplacer la transparence des degrés de liberté vers la visibilité et finalement une section sur la brillance (qui a été créée le même jour avec la métaphore du sort de noirceur) a été ajoutée.

Une absence prolongée du milieu rôlistique me fit laissé tout ça en suspend, bien que je travaillais encore sur d'autres aspects, tels que le modèle des jouets. Ce fût que plusieurs mois plus tard que je traduisis cet article en français, et c'est là que nous sommes rendus. Je suis certains que le modèle des couleurs n'a pas encore révélé tout son potentiel et peut encore nous réserver des surprises.

Remerciements

Je voudrais remercier Cédric Lemaire, avec lequel j'ai développé, dans le contexte d'une discussion enflammée, le modèle SCAR, les membres de la liste de createurs-jdr pour leurs suggestions variées, John H. Kim, Brian Gleichman et Ron Edwards pour leur travail fantastique sur la théorie du jeu de rôle, et les membres du forum Art of Game Design de RPGnet pour leurs commentaire inspirants qui ont mené au modèle des couleurs.



[1] J'ai choisi cette traduction pour meta-gaming. En français, méta-ludique servirait davantage pour désigner une abstraction supplémentaire au-dessus du jeu, par exemple le langage décrivant les éléments du jeu lui-même. Mon usage ici rejoint plus celui d'éléments extérieurs au jeu.

[2] Une autre façon de voir le modèle, c'est de comparer le système à des lunettes plus ou moins opaque, ou à un projecteur sur la partie en cours. Plus les lunettes sont opaques, ou les projecteurs faibles, moins vous voyez bien la scène. Toutefois, cette métaphore pose certaines limites et doit être repensée plus en détails.

[3] Franchement, je ne suis pas si sûr que ce soit un si bon exemple. De meilleures suggestions sont bienvenues.

[4] Je n'aime pas cet adjectif mais je voulais éviter l'usage de simple, puisque la couleur verte représente beaucoup plus que la simplicité d'un système. Fluide est actuellement le seul terme qui correspond à l'idée que je me fais de cette couleur.

[5] Rappelez-vous, ceci sont les trois couleurs primaires additives, comme votre télévision mais pas comme celle de la peinture, qui sont des couleurs primaires soustractives.

[6] Si quelqu'un peut m'offrir un meilleur terme que ce mauvais néologisme, je suis prenant!

[7] La dénomination de transparence est souvent utilisée dans un sens beaucoup plus large. La bonne définition semble varier beaucoup et, bien sûr, je préfère la mienne. Généralement, les gens semble dire qu'un système est transparent s'il est soit très vert ou transparent comme je l'entends dans ce modèle, sans distinction. Il faut donc essayer de ne pas confondre les gens en précisant qu'on parle de la couleur transparente du modèle des couleurs.

[8] On appelle ça la suspension de l'incrédulité. Je compte y revenir dans un article futur.

[9] C'est un aspect courant de la transparence d'une telle règle.

[10] Cette option est bonne uniquement si un tel résultat binaire fait du sens, dans un test de force par exemple. S'il existe une chance pour les deux opposants d'échouer ou de gagner simultanément, et que cette possibilité est intéressante au niveau du développement de l'histoire, de ne faire qu'un seul jet peut assombrir la couleur rouge du jeu.