Définition du modèle

Table des matières

Jeu/Participation
Jouet/Exploration
Histoire/Expression

Le modèle des jouets se divisent en trois aspects correspondant aux activités énumérées ci-haut. Ces trois divertissements apportent chacun un des composants distinctifs de ce qui constitue le jeu de rôle. Afin de bien discerner ce composant de l'activité elle-même, nous le nommerons à partir du besoin auquel il tente de répondre. Ainsi, le jeu sera apparié au besoin de participation, le jouet à celui d'exploration et l'histoire à celui de l'expression. Ces trois paires peuvent ainsi être décrites comme étant Jeu/Participation, Jouet/Exploration et Histoire/Expression, que nous considérons comme les trois composants du modèle des jouets.

On peut donc définir les composants du jeu de rôle de la façon suivante:

Jeu/Participation

Le jeu, et les règles du jeu, occupe souvent une place plus importante que l'on croit dans notre vie en société. De connaître les règles du jeu nous permet bien souvent de nous sentir plus à l'aise en société, et permet de nous assigner un rôle et une raison d'être, un objectif. De plus, le jeu sert souvent d'excuse pour se rencontrer et passer du bon temps ensemble. En bref, le jeu offre un cadre bien défini pour les interactions entre plusieurs personnes, en offrant des comportements bien définis et rassurants.

Cette façon de voir le jeu peut sembler trop ordonné, figé pour une activité que l'on classe dans les loisirs. Ne sommes-nous pas là pour se détendre et s'éviter les contraintes fixés par la société? Mais c'est justement parce que le jeu de rôle est un loisir que chacun est libre de pratiquer que les rôles de joueurs et de MJ sont agréables et permettent de se détendre. Nous verrons plus bas, dans la section consacrée à cette partie, en quoi l'absence de règles peut nuire au plaisir des joueurs et l'importance qu'elles peuvent avoir dans le bon déroulement d'une partie.

Jouet/Exploration

Les jouets, ce sont tous ces objets qui captent notre attention et nous permettent de nous évader, que ce soit en nous divertissant (comme avec une balle), en nous intéressant (comme avec un kit de construction) ou en nous permettant de jouer à « faire semblant ». Les termes immersion, simulation, possibilités font tous parti intégrante de cette terminologie, soit autant d'occasion d'explorer de nouveaux territoires, de voir comment ça marche ou simplement d'expérimenter. Il est possible d'ajouter des règles, des objectifs à un objet, comme lorsqu'on joue au football avec un ballon, ou que l'on tente de construire un vaisseau spatial avec des blocs Légos, ou même de conter une histoire avec ces jouets, mais, justement, à ce moment là on ne parle plus de jouets, mais de jeu de ballon, de casse-tête, ou d'histoires imaginaires. Le jouet a tout simplement emprunté une des nombreuses formes qu'on peut lui prêter et explorer avec lui. À remarquer, c'est souvent le même désir d'évasion que l'on retrouve souvent dans les œuvres de fictions, surtout fantastiques. Ce type d'œuvres, quelle soit littéraire ou cinématographique, invite le lecteur à se laisser porter par le récit et à découvrir de nouveaux horizons imaginaires. Elle est donc beaucoup plus proche du jouet qu'elle nous semble aux premiers abords, ce qui pourrait expliquer la popularité des différents jouets souvent commercialisés avec ces œuvres.

Histoire/Expression

Il existe plusieurs genres d'histoires, dont certaines semblent être couverts par les composants précédents. Ainsi, le roman policier, dont l'intérêt est dans l'intrigue et la possibilité qu'à le lecteur de battre l'auteur à son jeu, a été couvert par le composant jeu, alors que les romans fantastiques ou du moins fictifs, qui invite le lecteur à s'évader, a été couvert dans le jouet. Que reste-t-il alors? Il reste ces histoires qui finissent bien ou mal, qui nous font partager les difficultés de quelqu'un, qui nous donne une leçon de morale, d'éthique, ou exprime simplement un questionnement de l'auteur sur un sujet particulier. Ces œuvres sont le résultat de l'expression de l'auteur, de son intérêt particulier pour un sujet, et c'est à ce niveau que l'Histoire/Expression existe.

Ici, il est bien important de comprendre que l'expression existe au-delà du conte lui-même. L'expression, c'est le message que porte le texte de l'histoire, c'est l'intérêt de l'auteur envers ce texte et, parce qu'il le lit et continue à le lire, celui du lecteur. L'Histoire/Expression est donc à la fois très personnel et aussi un des éléments les plus importants dans la constitution de nos sociétés. Les échanges à ce niveau constitue ce qu'on appelle la culture et est à la base de nos groupes d'appartenance.

Quand est-il du jeu de rôle dans tout ça? Le jeu de rôle se retrouve à emprunter à tous ces divertissements à la fois. Il offre l'occasion de s'évader, de s'exprimer et de se rencontrer entre amis. Ce qu'il faut toutefois se rendre compte, c'est que bien que le jeu de rôle permet de faire tout ça à la fois, et à des degrés divers, il constitue un bien médiocre représentant de chacun. Ainsi, pourquoi mettre tous ces efforts dans la construction du personnage simplement pour s'amuser entre copains? Pourquoi cette gestion des points de vie quand vous désirez vous prendre pour un super-héros? Pourquoi laisser des dés vous dicter ce que vous avez le droit ou non d'exprimer? Bref, le jeu de rôle, lorsqu'il se concentre sur un seul de ces aspects, est plutôt handicapant. C'est seulement lorsqu'il en jumelle plusieurs qu'il commence à prendre de l'intérêt. Bien qu'il soit possible de ne chercher que de subvenir à un seul besoin avec le jeu de rôle, il existe d'autres médiums, d'autres loisirs mieux adaptés tels que le jeu de société, le jouet ou l'histoire, pour y répondre. Ce modèle du jeu de rôle considère donc qu'au moins deux intérêts sont présents lors d'une partie de jeu de rôle et que les trois sont nécessaires à l'existence même du jeu de rôle, bien qu'à différents niveaux selon les groupes. C'est plutôt par une question d'équilibre entre les trois, et surtout de conscience de cet équilibre, que l'on parviendra à un bon compromis. Nous verrons dans chacune des prochaines sections comment cela peut devenir possible.

Jeu/Participation

Comme nous l'avons vu, l'axe Jeu/Participation se concentre surtout sur l'aspect social du jeu de rôle, et s'inspire des différents jeux de société. C'est l'aspect où les règles sont les plus importantes mais aussi où l'amusement a le plus sa place. Bien qu'il soit un peu trop poussé de considérer que les êtres humains sont incapables de s'amuser entre eux sans règle, il est simplement assez évident lorsqu'on observe un groupe d'individus en train de s'amuser qu'ils suivent une série de règles, une sorte de code de conduite leur indiquant ce qu'ils peuvent faire et ne pas faire, et comment et quand le faire. Ces règles de conduite ne sont pas toujours explicites et cela peut prendre un certain temps pour un nouvel arrivant pour les découvrir.

Les jeux de sociétés, tout comme les sports et plusieurs autres activités humaines, diminuent de beaucoup ce temps d'adaptation, en offrant des règles claires déterminant qui doit jouer, ce qu'il peut faire et quel est l'objectif à atteindre. Ces règles permettent à des gens qui se connaissent peu de se retrouver dans un cadre clair, garantissant un certain comportement considéré comme adéquat (incluant celui de suivre les règles) et permettant aux gens d'avoir du plaisir ensemble pendant une bonne soirée. On peut se rendre compte de l'importance de ces règles lorsqu'elles échouent à atteindre ces objectifs.

Le cas le plus évident est de mettre deux joueurs de cartes ensemble et de dire à l'un qu'il joue au poker et à l'autre qu'il joue au black jack. Il est clair que la confusion ainsi créée, tant qu'elle est maintenue, va rendre le jeu impossible et désagréable pour les deux joueurs. Ils s'accuseront de tricher, de mal jouer et se disputeront sur les conditions de victoires. Bien sûr, la confusion sera telle qu'il arrive rarement que deux joueurs restent dans une telle condition pendant longtemps sans s'apercevoir qu'ils ne jouent pas au même jeu. Mais que dire lorsque deux joueurs de bridge ou de tarot jouent à des variations différentes du même jeu? Des confusions, des erreurs et même parfois des disputes surviennent, forçant bien souvent les joueurs à arrêter le jeu et à recommencer la partie après s'être mis d'accord sur les règles. Pareillement pour les jeux où des règles floues ou complexes permettent des interprétations parfois contradictoires sur ce qui est permis ou non de faire.

Quand est-il du jeu de rôle? À cause des immenses possibilités qu'offre le jeu de rôle, il arrive souvent que des lacunes existent dans les règles qui provoquent de telles confusions, incluant les désagréments. D'ailleurs, c'est l'une des raisons (et non la seule) de l'existence du rôle de meneur de jeu dans une partie, dont l'une des responsabilités est justement de trancher dans les cas de confusion, afin de ne pas ralentir la partie. Cette solution, bien que souvent adéquate, ne doit pas être abusée au risque de rendre le jeu trop dépendant du bon jugement du MJ, ou de laisser aux joueurs une impression d'arbitraire parfois inadéquate. De conserver des règles simples et claires dans leur application est souvent le meilleur moyen de s'assurer qu'il y ait peu de place à l'interprétation et à la confusion qui peut en résulter. D'offrir des objectifs clairs permet aussi d'atteindre un but similaire. D&D (la première édition) présente un bon exemple de ce qui peut être considéré comme des bons éléments d'un jeu de rôle où l'aspect Jeu/Participation a été particulièrement surveillé, et explique probablement pourquoi ce jeu de rôle, malgré son âge, est resté l'un des plus populaires et qu'il fût très souvent utilisé pour initier de nouveaux joueurs:

  • Le jeu contient des objectifs clairs: Explorer des donjons, tuer des monstres et récolter des trésors vont permettre à vos personnages de gagner des points d'expériences et de passer des niveaux.

  • Les rôles de chacun sont clairement définis par les classes de personnage et l'alignement et tous les personnages ont leur place dans le jeu, ce qui explique aussi la composition hétérogène et équilibrée de la majorité des groupes de joueurs (du moins au départ).

  • Les bonus des statistiques et des objets magiques, les règles sur l'armure, les niveaux, les dés de vie et même l'alignement permettent de déterminer rapidement les capacités du personnage, les choix d'actions possibles, ses chances de succès pour une action donnée et leurs effets.

  • Les jets d'initiative permettent à chacun de savoir quand c'est son tour, et les règles de combats sont suffisamment clairs et simples pour permettre des tours de jeu rapides qui s'apprennent rapidement.

  • Les règles de magie, tant dans le fonctionnement de la magie que dans la description des sorts, laissent peu de place à l'interprétation, y compris pour des sorts qui pourraient être relativement complexes comme « Détection du Bien et du Mal », « Guérison des blessures majeures » ou « Réincarnation ».

Les versions suivantes du jeu (du moins, celles qui précèdent la troisième édition) ont souvent modifié ces règles pour les rendre plus réalistes, les rendant plus souvent qu'autrement très complexes et confuses et aidant rarement à rendre le jeu plus agréable. Le focus ici a été clairement perdu et on ne peut qu'espérer que la troisième édition a fini par arranger les choses quelque peu.