Copyright © 2003, 2004 Fabien Niñoles
Historique des versions | |
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Version 0.1.1 : | 2004-02-11 |
Ajout de l'introduction (temporaire) du Credo du joueur harmoniste. | |
Version 0.1 : | 2003-11-22 |
Première version |
Résumé
Le credo des harmonies se veut avant tout une ligne de conduite à suivre pour les meneurs de jeu et les joueurs qui le désirent, afin d'aller chercher plus de plaisirs dans leurs parties, tant pour eux que pour leurs amis. Il ne se veut pas ni un code de conduite rigide, ni même une prétention à une unique façon de jouer qui serait meilleure que les autres. Ce ne sont que des conseils avant tout, voire un credo que vous pourrez suivre si vous le voulez, en tout ou en partie.
Table des matières
Le Credo des Harmonies a été au départ écrit pour la
Confrérie de la Clef, un club de meneurs de jeu dont le but est
de faire du jeu de rôle médiéval fantastique et d'en promouvoir
l'imaginaire et le plaisir. Lors de sa publication sur la liste
de discussion <createurs-jdr@yahoogroupes.fr>
toutefois, le Credo des Gardiens de la Clef, comme il s'appelait
alors, a reçu un accueil plutôt négatif. Pourtant, très peu en
attaquèrent le contenu lui-même. Ce fut plutôt la forme et le
principe même du credo qui fûrent critiqués, principalement sur
des arguments religieux, la forme rappelant le credo
judéo-chrétien, et le style autoritaire, absolu du Credo faisait
dire à certains qu'on n'avait pas besoin de telles règles dans
le jeu de rôle qui n'est, dans le fond, qu'un loisir.
Le Credo a donc connu une série de modification pour s'accommoder de ces remarques, incluant un changement de titre (il s'est alors appelé les principes des Gardiens de la Clef) et l'ajout d'éléments modérateurs et d'un ton plus neutre, afin de s'assurer que personne ne se sentira lésée dans sa religion, ni ne se sentira coupable s'il ne suit pas les commandements du Credo. Bien que j'aie effectué moi-même ces modifications, je les regrette avec assez d'amertumes pour la plupart. Pas que le Credo fut trahi dans son contenu, loin de là; tout ce qui était important y est encore et même il a gagné en maturité, en clarté. Mais il y a quand même eu une trahison: j'avais écrit le Credo non pas comme un ensemble de règles ou de conseils soutenus par une théorie indestructible, ou du moins solide, mais vraiment comme un acte de foi, en croyant que les éléments présentés par ce Credo étaient effectivement la meilleure façon de favoriser une expérience agréable lors d'une partie de jeu de rôle.
En fait, le Credo favorise un genre de partie bien précis, que certains qualifient de narrativiste, qui met l'accent sur la qualité narrative de l'histoire et l'entente et la complicité entre les joueurs, plutôt que sur le défi ou l'immersion complète des joueurs dans l'univers des personnages. C'est un choix totalement arbitraire de ma part et ne croyez nullement que je dénie l'intérêt de parties orientées vers le ludisme ou l'immersion, loin de là! En aucun endroit je ne prétends que ces règles doivent être suivies par chacun, ou que vous allez être punis et que vos dés seront maudits à jamais si vous ne suivez pas ces règles. Je suis certain qu'il est possible d'avoir bien du plaisir dans une partie de jeu de rôle sans avoir à les suivre et je suis moi-même maintes fois coupable de tels écarts et je ne m'en cache pas.
Le Credo des Harmonies est donc une reprise à mon compte du premier Credo des Gardiens de la Clef, incluant les améliorations qui lui ont été apportées par la suite mais en conservant la forme première. Rappelez vous que personne ne vous a demandé de suivre ce credo, ni même de l'accepter. Les remarques qui ont pour but de l'améliorer sont toutefois la bienvenue!
Il y a un principe qui ne faisait pas partie du credo dans la première version de celui-ci mais qui a été ajouté dans la suivante. Il n'était pas présent car il constituait, à mon avis, un élément si évident, si propre à la nature du jeu de rôle, que de l'inclure aurait été comme de prétendre que l'on pouvait faire du jeu de rôle sans cet élément. D'ailleurs, toutes les autres affirmations du credo, et le credo lui-même, s'appuie sur celui-ci pour justifier leur existence. On me rappela toutefois que nombre de joueurs avaient tendance, en se laissant prendre par le jeu, à oublier ce principe existentiel du jeu de rôle qui va comme suit:
Le plaisir est le but de toute aventure.
Évident, n'est-ce pas? Comment un jeu de rôle, et l'on parle ici du loisir et non d'un quelconque jeu de rôle thérapeutique ou éducatif, pourrait-il exister sans plaisir? Ce principe du jeu de rôle est plus qu'important, il est essentiel! La raison même pour laquelle on joue est d'avoir du plaisir et s'il n'y en a plus, il vaut mieux pour les participants de s'arrêter et de changer de jeu. Le jeu de rôle n'a pas été construit pour être une tâche déplaisante ou un calvaire, mais bien pour procurer à tous quelques moments de détente et d'évasion fort appréciés.
Ce sont pour ces raisons que j'ai mis ce principe à part des autres, dans sa propre section. Il est trop important pour être lié au credo lui-même et s'il n'y a qu'un seul principe que vous devriez suivre en jouant, c'est celui-ci, par dessus tous les autres.
Le maître harmoniste est un meneur de jeu qui s'occupe principalement que lui et ses joueurs trouvent intérêts et plaisir dans ses parties. Par le pouvoir qu'on lui prête et le fait qu'il soit le seul à connaître tous les éléments de l'aventure, le meneur de jeu a une place centrale dans l'aventure qui peut faire complètement basculer dans le désagrément une partie qui aurait sinon eu toutes les qualités pour réussir. Le credo du maître harmoniste positionne donc le meneur de jeu comme un animateur, un conteur et un médiateur plutôt que comme un arbitre rigide ou un adversaire. Il se base donc principalement sur les qualités de préparation et d'écoute du meneur de jeu, ainsi que sur la qualité de son jugement. Voici donc le credo au complet:
Credo du maître harmoniste
La préparation est le garant du succès.
L'entente sera préférée à l'arbitrage.
Les règles sont au service de l'aventure.
Le hasard n'a que le pouvoir qu'on lui prête.
Ce qui est assez important pour être chiffré l'est aussi pour être décrit.
Je vais maintenant reprendre chacun des éléments du credo et les commenter un à eux, en donnant, lorsque possible, un exemple où le plaisir n'a pas été présent dans la partie et où suivre le credo aurait pu aider la situation, et j'essayerai de voir aussi s'il est possible d'abuser du credo, c'est à dire de le suivre d'une façon si aveugle que le plaisir de la partie en est gâté.
La préparation est le garant du succès.
Même l'improvisation se prépare et le maître harmoniste expérimenté se distinguera plus par la qualité de sa préparation que par son talent d'improvisateur.
Il n'y a rien de plus énervant qu'un meneur de jeu qui n'arrête pas de chercher ses notes, prend trois heures pour régler des détails qui n'ont pas été prévus et qui changent d'idées à tout bout de champ. Et comme meneur de jeu, c'est aussi très désagréable d'être pris de cours. Je préfère bien souvent arrêter une partie plutôt que de me laisser prendre dans une section du scénario pour lequel je ne suis pas préparé. Bien qu'il puisse m'arriver d'être suffisamment en forme pour improviser, c'est plus souvent qu'autrement des lieux, personnages et situations qui me sont déjà familiers en tant que meneur de jeu et donc une forme de préparation permanente.
Ici, le plus gros risque, c'est de vouloir tout préparer. Qui ne s'est pas fait prendre à préparer dans tous les plus petits détails une partie, un monde, ou de créer des personnages tellement plus grands que nature qu'ils prennent toute la place au détriment des PJ? C'est à mon avis le risque inhérent à tout projet: oui, il faut être préparé, mais aussi, à un certain moment, il faut se lancer et laisser rouler. C'est un vieux blocage créatif, difficile à contourner et qui même dans le monde professionnel, ne connaît pas de solution universelle. Bref, c'est une question de jugement.
Toutefois, je pense que la plupart des gens, surtout quand on parle de jeu plutôt que de carrière, ont tendance à la paresse plutôt qu'au surcroît de travail et donc que le manque de préparation est plus fréquent qu'une préparation exagérée. À quelque part aussi, on peut dire que le credo, en parlant de se préparer à improviser admet les deux cotés de la médaille: « oui, vous devez être prêt, mais à improviser, pas à réciter! »
Quelques lignes directrices pourraient être les bienvenues à ce niveau.
L'entente sera préférée à l'arbitrage.
Bien qu'il soit le juge ultime de la partie, le maître harmoniste sera à l'écoute de ses joueurs et tiendra compte de leurs intérêts dans ses décisions, afin que ces derniers participent eux aussi à la création.
La pire erreur qui soit à mes yeux est bien lorsqu'un MJ impose ses décisions au détriment de ses joueurs sous prétexte que « le MJ a toujours raison ». Le pouvoir du MJ ne lui appartient que par entente avec les joueurs. Un MJ sans joueur n'a rien à faire et n'a aucun pouvoir et, à moins d'avoir des tendances soumises, rares sont les joueurs qui aiment faire que ce qu'on leur dit de faire. Les joueurs ne font pas une pièce de théâtre où ils doivent tenter de trouver la bonne réplique pour ne pas être éliminés ou mis de coté temporairement. On joue plutôt de façon interactive et une grosse partie du plaisir du jeu de rôle est le degré de liberté des joueurs. Toute restriction à cette liberté doit être justifiée par le plaisir de jouer, et donc la bonne entente entre les joueurs.
Ici, le risque principal est de transformer une partie en table de négociation. À quelque part, le principe du MJ qui a toujours raison venait contre balancer cet effet de négociation, mais plutôt vis-à-vis des règles imprécises et floues que pour favoriser la bonne entente au sein de l'équipe. De plus, on peut parler d'entente, mais à quel prix? Comme le dit le credo, l'arbitrage n'est pas honni, mais n'intervient que lorsque rechercher une entente risquerait plus de nuire au plaisir du jeu (et non pas à l'histoire comme je l'ai déjà entendu dire). Je pense que dans une partie, il y aura toujours un certain niveau de négociation à faire, surtout au départ avec un nouveau groupe de joueurs. S'il fallait s'entendre sur toutes les règles, styles et principes dès le départ, on n'en finirait plus et la partie ne commencerait jamais. C'est d'ailleurs aussi une des utilités du credo de fournir une base à ce sujet, qui pourrait être approfondi dans un contrat social entre le MJ et les joueurs. Il y a aussi des situations où le MJ, qui connaît la trame scénaristique, peut considérer que l'arbitrage peut intervenir, en tenant compte des éléments que les joueurs ignorent actuellement. Cela demande toutefois une bonne connaissance de objectifs de ses joueurs et un certain jugement de la part du MJ.
Les règles sont au service de l'aventure.
Les règles sont là pour assurer le plaisir et la bonne entente entre les joueurs. Lorsqu'elles ne répondent plus à cet objectif, il est du devoir du maître harmoniste de les assouplir, les modifier ou les mettre de côté pour le plaisir des joueurs et de lui-même. Le maître harmoniste ne doit pas se laisser mener par les règles et doit toujours faire preuve de jugement dans leur application.
J'ai vu aussi très souvent des MJ justifier des résultats aberrants par le livre des règles: « C'est écrit, c'est donc ainsi que ça doit se passer. » En tant que créateurs de jeu de rôle, je sais très bien qu'il n'est pas possible de prévoir toutes les situations qui peuvent subvenir dans un jeu de rôle. Mon principe de base en tant que créateur de règles, c'est que les situations exceptionnelles sont laissées au jugement du meneur et des joueurs. Les règles n'ont qu'à adresser les situations les plus courantes dans le jeu de rôle. Je pense que c'est un point de vue partagé par la plupart des créateurs, résumé par la règle d'or de tout système de jeu: « Toute règle peut être ignorée. » que l'on retrouve dans la plupart des manuels. Donc, si un tel principe est présent dans tous les jeux de rôle, ne serait-ce pas une erreur pour un meneur de jeu de l'ignorer[1]?
Le bon meneur devra toutefois user de jugement avant d'ignorer une règle. Le principe dit bien que les règles sont au service de l'aventure, et si elles peuvent échouer à ce but, en quel cas le maître harmoniste est en droit de les assouplir, la majorité du temps elles sont là pour quelque chose, du moment où le jeu a été bien fait. Prétendre qu'il y a des règles et que le meneur peut les ignorer à loisir est une contradiction en soi, très injuste vis à vis des joueurs, qui se servent bien souvent des règles pour asseoir leur compréhension de l'univers, leurs stratégies, ou simplement la tournure qu'ils veulent donner à l'histoire. Ignorer une règle sans justification, c'est trahir vos joueurs et le maître harmoniste tentera toujours de garder à l'esprit pourquoi une règle particulière existe et qu'est-ce qui en coûtera, pour sa partie, de l'ignorer.
Le hasard n'a que le pouvoir qu'on lui prête.
Lorsqu'il permet un jet de dé, un maître harmoniste devrait toujours prévoir tous les résultats possibles et ne pas permettre de résultats aberrants, impossibles ou autrement indésirables. Puisqu'en tant que meneur de jeu le maître harmoniste possède une grande liberté dans l'interprétation des résultats, ces derniers devraient toujours servir l'aventure et le plaisir des joueurs. Une bonne histoire est celle où les héros éprouvent des difficultés et ne réussissent pas nécessairement tout ce qu'ils tentent.
Ce principe va plus loin que simplement ignorer les résultats aberrants. Il va même plus loin que la simple tricherie ou d'ignorer un résultat. Il rappelle au maître harmoniste que les dés ne sont que ces outils et qu'il s'en sert comme il veut. Le maître harmoniste choisira quand et sur quoi les dés seront jetés, évitant de le faire inutilement, particulièrement si la situation ne le commande guère. Il utilisera les dés non pas comme un producteur d'évènements aléatoires qu'il aura gré d'ignorer, mais bien comme source d'inspiration, et il usera d'imagination pour interpréter les résultats d'une façon intéressante et qui restera valide selon les règles.
L'erreur la plus courante qui justifie ce principe concerne les évènements aléatoires. Un joueur tente une action, obtient une maladresse, et le meneur lit bêtement les résultats dans une table. La majorité du temps, si la table est bien faites, le résultat sera effectivement un rebondissement ou une anecdote qui apportera quelque chose à l'histoire. Mais d'autres fois, particulièrement dans des moments importants de la partie, l'évènement risque d'être malvenu. Le maître harmoniste ne doit pas alors hésiter à choisir un évènement particulier, le plus évident, afin d'éviter une dégradation complète de l'atmosphère de jeu pour quelque chose qui serait inapproprié. De même, si la situation est pratiquement assurée, le maître harmoniste devrait en tenir compte, plutôt que de chercher une vague explication tirée à quatre épingles pour expliquer les résultats inattendus du hasard.
La pire façon d'abuser de ce principe est d'essayer de tout contrôler. Je ne parle pas ici des jeux sans hasard, comme Amber™, mais plutôt de ces meneurs qui ne cessent de truquer les résultats, que ce soit pour plaire aux joueurs, empêcher les PJ de mourir ou simplement diriger les évènements à leur guise. Il y a une certaine dose d'inattendu et d'inventivité dans le jeu de rôle, et le maître harmoniste devrait plutôt veiller à utiliser ses capacités d'improvisation lorsqu'une telle situation se présente, plutôt que de tenter d'ignorer le résultat. Le pouvoir de l'imagination dépasse largement tout ce qu'un système de génération aléatoire pourrait créer, et le résultat des dés ne devrait jamais être une excuse pour expliquer une mauvaise partie, ni une justification pour les ignorer.
Ce qui est assez important pour être chiffré l'est aussi pour être décrit.
Bien que les chiffres soient utiles pour éviter les malentendus et permettre un rythme rapide lorsque nécessaire, ils ne remplaceront jamais une bonne description pour créer une ambiance et donner une juste impression des événements. De plus, chaque chiffre utilisé en cours de partie, que ce soit un attribut, une difficulté, un jet de dé ou un résultat, est une occasion rêvée pour ajouter de la couleur à l'histoire.
Les chiffres dans le jeu de rôle ne devraient jamais rester une abstraction. C'est au maître harmoniste de les habiller correctement, de faire sentir aux joueurs ce qu'ils représentent dans leur contexte. Le but ici n'est pas de bannir les chiffres de la narration rôlistique, mais bien de leur donner une saveur, une odeur. Le même chiffre, même s'il décrit le même élément, peut avoir une signification fort différente dépendant du contexte dans lequel il est utilisé.
Un des chiffres les plus souvent oubliés est le résultat du dé lui-même lors d'un jet de résolution. On se contente bien souvent de le comparer à une valeur cible et de l'interpréter en tant que succès ou échec, sans plus. C'est bien dommage, car il est une excellente occasion de s'en servir pour décrire la performance ou la qualité du résultat. Il est bon ici de se rappeler que les éléments d'une résolution d'action sont le contexte, le but, la performance et les résultats et que chacun de ses éléments méritent sa description.
Le joueur harmoniste est un joueur qui partage avec le maître harmoniste le désir que chacun, les autres joueurs, le MJ ainsi que lui-même, aient du plaisir dans les parties auxquels ils participent. C'est avant tout un bon joueur qui sait travailler en équipe et fait preuve de ce qu'on appelle l'esprit sportif ou fair play. Toutefois, le joueur harmoniste va plus loin que ces quelques principes de savoir-vivre que toute personne devrait suivre.
Le joueur harmoniste est un joueur actif, qui ne se contente de suivre le jeu et les règles, mais y participe et même crée l'aventure. Par son jeu créatif, il offre de nouvelles possibilités tant pour le MJ que pour les autres joueurs. Il est attentif à ce qui se passe et favorise un jeu coopératif où tout le monde a la possibilité de participer plutôt que de chercher à tout pris la victoire ou le devant de la scène. Pour le joueur harmoniste, la victoire, c'est le plaisir de jouer. Il sait aussi qu'il est tout autant responsable du plaisir et de la cohésion de la partie que le MJ sans toutefois chercher à lui prendre son authorité.